Le moment est bien choisi pour appliquer à la réalité économique la formule préférée du personnage Buzz Lightyear : Vers l’immunité, et au-delà! Comme les statistiques sur la distribution des vaccins s'améliorent un peu partout et qu’une réouverture généralisée semble imminente, les entreprises et les particuliers se préparent à un regain d'activité. Si c’est vraiment le scénario qui se profile à l’horizon, à quoi ressemblera-t-il?
Chose certaine, il s’apparentera au lancement d’une fusée. En fait, les moteurs sont déjà allumés et nous prenons de l’altitude : le nombre de G augmentera considérablement alors que nous entrons dans la seconde moitié de l’année. Plusieurs éléments sont à prendre en compte : tout d’abord, de plus en plus de pays s’approchant de l’immunité collective, il y aura une reprise du côté des secteurs toujours en berne; ensuite, la mise en œuvre continue des programmes de relance – notamment du programme américain actuel se chiffrant à 1 900 milliards de dollars. Enfin, la demande comprimée renforcera la croissance, qui bénéficie déjà des importantes liquidités accumulées par les entreprises et les consommateurs aux États-Unis, en Europe, au Canada et ailleurs dans le monde.
Cette dynamique de la croissance se dessine de façon évidente dans la nouvelle édition des Perspectives économiques mondiales des Services économiques d’EDC. De fait, nous avons révisé à la hausse nos prévisions pour l’économie américaine : la croissance prévue s’établit désormais à pas moins de 7,1 %. Nous prévoyons pour la zone euro une croissance moins robuste de 4,6 %, mais tout de même supérieure au taux tendanciel à long terme, et cette cadence devrait se maintenir en 2022. Nous prévoyons également que les économies émergentes réaliseront des gains fulgurants alors qu’elles se remettent de la déconvenue de l’an dernier, et que les marchés industrialisés alimentent la demande mondiale de biens et de services. La croissance de l’ensemble des marchés émergents devrait ainsi atteindre 6,5 % cette année et 6,8 % en 2022. À l’échelle mondiale, une croissance spectaculaire de 6,2 % est prévue en 2021, suivie d’une robuste croissance de 5,7 % en 2022.
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Cette lancée ne se fera pas nécessairement en douceur. La pandémie nous a montré qu’il est facile de mettre l’activité économique à l’arrêt. Il est cependant plus compliqué de redémarrer la machine économique : nous pouvons déclarer le retour de l’activité, mais ce retour dépendra des décisions des entreprises et de la main-d’œuvre concernant le retour au travail, qui ne sont pas forcément synchronisées et linéaires.
Le regain se manifeste d’ailleurs dans les prix actuels. La croissance rapide a provoqué une pénurie d’intrants industriels essentiels, notamment des produits du bois, des denrées alimentaires, des métaux de base et des semi-conducteurs. Dans ce contexte, les prix grimpent chaque mois à un rythme qui est pour le moins préoccupant. Les prix à la production en amont aux États-Unis sont très élevés, ce qui engendre des effets immédiats sur les prix finaux. Le tableau est semblable au Canada alors que l’Europe connaît une situation un peu plus stable. Les banques centrales s’accordent pour dire que tout cela est temporaire, mais adopte des approches différentes : la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale américaine restent sur leurs positions, tandis que la Banque du Canada annonce son intention de resserrer sa politique. Nous croyons que la croissance des prix sera modérée jusqu’en 2022, ce qui concorde avec nos projections pour les cours des produits de base.
Malgré tout, il subsiste un important risque que les attentes inflationnistes s’intensifient. Face au resserrement continu du marché du travail, les divers secteurs font état de pénuries de main-d’œuvre qualifiée, qui ne fera que s’aggraver lorsque les fonds accumulés seront bientôt injectés dans l’économie, et c’est sans compter les répercussions des contraintes actuelles sur le front des capacités matérielles. Si c’est le cas, la politique monétaire se trouverait en mode « rattrapage », une perspective qui n’a rien d’attrayant. Dans l’état actuel des choses, nous prévoyons que la volatilité qui règne sur les marchés des capitaux persistera pendant l’incertaine période de transition avant que les prix et les taux de change ne se stabilisent en 2022. Face au billet vert, le dollar canadien devrait s’échanger en moyenne à 81 cents en 2021 et 82 cents l’an prochain.
L'augmentation de la demande mondiale sera le principal moteur de la croissance à court terme au Canada. C’est d’ailleurs ce que confirme l'indice de confiance commerciale d’EDC qui laisse fortement présager que les exportateurs canadiens se préparent à une vive activité durant la seconde partie de l’année. Ainsi donc, au Canada, on s’attend à une croissance exceptionnelle de 6,1 % cette année, suivie d’une vigoureuse croissance de 4 % en 2022.
Jusqu’ici, les risques de dégradation des prévisions ont été prédominants. Il est possible que les taux d’infection remontent et que la reprise soit retardée, mais il y a des chances qu’en raison de notre exubérance, nous ayons forcé la note. À l’évidence, il y a une demande comprimée suffisante pour que cela se produise et, vu les contraintes locales en matière de capacités, il y a fort à parier qu’il y aura assez d’activité pour que tous suivent ce mouvement.
Conclusion?
Nos prévisions économiques mondiales semblent un brin optimistes; elles ne le sont pas. De plus en plus d’entreprises le constatent : ce sont là des prévisions ambitieuses, mais très réalistes. Les optimistes ont même de bonnes raisons de bonifier nos chiffres impressionnants. D’une façon ou d’une autre, la meilleure stratégie pour les entreprises consiste à profiter le plus possible de l’activité à venir. Et tout indique que ce sera une période des plus palpitantes sur le plan économique que nous ayons connu depuis un bon moment.
Le Propos de la semaine fait relâche en juillet, mais sera de retour le 5 août. Sur ce, portez-vous bien et à très bientôt.