À l’amorce de la nouvelle année, l’économie mondiale se trouve dans un état de bifurcation. Alors que l’économie américaine poursuit sur sa lancée, portée par un optimiste économique renouvelé, bon nombre de pays sont confrontés à des défis persistants ayant pour origine une conjoncture défavorable sur le marché intérieur et des troubles dans l’arène politique. Vu l’incertitude entourant les récentes annonces visant les politiques américaines, la perspective d’un regain du nationalisme économique et d’une dynamique perturbant les échanges commerciaux ne fait qu’accentuer cette divergence. Il convient de noter que l’analyse proposée dans nos Perspectives économiques mondiales tient compte des politiques en place au 1er janvier et non celles envisagées dans un avenir prochain, vu l’éventail des scénarios pouvant se réaliser.

L’économie canadienne continue de se voir accoler des perspectives plutôt ternes en ce début de 2025. Même si sa croissance devrait s’établir à 1,3 % en 2024, le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’est inscrit en baisse pour un sixième trimestre consécutif au troisième trimestre et a montré peu de vigueur durant le quatrième trimestre, l’activité économique continuant de fléchir selon les données ajustées en fonction de la population.

Parallèlement, le marché de l’emploi a marqué le pas tandis que le chômage s’est orienté à la hausse, les nouveaux demandeurs d’emploi peinant à décrocher un poste. Malgré l’embellie en début d’année, notamment grâce aux mesures de relance prises dans plusieurs provinces, nous nous attendons à ce que l’activité reste timide. Ce faisant, la croissance du PIB s’élèvera à tout juste 1,8 % en 2025 et 2026.

Perspectives économiques du Canada : une croissance en berne et des défis sur le marché de l’emploi en 2025 

En juin 2024, la Banque du Canada a été la première grande banque centrale à amorcer son cycle de réduction des taux d’intérêt. En 2025, elle pourrait être parmi les premières à l’interrompre alors qu’elle atteint sa fourchette cible plus rapidement que la plupart des autres banques centrales.

Le manque de tonus de l’économie canadienne a incité la banque centrale à prendre des mesures décisives. L’inflation étant désormais largement maîtrisée – elle devrait se fixer en moyenne à 2,1 % en 2025 –, la Banque du Canada s’emploiera avant tout à combler le déficit grandissant du côté de la production et à stopper la détente du marché de l’emploi. Ainsi, selon nous, la Banque du Canada abaissera ses taux à trois reprises en 2025, ce qui lui permettra d’atteindre le taux cible de 2,75 % d’ici le début de septembre.


Le huard continuera de subir des tensions à la baisse en raison des perspectives décevantes pour la croissance de l’économie canadienne ainsi que le scénario attendu selon lequel la Réserve fédérale américaine privilégiera la prudence à l’égard du cycle de réduction des taux, et ce, dans un contexte façonné par la réorientation des politiques. Nous projetons en conséquence que le dollar canadien se négociera en moyenne, par rapport au billet vert, à 70 cents en 2025 et qu’il sera soumis à une forte volatilité tout au long de l’année. En 2026, le huard prendra de l’attitude et se négociera en moyenne à 74 cents, à la faveur d’un différentiel moindre des taux.

L'économie de l’Europe doit braver des obstacles

Cette année, en Europe, la croissance restera poussive puisque les deux plus grandes économies de l’Union européenne peinent à générer de la croissance. Le socle industriel de l’Allemagne reste fortement pénalisé par la décision du pays de renoncer à l’énergie bon marché en provenance de Russie, dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine en 2022. Plusieurs fleurons allemands comme Volkswagen et Thyssenkrupp ont d’ailleurs annoncé des licenciements massifs et une réduction de leurs investissements. Ce revirement de situation, l’activité en berne en Chine et l’incertitude entourant les politiques au lendemain de la chute de la coalition au pouvoir du chancelier Olaf Scholz sont autant d’éléments qui assombrissent les perspectives pour ce pays. Pour l’économie allemande, nous tablons sur une croissance de seulement 0,2 % en 2025, qui devrait laisser place à un léger sursaut (+1,3 %) en 2026.

