Marqué par la diversité politique, l’Indo-Pacifique est un vaste marché aux économies émergentes et développées, très prometteur pour les exportateurs canadiens.
Bien que les pays qu’il regroupe posent des défis aux entreprises de taille moyenne en raison des bouleversements géopolitiques, des économies centralisées à divers degrés ainsi que des normes et cadres ESG embryonnaires qui les caractérisent, l’Indo-Pacifique est riche de possibilités.
Qu’il s’agisse de l’émergence d’une classe moyenne de consommateurs, de l’adoption rapide de nouvelles technologies ou de la robustesse du secteur manufacturier de la région, les pays de l’Indo-Pacifique offrent des débouchés intéressants aux exportateurs comme aux partenariats public-privé.
Olivia Lee, représentante en chef, Asie du Sud-Est à Exportation et développement Canada (EDC) explique que la région offre un vaste potentiel de croissance pour les entreprises canadiennes, particulièrement dans les domaines des infrastructures, de l’agroalimentaire et de la fabrication de pointe.
« Les besoins en infrastructures sont importants en Asie du Sud-Est et la demande est forte. Pour les entreprises qui cherchent à prendre de l’expansion et à se diversifier, il vaut la peine de s’intéresser à la région, mais c’est un travail de longue haleine. Chaque pays est très différent des autres. Nous souhaitons maximiser les débouchés pour les entreprises canadiennes dans le cadre de la stratégie générale du gouvernement canadien en Indo-Pacifique », a déclaré Olivia Lee au cours d’une entrevue menée dans les bureaux d’EDC à Singapour.
Alors que la région se développe dans un contexte postpandémique, nous explorons trois pays clés : le Vietnam, la Thaïlande et les Philippines.
Le Vietnam
Le Vietnam est un pays à la croissance rapide. On prévoit que l’économie locale, auparavant largement basée sur l’agriculture et la consommation intérieure, croîtra de 4,3 % en 2023, de 5 % l’année suivante et de 6 % dans un horizon de cinq ans. La classe moyenne devrait suivre la même courbe de croissance. On estime en effet que, chaque année, environ un demi-million de personnes montent dans l’échelle des revenus.
Selon Kevin Elliott, analyste des risques pays à Exportation et développement Canada (EDC), les occasions d’accroître les exportations canadiennes de produits à valeur ajoutée à l’intention de la nouvelle classe moyenne sont considérables et encore inexploitées.
« Les consommateurs vietnamiens sont toujours plus nombreux à monter dans l’échelle salariale et à rechercher des produits étrangers, un argument de poids pour les exportateurs canadiens. Les ventes au détail, de même que la demande pour les produits importés, ont doublé au cours des huit dernières années », explique-t-il.
En ce moment, les exportations annuelles canadiennes – de l’ordre de 900 millions de dollars – sont principalement axées sur les ressources telles que l’agroalimentaire, qui comprend les céréales, les produits de la mer et les huiles alimentaires, de même que les engrais, les carburants et les pâtes et papiers. L’expansion actuelle du Vietnam ouvre cependant la voie à l’exportation de produits canadiens plus complexes comme la technologie de rotation des cultures agroalimentaires, les innovations de pointe en matière d’engrais, les biens de consommation, les services bancaires et la gestion du patrimoine.
« L’une de nos principales constatations est que le Vietnam franchit actuellement les premiers pas de sa transition énergétique en augmentant ses capacités solaires et éoliennes. Le pays est en effervescence et il est considéré comme le prochain centre d’intérêt du globe », poursuit Olivia Lee.
Les produits et services numériques représentent également des débouchés intéressants. Le Vietnam compte parmi les pays qui adoptent le plus rapidement la numérisation et les produits numériques, offrant aux entreprises canadiennes de vastes possibilités de croissance. Par exemple, même si la plus grande partie des services et produits numériques canadiens, comme la 5G, les services financiers mobiles et les solutions de soins de santé numériques, est exportée aux États-Unis, le Vietnam offre aussi des débouchés importants dans le domaine de l’innovation numérique.
Il ne faut toutefois pas perdre de vue que l’aventure canado-vietnamienne, soutenue par l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), est ralentie par de nombreux obstacles, notamment une reprise postpandémique qui manque de vigueur. Les exportations canadiennes ne comptent que pour 7 % de l’ensemble des échanges bilatéraux annuels de 13 milliards de dollars avec le Vietnam. Le reste des activités bilatérales (93 %) est en fait constitué d’importations de produits électroniques, de machinerie et de textiles du Vietnam. De plus, les échanges commerciaux entre nos deux pays après la pandémie ont chuté de 18 %, comparativement à l’Australie qui a réussi à augmenter ses échanges de 130 % au cours de la même période.
