À la lecture des grands titres de l’actualité, on vous pardonnerait de croire que le commerce international traverse des jours difficiles. Les crises renforcent la mentalité du « moi d’abord » qui, on le sait, nuit au commerce mondial. Ce dernier, par ailleurs, a subi les perturbations induites par les confinements et, plus récemment, les contraintes pesant sur les chaînes d’approvisionnement, qui sont attribuables à une relance rapide de l’activité et aux éclosions du variant Delta à des points névralgiques de l’approvisionnement. En ajoutant à ce tableau les défis inhérents au commerce multilatéral et les autres déconvenues de l’Organisation mondiale du commerce, on pourrait penser que ce secteur sensible de l’économie mondiale est à la dérive. Mais, au fait, que nous disent les chiffres?
La réponse initiale à la pandémie a fait chuter de 17 % les exportations mondiales de janvier à avril 2020. Cette chute a duré quatre mois puisque la pandémie a impacté diverses régions du globe à des moments différents. Dans la plupart des pays, les dommages ont été ressentis en l’espace d’un ou deux mois. Les économies avancées ont été les plus durement frappées avec un recul de 23 %, et une incroyable contraction de -31 % dans la zone euro. Dans les économies émergentes, les exportations ont diminué de 10 %, soit un repli très marqué quand une croissance dans les deux chiffres était attendue. La Chine et l’Amérique latine ont encaissé de pertes semblables à celles des économies avancées, sans doute en raison des liens étroits entre ces marchés et ces riches économies.
Nous connaissons bien cet épisode, mais la perception générale est que les actions prises ne sont pas à la hauteur et contribuent à une relance somme toute incomplète. Pourtant, cette perception est erronée. La plupart des pays ont regagné l’essentiel de leurs exportations en deux ou trois mois. En août 2021, les exportations étaient de seulement 3,2 % inférieurs aux pics d’avant la pandémie, les économies avancées accusant un retard de -5,2 %; pour sa part, le monde émergent a orchestré une reprise complète de ses exportations en portant ce taux à +0,7 %. Parmi les grandes économies, les États-Unis et le Royaume-Uni ont, au départ, éprouvé le plus de difficulté à reprendre pied.
Les dernières données confirment que la croissance s’installe. Partout sur le globe, la croissance des exportations corrigée de l’inflation a progressé de 5 % par rapport au niveau d’avant la pandémie. Pour les économies avancées, ce chiffre était d’à peine 1 % étant donné que les multiples confinements ont miné le dynamisme, et que le Royaume-Uni et les États-Unis tout comme la zone euro sont loin du peloton de tête dans la course sur la voie de la reprise. En revanche, dans le monde émergent, l’activité s’établit à 12 % au-dessus des niveaux d’avant la pandémie, la Chine récoltant un incroyable 21 % et le reste de l’Asie émergente, 16 %. Dans les économies émergentes, seuls l’Afrique et le Moyen-Orient sont aux prises avec des difficultés. Notre perception est passablement faussée par la couverture médiatique qui est faite des économies ayant pris du retard.
Pourquoi ces économies tirent-elles de l’arrière? C’est là une excellente question. Chose certaine, une demande insuffisante n’en serait pas la cause. En fait, chaque réouverture de l’économie s’accompagne d’un net rebond de l’activité d’export-import. À la différence des récessions habituelles – où l’appétit est absent –, la conjoncture que nous traversons est différente pour le secteur de l’exportation. En effet, l’économie est en quête de croissance, mais son élan est ralenti, du moins pour le moment. Compte tenu de la vigueur de la demande comprimée – grâce aux formidables liquidités accumulées pendant la pandémie –, les exportateurs pourraient être pris de court lors du retour en force de l’activité économique et de la croissance.
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En fait, c’est déjà le cas. La demande excède l’offre du côté des produits de base ainsi que des biens intermédiaires et finis. D’ailleurs, le résultat est bien visible pour les consommateurs. Les prix semblent grimper un peu partout alors même que les biens disponibles sont vivement convoités; cette réalité pourrait perdurer pendant un bon moment. Cette perception de pénurie pousse de plus en plus les acteurs du marché à mettre la main sur le plus grand nombre possible de sources d’approvisionnement – et à ce jeu, les grandes économies profitent d’un avantage certain.
Les exportations n’ont pas été épargnées par la montée des prix. La croissance annualisée des prix à l’exportation atteint 17,5 % en moyenne pour la première moitié de l’année. Et la cadence semble s’accélérer. Depuis trois mois, à l’échelle de la planète, cette croissance a bondi à 20,5 % grâce aux gains induits par les prix à l’exportation sur les marchés émergents. Les économies avancées suivent de près : leurs gains annualisés des prix à l’exportation ont augmenté de presque 17 % au cours des trois derniers mois. Les coûts s’emballent aussi, et il y semble y avoir peu de signes d’une véritable accalmie à l’horizon.
Conclusion?
Si l’élan du commerce international se trouve réprimer, ce n’est sans doute pas la demande qui est en cause. Le temps est venu, semble-t-il, de libérer l’offre et si on le fait avec brio, on imprimera une solide impulsion à la croissance qui pourrait toutefois amplifier les contraintes de capacité. C’est là un beau problème en soi, et il reste beaucoup à faire pour se préparer à ce que nous réserve l’avenir. Le commerce n’est pas en train de dérailler. À vrai dire, pour le moment, il ne dispose pas de la voie nécessaire pour maintenir le cap. Il suffit de construire cette voie pour que l’activité commerciale reprenne de plus belle!