La tourmente agitant la sphère politique française et les défis que pose l’adoption d’un nouveau budget par le gouvernement viendront émousser la confiance des consommateurs et altérer le climat commercial. Dans ce contexte, nous anticipons une croissance de l’économie française de 0,4 % en 2025, puis de 1,4 % en 2026. L’Italie, elle, devra composer avec des différends au sein de la coalition au pouvoir qui sont liés à l’adoption du budget ainsi qu’au niveau élevé du déficit et du ratio de la dette au PIB.

Perspectives de croissance pour la Chine

Les perspectives pour la Chine – l’une des grandes économies de la planète – peuvent considérablement façonner la conjoncture mondiale. Or, l’économie chinoise demeure secouée par la crise de son marché immobilier, malgré un train de mesures d’assouplissement monétaire et d’initiatives ciblées de relance.

Les consommateurs et les entreprises sont toujours d’humeur maussade, et le pays flirte même avec la déflation. Les décideurs politiques ont beaucoup misé sur le dynamisme des secteurs de la fabrication et des exportations pour étayer la croissance, stratégie qui sera mise à l’épreuve au cours de l’année à venir. L’économie chinoise devrait ainsi croître au rythme de 4,5 % en 2025 et de 4,2 % en 2026.

Qu’en est-il des États-Unis? Par rapport aux autres grandes économies, l’économie américaine reste résolument en piste. Le marché de l’emploi modère effectivement la cadence, mais se montre résilient alors que la croissance des salaires dépasse celle de l’inflation. Autre élément positif : le chômage reste faible et les consommateurs, même s’ils se remettent toujours de deux années d’inflation élevée, sont suffisamment optimistes pour contracter des emprunts en vue de soutenir leurs dépenses. Dans le même temps, l’investissement des entreprises, favorisées par plusieurs dispositions législatives, reste robuste. Voilà pourquoi nous prévoyons que l’économie américaine affichera une croissance de 2,2 % cette année et de 2,1 % en 2026. Toutefois, cette année, la vigueur du billet vert réprimera l’élan des exportations.

La Réserve fédérale se montrera plus prudente que plusieurs de ses pairs dans l’exécution de son cycle de réduction des taux, et ce, pour un double motif : l’impulsion soutenue de l’économie américaine et une inflation qui se tempère, mais qui demeure plus tenace que souhaité.

Au vu de ces considérations, nous prévoyons que l’inflation aux États-Unis se situera en moyenne à 2,1 % en 2025 et à 2 % en 2026. Compte tenu de cette progression, la Fed ne devrait pas atteindre sa cible avant la seconde moitié de 2026. Ce cheminement plus lent vers un taux neutre agira de façon favorable sur le billet vert, mais exercera des tensions sur les autres principales devises.

Conclusion

En ce début de 2025, l’économie mondiale se trouve tirée dans deux directions. Une bonne partie des économies du globe, mise à part celle des États-Unis, sera éprouvée par une conjoncture économique difficile.

Voilà pourquoi nous tablons sur une croissance de l’économie mondiale de 3,1 % cette année et de 3,2 % en 2026, soit toujours inférieure à la croissance potentielle. Et les États-Unis feront figure d’exceptions sur le front des politiques réglementaires, budgétaires et commerciales : à savoir, leur adhésion aux normes et aux conventions régissant les échanges. En raison de la vive incertitude se profilant à l’horizon quant à l’orientation des politiques, nous prévoyons que la volatilité – devenue une constante ces dernières années – continuera de faire partie du paysage économique.

Nous tenons à remercier chaleureusement Ross Prusakowski, directeur du Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

N’oubliez pas que votre avis est très important pour les Services économiques d’EDC. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca, et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future.