Les exportateurs canadiens qui envisagent de faire des affaires au Vietnam doivent aussi tenir compte de l’économie étatique centralisée du pays, qui complique la pénétration du marché. Cependant, le Vietnam progresse dans ce domaine.
« Comme les sociétés d’État et les conglomérats sont prépondérants dans le pays, notamment dans les secteurs de la finance et des infrastructures, il est indispensable de tisser d’excellentes relations avec les acteurs locaux afin de réussir, soutient Kevin Elliott. Bonne nouvelle cependant, le système économique traditionnel évolue vers une plus grande ouverture et le Vietnam permet maintenant à davantage d’intérêts étrangers d’intervenir dans l’économie, particulièrement en autorisant des partenariats public-privé. »
En fait, comme il est mentionné dans l’article d’EDC Faire affaire au Vietnam : ce que les entreprises canadiennes doivent savoir, le pays reconnaît dans sa stratégie de développement socio-économique 2011-2020 le besoin de mener des réformes structurelles et de parvenir à la durabilité environnementale, à l’équité sociale et à la stabilité économique, ainsi que de créer un environnement favorable aux investisseurs étrangers.
Principaux débouchés pour les exportateurs :
- Services numériques et technologie 5G, services financiers mobiles, solutions de soins de santé numériques, gestion numérique du patrimoine et solutions de crédit numériques.
- Exportation de produits de détail pour la classe moyenne en pleine croissance à la recherche d’articles raffinés en provenance de l’étranger.
- Technologie énergétique et agroalimentaire complexe et à valeur ajoutée.
- Le Vietnam est un grand consommateur de charbon et son empreinte carbone est importante, mais il s’intéresse de plus en plus à l’importation de technologie verte et de solutions de fabrication sobres en carbone.
Principaux défis
Les exportateurs canadiens trouveront de nombreux débouchés au Vietnam, mais devront toutefois relever certains défis. En plus des réseaux clientélistes, d’une infrastructure déficiente et d’une lourde bureaucratie, le Vietnam se classe au 131e rang de l’indice de corruption dans le monde et, comparativement à ses voisins, fait piètre figure pour d’autres indicateurs de transparence et de règles de droit.
- Cote de risque à court terme : faible
- Principales exportations canadiennes (2023) : produits agroalimentaires, produits de la mer, huiles alimentaires, céréales, engrais, carburant et pétrole
- Valeur totale des exportations canadiennes (2023) : 900 millions de dollars
- Total des échanges bilatéraux (2023) : 13 milliards de dollars
- Accords commerciaux avec le Canada : PTPGP, entré en vigueur pour le Vietnam en 2019; Partenariat économique régional global (PERG)
- Produit intérieur brut (PIB) du Vietnam : 449 milliards de dollars américains, ce qui en fait la 34e économie de la planète
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La Thaïlande
Auparavant considérée comme un « tigre économique » à très forte croissance, la Thaïlande a évolué pour devenir une économie développée en émergence – un constat assorti de certaines réserves.
Avec un taux de croissance qui stagne autour de 3 % en raison, entre autres, d’un embourbement de l’économie pré-COVID, le pays tente en outre de se redresser à la suite d’une chute des exportations, du tourisme et de la demande de la Chine – son plus important partenaire commercial –, conséquences de la pandémie.
« C’est là le principal problème. Les efforts d’intégration du pays à l’économie mondiale, sa dépendance envers la Chine et l’impact de la COVID-19 ont ralenti son économie, comparativement à sa remarquable réussite des 30 dernières années, explique Kevin Elliott.
« À l’heure actuelle, on considère que le pays rejoindra le groupe des économies développées à moyen terme, mais sa croissance a plafonné. Dépasser une croissance de 3 % à 4 % dépendra de sa situation politique, de la diversification de son économie et de la mesure dans laquelle il tirera parti des tendances mondiales émergentes », poursuit-il.
Comme d’autres économies développées, la Thaïlande compte sur des subventions et de l’aide pour relancer la croissance de son marché intérieur, tout en demeurant concurrentielle sur la scène internationale.
Malgré ses problèmes intérieurs, notamment le retard de plusieurs mois dans la formation du nouveau gouvernement après les élections mémorables de 2023, la Thaïlande demeure la 27e économie mondiale, selon le Fonds monétaire international (FMI).
