Quels sont les risques d’affaires que doivent garder en tête les exportateurs canadiens, surtout la majorité ayant des clients américains?
Le plus grand risque résulte de l’incertitude entourant la politique commerciale américaine et de ce que cela pourrait vouloir dire pour les entreprises canadiennes. Toutefois, nous croyons que les entreprises, les gouvernements et les travailleurs des deux côtés de la frontière reconnaissent l’importance de maintenir des liens économiques étroits. Ceux qui tenteraient de les compromettre se heurteraient donc à une grande résistance de toutes parts.
Cela dit, la politique commerciale américaine demeure imprévisible depuis plusieurs mois. La circulation des produits et des personnes sera-t-elle entravée? Y aura-t-il de nouvelles taxes frontalières? Quels seront les effets sur les bénéfices nets des entreprises?
Ces questions préoccupent beaucoup d’entrepreneurs canadiens, surtout que 73 % de nos biens et services exportés sont destinés aux États-Unis.
Ce taux est même plus élevé chez les petites entreprises : pour certaines, les clients américains représentent entre 80 % et 90 % du chiffre d’affaires. L’enjeu est de taille.
À long terme, toutefois, nous pensons que les échanges commerciaux demeureront pratiquement intacts. Le cadre pourrait changer un peu à la suite de la renégociation de l’ALENA, mais il pourrait en fait s’agir de changements positifs.
Quels dangers découlant de cette imprévisibilité guettent particulièrement les entreprises canadiennes, notamment relativement à la renégociation de l’ALENA?
Si les négociations s’avèrent ardues et interminables, c’est déjà un risque en soi, puisque l’incertitude générale qui en résulterait serait néfaste non seulement pour les entreprises canadiennes, mais également pour l’ensemble de l’économie du pays.
Parmi les grands enjeux concernant les États-Unis, notons les règles d’origines de l’ALENA. Ces règles sont importantes, puisqu’elles déterminent la proportion de contenu étranger qu’une entreprise canadienne peut intégrer dans ses produits tout en continuant de se prévaloir des tarifs avantageux prévus par l’accord pour la vente aux États-Unis. Si le produit dépasse le seuil, des tarifs d’importation s’appliquent, ce qui peut rendre le prix trop élevé pour le marché américain. Le resserrement des règles d’origine pourrait donc nuire à la capacité concurrentielle des exportateurs canadiens qui s’approvisionnent hors de l’Amérique du Nord.
Il faut savoir que le risque varie d’un secteur à l’autre. Par exemple, le secteur automobile compte des centaines de milliers de travailleurs dans les deux pays, et très peu de gens veulent changer cette situation. Même chose pour l’énergie : malgré un certain discours valorisant l’autonomisation, les États-Unis ont besoin de l’énergie canadienne et veulent en acheter.
Parmi les autres risques, mentionnons la circulation des personnes. Si les États-Unis resserrent leurs règles, les fournisseurs de services canadiens pourraient avoir plus de difficulté à exercer leurs activités au sud de la frontière, alors que le secteur des services d’ici est en plein essor.
Par ailleurs, les États-Unis veulent notamment renégocier les règles concernant le commerce agricole, la gestion de l’offre, la propriété intellectuelle, les instances d’arbitrage et la manipulation des devises. Les conséquences concrètes pour les exportateurs canadiens dépendront de l’issue des négociations. Mais il ne faut pas oublier que le Canada fournit beaucoup d’intrants, de ressources et de matériel à la plupart des secteurs américains, à qui il ne serait pas facile de remplacer le tout sans perturber considérablement ses chaînes d’approvisionnement et faire monter les coûts pour les entreprises et les consommateurs.
Selon EDC, la paralysie du système politique représente un risque d’affaires pour les entreprises canadiennes présentes aux États-Unis. Pouvez-vous nous en dire plus?
Ce risque découle de l’apparente incapacité du Congrès à adopter des lois d’envergure, comme pour les soins de santé et la réforme fiscale. Cette paralysie accroît l’incertitude pour les entreprises américaines, qui risquent alors d’annuler ou de reporter leurs investissements. Par exemple, beaucoup d’entre elles sont enthousiastes à l’idée du renouvellement des infrastructures. Mais si le programme de dépenses correspondant n’est pas approuvé, leurs plans s’en ressentiront évidemment. Ce climat d’incertitude ralentirait la croissance générale aux États-Unis, ce qui diminuerait en retour la demande de produits et services canadiens.
Si un différend commercial oppose les États-Unis à un autre pays que le Canada, quelle serait l’incidence sur les exportateurs d’ici?
Il s’agit d’un risque indirect. Les chaînes d’approvisionnement intègrent maintenant de nombreux pays, et un différend ou une perturbation concernant l’un des maillons aura des répercussions sur tous les autres. Supposons que les États-Unis et la Chine se livrent plus ou moins une guerre commerciale. Personne n’en sortirait gagnant, sans compter que cela pourrait entraîner un ralentissement économique aux États-Unis, ce qui nuirait évidemment aux entreprises canadiennes. Plus près de chez nous, imaginez maintenant ce qui pourrait arriver si les tensions entre le Mexique et les États-Unis poussaient ces derniers à adopter des mesures punitives contre leur voisin. Ces mesures causeraient certainement du tort aux centaines d’entreprises canadiennes présentes au Mexique.
