Le climat de morosité qui accompagne la pandémie persiste. Les économies redoutent ce pessimisme : il a facilement la cote, se propage et, dans le pire des cas, induit un effet Pygmalion. Pourtant, ce n’est pas du tout ce que nous observons. La croissance est plus forte qu’on veut bien le penser. Malgré les craintes alimentées par la pandémie, l’économie mondiale poursuit sur sa lancée. Les indicateurs actuels révèlent que la croissance est forte et porte le commerce mondial à des sommets nettement plus élevés qu’avant la pandémie. L’élan est impressionnant en ce début d’année, à tel point que trouver assez de capacités pour faciliter cette impulsion représente un défi de taille pour les acteurs du commerce international.
À court terme, deux éléments fondamentaux dynamisent la croissance :
1. La demande comprimée, présente avant la crise, a initialement permis d’orchestrer une relance rapide et de maintenir cet élan jusqu’à aujourd’hui.
2. La demande comprimée s’est raffermie à l’échelle mondiale en raison des confinements qui ont limité l’activité de grands pans de l’économie.
Dans l’ensemble, les consommateurs se portent bien. Ils disposent de plus d’épargne qu’à l’habitude – les restrictions en temps de pandémie les ayant incités à dépenser moins – et leur endettement est gérable. Voilà une excellente nouvelle. Dans la plupart des économies du globe, les consommateurs sont le principal moteur économique. Et dans une large mesure, ils alimentent la reprise et continueront de le faire dans un horizon à court terme. En conséquence, il sera capital de dissiper leurs inquiétudes et de leur insuffler la confiance et l’espoir afin que les dépenses induites par la demande latente puissent se frayer un chemin vers l’économie.
Toutefois, la vivacité de la demande engendre d’importantes pénuries qui risquent d’aggraver la situation. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement touchent la plupart des secteurs et créent une « mentalité de pénurie » potentiellement néfaste. Ce faisant, les entreprises ayant besoin d’intrants particuliers sont prêtes à payer davantage pour éviter de futures pénuries, alors que les entreprises fournissant ces intrants profitent de la conjoncture pour monter les prix. Résultat : l’inflation n’a jamais été aussi élevée depuis plus de 30 ans.
Des prix élevés : le meilleur moyen de contrer l’inflation. Des marges bénéficiaires accrues favorisent une augmentation de l’offre de la part des entreprises déjà actives ou de nouvelles venues désireuses de tirer profit de la conjoncture favorable. Par chance, cette dynamique entraîne déjà une augmentation de l’offre de biens et de services nécessaires, ce qui fait dire à certains que le pire de la crise est sans doute derrière nous.
La pandémie est aussi à l’origine des pénuries. Le variant Omicron perturbe la production de diverses façons incontrôlables. Il est moins mortel, certes, mais il est plus contagieux et met sur la touche un plus grand nombre de travailleurs, ce qui a des effets notables sur les ressources humaines et la gestion de la production. À la différence des vagues précédentes qui avaient nécessité un confinement partiel ou total, la vague Omicron frappe toutes les entreprises en même temps, et ses répercussions – moins prévisibles – se font désormais sentir dans les installations industrielles. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement engendrées par la pandémie devraient donc persister, et peut-être même s’intensifier.
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Les entreprises canadiennes font face à de nouveaux risques, sur fond de détente du marché de l’emploi national et de la demande mondiale. Grâce aux Perspectives économiques mondiales d’EDC et ses profils-pays, elles peuvent prendre des décisions d’affaires éclairées.
Hausse des prix : la plus rapide en près de 40 ans. Après l’avoir considéré au départ comme un problème passager, voilà que les banques centrales s’attaquent à l’inflation de plein front en ajustant leur politique monétaire. On s’accorde sur le scénario d’un retrait rapide des programmes d’assouplissement quantitatif, de relèvements plus rapides des taux d’intérêt en avance sur le calendrier, ainsi que d’allégements possibles du bilan. Ce faisant, les marchés des capitaux et les consommateurs se préparent à une diminution imminente de l’accès au financement. Les perspectives sont exposées à un autre risque : que l’inflation actuelle induite par la demande gagne les salaires et d’autres ententes contractuelles. Les banques centrales auraient du mal à annuler ou renverser les effets d'un développement de ce genre sans recourir à des mesures monétaires plus strictes.