Les exportateurs canadiens ont donc tout intérêt à profiter de ce quatrième marché d’exportation en importance au sein de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), après l’Indonésie, la Malaisie et Singapour.
Les exportations canadiennes d’engrais, de pâtes et papiers, de céréales et de machinerie en Thaïlande se chiffrent actuellement à 1,2 milliard de dollars, traduisant une croissance de 39 % depuis 2019. Le Canada quant à lui importe de la Thaïlande l’équivalent de 5,2 milliards de dollars en marchandises, principalement des produits électroniques, des appareils ménagers et de la machinerie.
Les secteurs de l’électronique et de la machinerie recèlent aussi des débouchés uniques pour les exportateurs canadiens. Même si la production de semiconducteurs et de technologie d’apprentissage machine est dominée par la Chine et les États-Unis, la Thaïlande est bien placée pour répondre au besoin croissant de diversification des chaînes d’approvisionnement dans ces secteurs. Selon Kevin Elliott, la demande pour différentes sources de fabrication abordable est une occasion unique à saisir, qui stimulera les partenariats entre le Canada et la Thaïlande.
« Les exportateurs canadiens commencent à s’associer à des fabricants thaïlandais et ouvrent ainsi la voie à de nombreuses possibilités d’échanges bilatéraux qu’il vaut la peine d’explorer. La Thaïlande deviendra un acteur important dans la chaîne d’approvisionnement de produits et d’appareils électroniques tels que les circuits intégrés, les véhicules électriques et les téléphones cellulaires. Nos deux pays ont tout intérêt à établir des partenariats mutuellement bénéfiques dans le domaine de la fabrication de pointe », conclut cet analyste chevronné.
Principaux débouchés pour les exportateurs :
- L’électronique, la fabrication de pointe et les semiconducteurs. Les importations au Canada dans ces secteurs ont augmenté de 39 % et les exportations canadiennes de produits électroniques et de machinerie en Thaïlande comptent pour 20 % de l’ensemble de nos exportations.
- Les exportations canadiennes d’engrais demeurent très vigoureuses, représentant 25 % du total de nos exportations; les pâtes et papiers (20 %) et l’agroalimentaire, dont les céréales (15 %), sont aussi des secteurs dominants.
- Les technologies propres sont un secteur en croissance. Les importations de charbon et de gaz naturel en Thaïlande vont à l’encontre des initiatives mondiales de réduction des émissions, mais le pays pourrait être ouvert aux technologies et aux services visant à accroître la résilience de son réseau électrique et ses sources d’énergie propre.
- Le secteur agroalimentaire, composé principalement de petites entreprises et d’entreprises familiales, offre des possibilités de croissance pour les entreprises canadiennes en raison des politiques mises de l’avant par le gouvernement thaï pour promouvoir la sécurité alimentaire et la mécanisation agricole.
Principaux défis
Les difficultés politiques que connaît actuellement la Thaïlande dans la foulée des élections nationales et les prévisions quinquennales qui laissent entrevoir une croissance plus lente que chez ses voisins sont des enjeux pour le commerce. Cependant, la Thaïlande est située au cœur de l’Asie du Sud-Est et occupe un rang respectable dans le classement mondial en regard de la compétitivité et de la facilité d’y faire des affaires, offrant au Canada de solides possibilités de partenariats commerciaux à l’exportation.
- Cote de risque à court terme : moyenne
- Principales exportations canadiennes (2023) : engrais, pâtes et papiers, céréales, machinerie et produits électroniques
- Valeur totale des exportations canadiennes (2023) : 1,2 milliard de dollars
- Total des échanges bilatéraux (2023) : 6,4 milliards de dollars
- Accords commerciaux avec le Canada : aucun
- PIB de la Thaïlande : 574 milliards de dollars américains, ce qui en fait la 27e économie de la planète
Les Philippines
Les Philippines occupent une position mondiale enviable en tant que partenaire commercial stable, et le pays a tissé des liens étroits avec la Chine, les États-Unis et l’Europe. Ce marché asiatique vigoureux et dynamique s’est classé dans les principales destinations privilégiées pour le commerce et les investissements internationaux. L’économie philippine a doublé en importance au cours des 15 dernières années. Auparavant essentiellement agricole, elle est passée à un modèle centré sur les industries et la fabrication.
Grâce à sa riche histoire, à son environnement commercial prévisible et à sa grande expérience des pratiques commerciales internationales, ce marché est une excellente porte d’entrée dans la région pour les exportateurs canadiens qui souhaitent y faire des affaires à long terme.
