Lorsque l’Accord économique et commercial global (AECG) est entré en vigueur en 2017, les experts annonçaient une nouvelle ère synonyme d’occasions commerciales et économiques accrues pour les entreprises et les travailleurs du Canada et de l’Union européenne (UE). À l’aube de son troisième anniversaire, il y a tant à célébrer, cet accord ayant stimulé le commerce bilatéral des biens et services. Mais pour comprendre le chemin parcouru, il est important de se pencher sur les avantages des réductions ou des éliminations des tarifs douaniers prévues par l’AECG.
Les négociations entre le Canada et l’UE ont débuté en 2009, et l’AECG est entré provisoirement en vigueur le 21 septembre 2017. Signe d’une nouvelle ère commerciale tant pour le Canada que pour les pays membres de l’UE, l’accord a été qualifié de « global » vu tout ce qu’il englobe, du commerce de biens et services aux flux d’investissements, en passant par les déplacements de personnes. Il tient aussi compte des normes de produits et des certifications professionnelles requises au Canada et dans l’UE. S’il existait déjà des règles à ce sujet, l’simplifie leur acceptation par toutes les parties.
« Nous sommes impressionnés par la solide croissance du commerce entre le Canada et l’UE depuis l’entrée en vigueur provisoire de l’accord en 2017. »
« L’AECG est absolument essentiel pour les entreprises canadiennes et est particulièrement opportun considérant l’incertitude qui plane sur l’accès de certains secteurs aux grands marchés des États-Unis et de la Chine. »
Après l’adoption de l’AECG, on a observé une hausse du commerce de marchandises entre les deux parties. Les exportations du Canada vers l’UE ont augmenté de 21 %, passant de 40 milliards de dollars en 2016 à 48 milliards en 2019, et les importations vers le Canada ont quant à elles grimpé de 27 %, passant de 61 à 77 milliards de dollars, toujours entre 2016 et 2019. Au total, la valeur commerciale a crû de 25 % durant cette période.
La tenue des exportations canadiennes vers l’UE n’est pas uniforme : pour certains groupes de produits, comme les métaux, l’énergie, les véhicules automobiles et l’agriculture, les résultats sont positifs, mais pour d’autres, comme les diamants et l’aéronautique, ils sont plutôt faibles.
Évolution des 15 principales exportations canadiennes vers l’UE de 2016 à 2019
Quant aux investissements, l’investissement direct à l’étranger (IDE) dans l’UE par le Canada a augmenté de 16 %, passant de 262 milliards de dollars en 2016 à 304 milliards en 2019. Parallèlement, l’IDE au Canada par l’UE est passé durant la même période de 259 à 308 milliards de dollars, une hausse de 19 %.
L’AECG ouvre toutes grandes les portes de nouveaux marchés et de la diversification à l’étranger pour les entreprises canadiennes. Cela dit, il ne suffit pas de signer un accord pour voir le commerce fleurir : les entreprises doivent quand même se doter de stratégies pour en tirer parti. Par ailleurs, elles doivent aussi composer avec l’énorme incertitude qui pèse sur le commerce mondial en raison de la pandémie, des restrictions de voyage et de la perturbation des chaînes d’approvisionnement.
Pour bénéficier du tarif préférentiel de l’AECG, les exportateurs canadiens doivent fournir des documents attestant que leurs biens proviennent bel et bien du Canada (règles d’origine). Seule environ la moitié des exportateurs canadiens admissibles (49,9 % en 2018 et 53,1 % en 2019) se prévalent de ce tarif, bien que la proportion varie grandement d’un secteur à l’autre.
Pour les secteurs comme celui du zinc, du sucre et des céréales, ce chiffre frôle les 100 %. Mais, dans les secteurs du nickel, du cuivre et des chemins de fer et des pièces, il n’atteint même pas les 10 %. Le pourcentage d’exportateurs se prévalant du tarif préférentiel de l’AECG varie aussi d’un pays à l’autre. Il est étrange que les taux pour de grandes économies comme la France, le Royaume-Uni (R.-U.) et l’Allemagne soient sous la moyenne. Si l’AECG est certainement profitable pour le Canada, il n’a pas encore révélé son plein potentiel, les différents acteurs n’en tirant pas encore pleinement profit.
En général, les entreprises canadiennes ont pu tirer plus de valeur des produits qu’ils vendaient déjà dans l’UE. Les tarifs douaniers sur les produits de la mer, par exemple, sont maintenant au plus bas – loin en dessous des 20 % auparavant prélevés sur toutes sortes de produits de la mer canadiens. Au début de l’année, les tarifs sur le crabe et le homard congelés ont été éliminés; ceux sur la plupart des autres produits de la mer seront entièrement levés d’ici 2024. Les exportateurs canadiens du secteur alimentaire verront probablement d’autres portes s’ouvrir, puisque les ménages européens consacrent une plus grande part de leur revenu à la nourriture que leurs pendants américains. L’excellente réputation à l’international du secteur agroalimentaire du Canada continuera aussi de leur rapporter.
« Il y a plusieurs créneaux dont les entreprises canadiennes pourraient profiter grâce à l’AECG, affirme Stephen Tapp. Les entreprises agricoles du Canada sont en concurrence directe avec celles du Brésil et des É.-U.; l’AECG leur donne un avantage sur les autres dans ce qui est le plus grand marché au monde pour les produits agricoles et alimentaires. »
D’autres secteurs profitent eux aussi de cet accord, par exemple :
- Fabrication de haute technologie (composantes électroniques, instruments, équipement de navigation, etc.)
