Le Canada se positionne avec succès comme un défenseur des mesures de soutien au commerce progressiste, en soulignant les retombées économiques des accords commerciaux plus inclusifs à l’égard des minorités telles que les femmes et les microentreprises.
Le commerce progressiste est pour beaucoup l’héritage de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui s’est tenue en décembre dernier à Buenos Aires. C’est lors de cet événement que des représentants nationaux ont signé la Déclaration conjointe sur le commerce et l’autonomisation économique des femmes. Le ministre du Commerce international canadien, François-Philippe Champagne, et sa délégation ont joué un rôle de premier plan dans l’adoption du texte.
En parallèle de questions traditionnelles comme l’agriculture et la pêche, le ministre et sa délégation ont tenu à ce que l’égalité des sexes, le commerce électronique et les microentreprises et les PME comptent parmi les principaux points à l’ordre du jour.
Ces grands volets d’un programme commercial progressiste ont été au cœur d’une allocution de Stephen de Boer, ambassadeur du Canada et représentant permanent à l’OMC. Parrainée par le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, cette intervention a eu lieu à Ottawa quelques jours avant que le président des États-Unis, Donald Trump, ne confirme l’imposition de tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium canadiens. L’OMC traite actuellement les demandes de consultations présentées par le Canada et l’UE pour régler le différend à ce sujet.
La promotion du rôle des femmes dans le commerce n’a pas qu’une visée politique, estime M. de Boer. Leur accorder une plus grande place dans les échanges internationaux sera aussi favorable à l’économie.
Les femmes n’ont toutefois pas toujours accès aux débouchés dont elles ont besoin pour faire croître leurs activités à l’étranger. L’ambassadeur cite des études sur les entreprises à propriété féminine qui indiquent que ces organisations sont moins susceptibles de faire des affaires hors de leur pays et déclarent être bloquées par de lourdes procédures plus fréquemment que les entreprises à propriété masculine.
Dans certains pays, les femmes ont encore de la difficulté à posséder des biens, à créer des entreprises ou à exercer certaines professions, ce qui impose des barrières supplémentaires au commerce international, rappelle M. de Boer.
« Ces différences institutionnalisées en matière de sexes réduisent sensiblement la participation des femmes au marché du travail et freinent la croissance du PIB, déclare-t-il. Une étude de McKinsey publiée en 2015 a démontré que les avancées en matière d’égalité des sexes pourraient se traduire par une hausse de 150 milliards de dollars du PIB annuel du Canada, et de 12 billions de dollars du PIB mondial, d’ici 2025. »
Le Canada a intégré un chapitre sur l’égalité des sexes à l’Accord de libre-échange Canada-Chili renégocié l’année dernière. L’accord commercial récemment conclu entre le Canada et plusieurs pays bordant le Pacifique, l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), comporte aussi des clauses axées sur le sexe, une stratégie que le Canada continuera à soutenir, d’après M. de Boer.
La Déclaration, défendue par le Canada à Buenos Aires et signée par 120 des 164 pays membres, incarne la volonté d’encourager l’autonomisation des femmes grâce à la politique économique et jette les bases d’une collaboration entre les membres de l’OMC signataires.
« Les règles commerciales ne font pas de distinction entre les sexes, mais avec cette déclaration, nous faisons en sorte qu’elles ne les ignorent pas non plus, indique M. de Boer. Nous pensons que ce texte est l’une des grandes réussites de la CM11. »
Les membres de l’OMC ont également réfléchi à la manière de mieux intégrer les microentreprises et les PME au commerce international. Un groupe de 88 membres, dont le Canada, se sont entendus pour mettre sur pied un programme de travail informel pour répondre à cette question.
En instaurant un système d’échanges réglementé et stable, l’OMC agit déjà pour donner les mêmes chances aux petits acteurs qui n’ont pas forcément accès à d’importantes ressources, croit M. de Boer. Mais il considère qu’il faudrait aller plus loin.
« Les petites entreprises sont la colonne vertébrale de l’économie canadienne et de la plupart des économies mondiales, mais les données sur le commerce montrent qu’elles ne participent pas autant aux échanges que les entreprises plus grandes. »
Le programme de travail amènera les membres à discuter de mesures de soutien commercial pour les petites entreprises, en lien notamment avec la facilitation, la prévisibilité du cadre de réglementation, l’amélioration de l’accès au financement et l’information sur les exigences commerciales.
Le Canada souhaite que l’OMC instaure de nouvelles règles qui favoriseraient le commerce électronique pour soutenir une croissance économique plus diversifiée.
« Nous pensons que le commerce en ligne offre de nouvelles occasions de rapprocher les économies rurales et urbaines, de faciliter la participation des femmes à l’économie officielle et de faire accéder les microentreprises et les PME à une clientèle mondiale avec des frais généraux réduits, grâce aux solutions infonuagiques », déclare M. de Boer.
« Nous voulons utiliser le système réglementé de l’OMC pour créer les conditions nécessaires à ces leviers. Au minimum, l’OMC devrait être capable de mettre en place des normes de pratiques exemplaires pour encourager le commerce électronique. »
Le Canada s’est joint à un groupe de 63 membres pour entamer les travaux vers de futures négociations.
Ces efforts de promotion d’un commerce plus progressiste arrivent à l’heure où l’OMC est confrontée à plusieurs défis. Mais M. de Boer est convaincu qu’en dépit de quelques revers, les mesures en faveur de programmes progressistes resteront la priorité de la plupart des pays membres.