Un resserrement probable de la politique budgétaire est en vue. Cela se produira au Canada, mais aussi dans pratiquement toutes les nations membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les mesures de soutien en temps de pandémie ont gonflé la dette publique à des niveaux supérieurs aux limites auparavant acceptables. Les gouvernements aux quatre coins du globe seront par conséquent forcés de réduire leur soutien et de remettre leurs finances sur une trajectoire plus viable avant que la montée des taux d’intérêt n’amplifie ce problème. Heureusement, ils pourront le faire au moment où l’économie a le vent dans les voiles, ce qui à tout le moins aidera à renflouer le Trésor public.
De manière générale, le commerce international profite de la vigueur de l’économie mondiale, comme en témoigne le regain de la croissance au Canada à la fin de 2021. La demande comprimée dynamisera l’activité commerciale en 2022 et en 2023, alors que les problèmes pesant sur les chaînes d’approvisionnement commencent à se résorber à la mi-année. Le protectionnisme, sous ses formes manifestes ou subtiles, devrait céder peu à peu le pas à des conditions favorables sur le front de la demande. Il ne fait aucun doute que le niveau d’activité permettra à tous les acteurs d’être mobilisés au moins pour les deux à trois prochaines années.
Des perspectives éclatantes. Dans ce contexte, nous prévoyons que la croissance atteindra 4,1 % cette année et 3 % en 2023 dans les économies développées. L'élan sera vigoureux sur les marchés émergents, dans la foulée du rebond de l’an dernier, qui enregistreront collectivement une croissance de 5,3 % en 2022, puis de 5 % l’an prochain. Ce dynamisme permettra à la croissance mondiale de s’établir au robuste taux de 4,8 % avant de se modérer à 4,3 % en 2023.
L’état de la demande maintiendra le cours des produits de base plus élevé que prévu et assurément au-dessus des niveaux viables à long terme. Le cours du pétrole brut West Texas Intermediate se négociera en moyenne à 71 cents face au dollar américain cette année et à 65 cents en 2023. Pour sa part, le cours du gaz naturel suivra une trajectoire semblable et redescendra des sommets actuels à mesure que l’Europe occidentale reconstitue ses stocks. Quant au cours du cuivre, il subira des tensions à la hausse du fait de contraintes immédiates sur l’offre, et une demande structurelle accrue en raison du virage des combustibles fossiles vers des options plus écologiques de génération et de transport d’énergie pour la production intensive de cuivre. Dans ce contexte, le cours du cuivre devrait en moyenne se fixer à 8 997 USD cette année, puis fléchir légèrement à 8 287 USD en 2023.
La montée du cours des produits de base exerce des tensions sur le dollar canadien, mais celles-ci sont atténuées par les ajustements attendus de la politique monétaire, au pays et ailleurs. La Banque du Canada a adopté au départ une posture accommodante, ce qui a contribué à l’envol du huard face au billet vert et à l’euro. Comme la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne annoncent qu’elles entendent resserrer leur politique monétaire, le dollar canadien s’est déprécié et devrait s’échanger en moyenne à 79 et à 80 cents en 2022 et en 2023 respectivement par rapport au dollar américain.
Conclusion?
L’incertitude générée par la pandémie a nourri les attentes d’une reprise poussive. Or, la croissance est très dynamique. Prises de court, les entreprises du monde entier s’efforcent d’intensifier la production pour répondre à la demande. Les chaînes d’approvisionnement – d’ordinaire réglées au quart de tour – sont déstabilisées, mais elles reprendront bientôt pied. Par ailleurs, l’inflation, sans doute le signe le plus évident du dynamisme économique, se modérera alors que les banques centrales ajustent leur politique monétaire. Naturellement, le variant Omicron pourrait retarder la progression de l’économie, mais ce contretemps servirait alors à mieux se préparer à un rebond inévitable de l’activité. Ce contexte un peu chaotique recèle cependant un message positif : il y aura des récompenses pour les entreprises préparées qui sauront répondre aux attentes des consommateurs au cours des deux prochaines années. Pour d’autres informations d’intérêt, je vous invite à consulter la plus récente édition des Perspectives économiques mondiales des Services économiques d’EDC.