Ces 15 dernières années, beaucoup d’entreprises américaines ont sorti du pays une partie de leur production, dont une grande part concerne des tâches et des composantes essentielles de leurs activités. Les fournisseurs et les acheteurs ont donc tissé des liens étroits d’intégration et de confiance. Les chaînes d’approvisionnement rallient maintenant tellement de pays que personne ne bénéficierait d’une rupture de ces liens; le risque est trop grand, et pour l’économie mondiale et pour les entreprises.
Que faut-il en déduire pour votre stratégie de gestion des risques? Entre autres, prenez la peine d’entretenir des contacts étroits avec vos clients américains. Si vous pouvez collaborer avec eux pour vous préparer à toute modification de politique, vous composerez plus facilement avec les perturbations éventuelles.
Voici quelques conseils.
- Premièrement, discutez avec vos clients le plus ouvertement possible des risques liés aux modifications potentielles des politiques. Assurez-vous qu’ils comprennent les effets négatifs pour eux d’une limitation de l’approvisionnement canadien, et invitez-les à exposer à leurs élus municipaux et étatiques les dangers que poserait une telle perturbation pour leur économie locale et régionale.
- Deuxièmement, examinez vos chaînes d’approvisionnement et proposez à vos clients des ajustements visant à contrôler les risques et les coûts à la frontière. Vous devrez étudier de près tous les aspects, notamment les intrants, la logistique, la circulation des personnes et des capitaux, et la vente et l’achat des biens.
- Troisièmement, collaborez avec vos clients pour rédiger un plan d’urgence qui vous aidera à coordonner une intervention conjointe en cas de modifications déstabilisantes. Voyez-les comme des partenaires stratégiques et dévoilez-leur entièrement votre plan de relève.
- Quatrièmement, demandez à vos clients comment vous pourriez intégrer plus de valeur et de contenu américains dans vos produits. Vous serez ainsi moins vulnérable aux politiques sur les achats préférentiels aux États-Unis ou aux modifications aux règles d’origine de l’ALENA.
- Cinquièmement, explorez des stratégies de diversification conjointe avec vos clients ou partenaires américains. Il se peut que vous puissiez collaborer à de nouveaux projets d’affaires aux États-Unis ou même à l’étranger.
- Sixièmement, ne ratez pas une occasion de rappeler à vos clients américains que les échanges commerciaux avec le Canada contribuent grandement à leur économie et à leur taux d’emploi.
- Septièmement, pensez à vous étendre géographiquement en profitant d’ententes comme le nouvel Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne ou en cherchant des débouchés dans d’autres pays, comme la Chine.
Beaucoup d’entreprises examinent le meilleur et le pire cas de figure pour gérer et surveiller leurs risques d’affaires. Elles analysent donc un risque donné dans leurs systèmes pour connaître l’incidence potentielle sur la clientèle, le flux de trésorerie, les chaînes d’approvisionnement et les décisions d’investissement. Ainsi, si une taxe est imposée à la frontière, par exemple, l’entreprise possède déjà une stratégie d’atténuation des risques.
Diverses institutions offrent également des outils financiers. Par exemple, EDC propose aux exportateurs une gamme complète de produits d’assurance commerciale visant à protéger leur bénéfice net.
Où les exportateurs peuvent-ils se renseigner sur la surveillance des risques d’affaires aux États-Unis et ailleurs dans le monde?
EDC offre une foule de ressources pouvant aider les exportateurs à s’informer. Comprendre la situation politique et commerciale des États-Unis et connaître les risques connexes, c’est déjà se préparer. Pour en savoir plus, consultez notre Centre d’expertise ou les articles régulièrement mis à jour du site edc.trade.
Pour surveiller les risques aux États-Unis et ailleurs dans le monde, les exportateurs peuvent également s’adresser au Service des délégués commerciaux du Canada, à la Banque de développement du Canada, aux chambres de commerce du Canada et des États-Unis, ainsi qu’à diverses associations industrielles, comme Manufacturiers et Exportateurs du Canada. Ils peuvent également consulter l’Analyse trimestrielle des risques pays d’EDC et Info-Tarif Canada.
D’abord, il faut comprendre à quel point les économies canadienne et américaine sont imbriquées, et que ces liens plaident contre toute perturbation majeure pour le commerce canado-américain. Ensuite, il faut savoir que l’ALENA sera probablement modifié, mais que certains changements pourraient être avantageux pour les entreprises canadiennes. Enfin, malgré le discours alarmiste de certains, les exportateurs peuvent être assurés que la relation commerciale demeurera vitale pour les deux pays, bien qu’il faille rester vigilant.