- Matériaux de construction, bois d’œuvre et dérivés du papier
- Machines et pièces industrielles
- Produits métalliques, chimiques et plastiques
Grâce à l’AECG, les entreprises canadiennes peuvent profiter des matières, des technologies, des intrants intermédiaires et de la main-d’œuvre qualifiée en provenance de l’UE pour rendre leurs chaînes d’approvisionnement plus concurrentielles.
Sur le plan des services, les débouchés sont du côté des consommateurs et des entreprises :
- Ingénierie, architecture et construction
- Services de technologies océaniques et marines
- Soins de santé et éducation
- Logiciels et technologies de l’information
- Soutien à l’exploitation minière et au secteur de l’énergie
- Gestion et services administratifs
- Services environnementaux (traitement des eaux, assainissement des déchets et de la pollution, énergies de remplacement, etc.)
À son entrée en vigueur voilà trois ans, l’AECG a éliminé d’emblée 98,4 % des tarifs douaniers sur tous les biens non agricoles canadiens exportés vers l’UE. Au bout de sept ans, 98,8 % de ces biens seront exonérés. De son côté, le Canada supprimera 98 % de ses tarifs douaniers sur les biens européens correspondants. La période de transition va de trois à sept ans pour les navires, les automobiles et certains produits agricoles; la volaille et les œufs sont exclus. Les contingents d’importation canadiens sur les produits laitiers européens seront plus élevés, mais les tarifs douaniers sur les importations au-delà de ces contingents demeureront en vigueur.
Dans le secteur des services, le « traitement de la nation la plus favorisée » s’applique, à savoir que tous les fournisseurs, qu’ils servent des clients au sein de l’UE ou au Canada, sont traités de la même façon. Il n’y a aucun contingent d’importation sur les services ou les fournisseurs de services provenant d’autres pays signataires de l’AECG. Les gens d’affaires en visite sans permis de travail ont désormais un droit de visite temporaire aux fins d’investissement.
De plus, les entreprises de services canadiennes n’ont plus besoin d’un bureau de représentation ou du statut de résident de l’UE pour offrir leurs services à des clients européens. Cela a été particulièrement salutaire aux petites entreprises, qui n’ont pas les ressources pour établir des bureaux permanents dans l’UE.
Selon Stephen Tapp, « c’est bien plus facile pour les sociétés canadiennes de faire affaire avec l’Union européenne et sur le territoire européen maintenant qu’elles peuvent y dépêcher temporairement des employés. D’autant plus pour les petites entreprises, qui autrement n’arriveraient pas à avoir pignon sur rue là bas. »
Enfin, l’AECG s’applique aux marchés publics. Depuis sa passation, les entreprises canadiennes peuvent soumissionner des contrats gouvernementaux de l’UE, un marché de 3 000 milliards d’euros (4 600 milliards de dollars canadiens).
Les Européens ont le droit de faire de même pour les contrats gouvernementaux canadiens. Cela a pour effet d’accroître la concurrence au pays et, du même coup, de contribuer à rendre les entreprises canadiennes plus compétitives.
L’AECG a pour but de favoriser la croissance des entreprises canadiennes qui souhaitent accroître leurs activités en Europe. Avec la simplification du cadre de réglementation, l’amélioration du traitement des droits de propriété intellectuelle et l’instauration d’un mécanisme de règlement des différends bien structuré, les entreprises canadiennes investissent davantage pour s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement européennes.
« Les sociétés canadiennes investissent de plus en plus à l’étranger, afin d’aller rejoindre les consommateurs directement dans leur pays », observe M. Tapp.
La clause de la nation la plus favorisée s’applique aussi aux investissements. Ainsi, les pays de l’UE ne peuvent pas forcer les investisseurs canadiens à exporter ni leur imposer une certaine proportion de teneur locale. Le même principe s’applique dans la situation inverse.
Précédemment dans les sondages, les entreprises canadiennes ayant des sociétés affiliées à l’étranger indiquaient que les contraintes réglementaires sur le commerce transfrontalier constituaient le plus gros obstacle à leurs affaires à l’étranger. Les dispositions de l’AECG ont depuis beaucoup atténué ce problème.
Le R.-U. s’est retiré de l’UEle 31 janvier 2020 et est entré dans une période de transition durant laquelle l’AECG continue de s’appliquer à lui, soit jusqu’au 31 décembre 2020. Après cette date, il ne sera plus lié par les traités de l’UE avec des pays tiers, ce qui comprend l’AECG. Le commerce bilatéral entre le Canada et le R.-U. ne fera donc plus l’objet d’aucun traitement préférentiel que lui confère l’AECG; il sera plutôt assujetti aux règles de l’Organisation mondiale du commerce, notamment pour ce qui est de la tarification douanière sur les biens de la nation la plus favorisée. Le gouvernement du Canada suit de près les négociations commerciales entre Londres et Bruxelles pour déterminer quelles seront les conséquences sur sa propre relation commerciale avec le R.-U.
D’après le bureau de Mary Ng, ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international du Canada, les négociateurs des deux pays tentent de ficeler un « accord transitoire » afin de perturber le moins possible les entreprises et les travailleurs. Parallèlement, selon les rapports, le R.-U. est déterminé à arrêter les modalités de sa relation commerciale avec l’UE, et croit que ses autres partenaires commerciaux en savent maintenant assez pour solliciter leurs propres accords. Tout accord commercial canado-britannique à venir sera influencé par les négociations commerciales entre l’UE et le R.-U. ainsi que par les décisions unilatérales de ce dernier.