Le taux de croissance de l’économie devrait atteindre 5 % en 2023 et 4 % en 2024, pour ensuite accélérer et passer à 6 % annuellement. Le pays devra cependant poursuivre sa politique d’investissement dans l’ensemble de l’archipel pour que ces prévisions se réalisent.
Les efforts constants du gouvernement pour améliorer les infrastructures dans plusieurs secteurs pourraient profiter aux exportateurs canadiens du segment intermédiaire.
« Les infrastructures se traduisent par d’importantes occasions d’affaires. Le Canada possède une grande expertise en ingénierie, en transports en commun et en construction. Or, les Philippines sont à la recherche de partenaires pour combler leur retard à ce chapitre, car celui-ci repousse leur développement », explique Kevin Elliott.
Principaux défis
Il va de soi que les possibilités s’accompagnent souvent de défis et les liens familiaux et culturels solides qui caractérisent depuis longtemps la société philippine sont à la fois une force et une faiblesse pour le pays. En effet, le milieu des affaires philippin est dominé par de puissantes familles qui ont créé des réseaux clientélistes et des conglomérats régis par les liens du sang, qui empiètent sur les affaires comme sur la politique. Ces caractéristiques peuvent devenir un parcours à obstacles pour les exportateurs canadiens qui souhaitent percer ce marché sans avoir au préalable trouvé des contacts locaux ou établi un partenariat public-privé.
Ces pratiques commerciales, exercées par une minorité, sont exacerbées par la concentration grandissante du pouvoir politique au pays et présentent des défis dont doivent tenir compte les entreprises canadiennes. L’équilibre des pouvoirs politiques s’est amoindri ces dernières années, laissant présager moins de transparence et plus d’ingérence politique dans le monde des affaires et dans la société en général.
« Le flou qui persiste entre les frontières politiques, juridiques et commerciales est le principal risque auquel doivent faire face les entreprises qui souhaitent faire des affaires aux Philippines », poursuit Kevin Elliott. Les indicateurs de base de ce marché en font toutefois « un endroit stable pour les activités commerciales du Canada », conclut-il.
Principaux débouchés pour les exportateurs :
- Gamme complète de projets d’infrastructure : ponts, routes, ports et transports en commun pour soutenir la croissance.
- Même si les technologies propres ne sont pas une priorité pour les Philippines, elles pourraient être appelées à jouer un rôle dans la construction, le béton vert et la résilience du réseau électrique, constituant ainsi des avenues de croissance.
- Le Service des délégués commerciaux (SDC) a aussi cerné plusieurs secteurs d’intérêt dont le financement climatique, les télécommunications, les technologies propres, les technologies de l’information et des communications, la défense et la sécurité.
- Les exportations dans les 7 000 îles des Philippines ont augmenté de 60 % depuis la période prépandémique, principalement dans les secteurs des produits agroalimentaires comme le bœuf, la volaille et les céréales, mais aussi dans les pâtes et papiers et les engrais.
Les relations commerciales dynamiques entre le Canada et les Philippines profiteront sans doute des négociations en cours pour la création d’un accord de libre-échange dans le contexte des relations Canada-ANASE. Bien que rien n’ait encore été signé, les deux pays ont posé un geste positif en inaugurant une commission économique mixte au début de 2023.
- Cote de risque à court terme : faible
- Principales exportations canadiennes (2023) : produits agroalimentaires comme le bœuf, la volaille et les céréales, pâtes et papiers, engrais
- Valeur totale des exportations canadiennes (2023) : 1,2 milliard de dollars
- Total des échanges bilatéraux (2023) : 3,1 milliards de dollars
- Accords commerciaux avec le Canada : aucun, mais des discussions sont en cours concernant un accord de libre-échange dans le contexte de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’ANASE.
- PIB des Philippines : 440 milliards de dollars américains, ce qui en fait la 36e économie de la planète.
Consultez l’analyse trimestrielle des risques pays d’EDC, qui met en relief les incertitudes économiques et les débouchés dans les pays et à l’échelle mondiale. On y cerne aussi les enjeux qui ont un impact sur la notation des risques pays, pour que vous puissiez prendre des décisions d’affaires éclairées concernant vos activités commerciales et vos investissements.
EDC offre de nombreuses ressources aux exportateurs pour qu’ils surveillent les risques sur les marchés étrangers. Pour en savoir plus, consultez les pages ExportActions et Nos solutions ainsi que le Centre aide-export.