Difficile à croire : il y a trois ans, l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne est entré en vigueur. Cet accord a sans doute, par la suite, façonné le climat politique économique. Puis la pandémie a éclaté. Les accords commerciaux majeurs et de grande ampleur sont devenus quelque chose d'un autre temps. Alors, est-ce que cet anniversaire nous apporte l'espoir de meilleurs lendemains après la crise actuelle ?

Le bilan de cet accord est éloquent, comme en fait foi un excellent rapport rédigé par les économistes d‘Affaires mondiales Canada. Selon ce document, après l'entrée en vigueur de l'accord, on a assisté à une hausse impressionnante des exportations vers les Pays-Bas (75 %), l'Irlande (65 %), l'Allemagne (37 %) et l'Italie (36 %) de même que des hausses notables des exportations vers notre principal client européen, le Royaume-Uni.

La réduction des droits de douane a beaucoup contribué à cette nouvelle croissance. Les réductions de 5 à 10 % consenties dans le cadre de l'accord se sont traduites pendant les deux dernières années de l’accord par une croissance moyenne de 40 %. Et dans le cas d'une diminution d'au moins 10 %, la croissance moyenne s'établit à 20 %. Même si ces chiffres sont remarquables, d'autres retiennent encore plus l'attention. De fait, les exportations de biens en franchise de droits de douane ont enregistré une hausse de 28 %, ce qui témoigne sans doute de la capacité de cet accord de libre-échange à promouvoir les exportations canadiennes sur le marché européen.

Parallèlement, les importations canadiennes auprès de la zone euro ont nettement grimpé, et ce, sensiblement à la même cadence que les exportations. Ainsi, on a observé une croissance des principales importations dans les secteurs de l'automobile et des pièces automobiles, ainsi que des produits chimiques organiques (de Belgique), de la filière aéronautique (de la France) et du secteur de la machinerie (de l'Allemagne de l'Italie). De manière générale, la croissance des importations a été plus également distribuée à l'ensemble des membres de la zone euro que la croissance des exportations.

Fait notable, la balance commerciale bilatérale s'est détériorée après la signature de l'accord. Certains critiques voient là un motif de délaisser ce genre d'accord. En fait, rien ne pourrait être plus faux. Comme on l'a déjà indiqué, la croissance a été pratiquement identique dans les deux directions. Le problème c'est que les importations auprès de la zone euro étaient au départ plus importantes : il était donc pratiquement impossible de combler cet écart en trois ans sans résultats inégaux. Et on sait que ce genre de résultats minent les accords commerciaux. Pourtant, les échanges commerciaux nets s'orientent à la hausse, et ces activités n'auraient peut-être pas vu le jour en l'absence d'accord.

Les résultats de l'accord montrent qu'il fonctionne bien, autant pour les Européens que pour les Canadiens. Sera-t-il le dernier du genre? L'intensification des bouleversements politiques causés par la pandémie signifie-t-elle que nous nous verrons plus un grand accord commercial global? Il est difficile de l'affirmer dans le contexte actuel. Toutefois, si on fait abstraction de la rhétorique commerciale, le principal message exprimé serait de remédier aux déséquilibres dans la sphère commerciale. Voyons les choses en face : si l'une des parties à l'accord s'estime flouée, rien ne va plus jusqu'à ce que la confiance soit rétablie.

Est-ce possible? L'automne dernier, contre toute attente, les États-Unis et la Chine ne sont-ils pas parvenus à la phase 1 de l'accord commercial? De la même façon, le Royaume-Uni et l'Europe continentale semblent vouloir mettre en place une certaine forme d'accord commercial. D'autres pays auraient exprimé le désir d'être signataires de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (le PTPGP). Cependant, pour l'heure, l'attention se porte surtout sur les moyens à prendre pour sortir de la pandémie. On ignore pour l'instant ce que nous réserve la suite des choses.

À ce stade-ci, deux scénarios se dessinent. Dans le premier, le combat pour restaurer la confiance envers les institutions appuyant le commerce international pourrait recommencer, ce qui ouvrirait la voie à une certaine forme de retour de la mondialisation dans l'ère de l'après-COVID. Dans le second scénario, on ferait le choix de davantage d'acrimonie et de régionalisation – un choix dont le coût serait relativement élevé. Des impératifs d'efficacité suggèrent que le premier scénario l'emporterait. Néanmoins, on ne peut ignorer l'antagonisme généralisé qui pourrait l'accompagner.

Conclusion?

L’AECG est le parfait exemple de ce qu’un accord de libre-échange bien conçu est censé réaliser : une augmentation du commerce bilatéral, une croissance relativement égale de part et d’autre, une optimisation de l’avantage comparatif régional et une diminution des coûts généraux. Certes, les accords de libre-échange comportent des inconvénients, mais une ère marquée par la signature d’accords commerciaux a permis d’allonger les cycles de la croissance, de maîtriser l’inflation, de faire tomber le chômage à des taux inédits, et ce, dans bon nombre de pays. Espérons qu’au chapitre du commerce international, un revirement dans cette sphère ne nous amène pas à regretter quelque chose de précieux – que nous avons perdu.