L’absence de parité dans le monde des affaires ne date pas d’hier. Et sans un « effort concerté » et soutenu pour vaincre les préjugés et renforcer le pouvoir économique des femmes, il faudra des siècles pour atteindre l’égalité des genres. C’est le message que vient de livrer Anne-Marie Lévesque, responsable des questions de genre et d’impact à FinDev Canada, lors d’une conférence à Ottawa.
« On connaît la force d’inertie. C’est toujours plus difficile de nager à contre-courant que de faire ce qu’on a toujours fait », a-t-elle rappelé lors d’une table ronde sur les femmes en commerce et l’égalité des genres.
« D’après le dernier rapport du Forum économique mondial, au rythme actuel où vont les choses (parce que oui, il existe un mouvement en faveur de l’égalité), il faudrait encore quelque 200 ans pour combler le fossé économique entre les sexes. »
Selon Jennifer Cooke, responsable nationale de la stratégie pour les femmes dans le domaine du commerce d’Exportation et développement Canada, seulement 16 % des PME canadiennes sont majoritairement détenues par des femmes, et parmi elles, seulement 11 % exportent.
« La bonne nouvelle, a-t-elle ajouté, c’est que de plus en plus de Canadiennes se lancent en affaires, et tout ce que nous avons à faire, c’est de continuer de les inspirer à voir grand et à croître à l’étranger. »
En février 2020, EDC a doublé son Programme d’investissement pour les femmes en commerce international pour fournir des capitaux propres aux entrepreneures canadiennes à 100 millions de dollars. C’est l’une des nombreuses initiatives d’EDC visant à servir les entreprises détenues ou dirigées par des femmes pour les aider à s’implanter sur des marchés étrangers.
« Nous investissons directement dans des entreprises détenues par des femmes, mais aussi dans des fonds dirigés par des femmes et liés par l’engagement de nommer de plus en plus de femmes aux postes décisionnels de leur équipe d’investissement, a affirmé Mme Cook. Beaucoup moins de femmes que d’hommes obtiennent du financement à l’étape charnière qu’est la commercialisation. »
« L’absence de parité dans le monde des affaires ne date pas d’hier. Et sans un « effort concerté » et soutenu pour vaincre les préjugés et renforcer le pouvoir économique des femmes, il faudra des siècles pour atteindre l’égalité. »
Éliminer les obstacles
Malgré tout, écrire un nouveau chapitre sur les femmes en commerce ne se fait pas du jour au lendemain.
« L’intégration et la promotion du renforcement du pouvoir économique des femmes sont des enjeux pluridimensionnels appelant une réponse d’ensemble tout aussi pluridimensionnelle », a insisté Mme Lévesque, dont le travail à FinDev Canada est de promouvoir le développement socio-économique des marchés émergents, comme l’Amérique latine, les Antilles et l’Afrique subsaharienne.
« On parle de préjugés et de normes sociales très profondément ancrés sur le travail, les études ou la conduite qu’on attend des hommes et des femmes, d’où la nécessité de joindre nos efforts. »
Vous devriez également consulter
Le gouvernement canadien offre de nombreux programmes pour aider les entreprises dirigées par des femmes. Notre webinaire vous montre comment en profiter.
Nadia Theodore, consule générale du Canada au Sud-Est des États-Unis et ancienne directrice générale du ministère du Commerce international du Canada, reconnaît la nécessité de faire évoluer les mentalités et d’instaurer un cadre pour aider les entrepreneures à conquérir le monde.
« Il y a cette idée que le succès de l’un suppose l’échec de l’autre, qu’un gagnant suppose un perdant. Honnêtement, je crois que ce raccourci est à la racine d’innombrables désastres dans le monde, et nous devons le rejeter pour de bon, à deux mains. Nous y parviendrons en posant des balises et en mettant les faits d’abord », a-t-elle précisé.
La diplomate d’expérience, qui travaille à Atlanta, a participé aux négociations de plusieurs accords de libre-échange du Canada, dont l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG). Dans les deux cas, des chapitres portent sur la promotion et le soutien des femmes en commerce.
« Les accords commerciaux n’obligent personne ni aucune entreprise à faire des affaires ou à exporter, mais ils donnent des repères amenant les gouvernements à réfléchir aux politiques qu’ils veulent mettre en place pour aider les entreprises détenues par des femmes, et c’est ce que font les chapitres sur l’égalité des genres », a expliqué Mme Theodore.
Leurs avantages ne s’arrêtent pas là :
- Ils établissent un cadre pour aider les gouvernements à informer les gens sur la réalité des femmes en commerce dans leur pays respectif.
- Ils encadrent l’affectation d’un consul liant les pays, ce qui favorise l’échange d’idées sur la façon d’intégrer plus de femmes au monde des affaires et d’amener plus d’entreprises détenues par des femmes à exporter.
- Ils attestent l’engagement politique des pays concernés à faire participer plus de femmes à leur économie.
Vaincre les préjugés inconscients
On juge souvent les autres par leur entourage, mais en affaires, cela peut nous nuire.
« Les gens d’affaires sont plus optimistes et ambitieux quand ils se reconnaissent chez les personnes avec qui ils font du commerce, qui les soutiennent et les aident à avancer, a souligné Mme Theodore. Mais si on ne fait pas volontairement affaire avec des gens qui ont d’autres façons de penser et de voir les choses, on risque de discriminer. »
Son conseil?
« L’intention doit y être. Il faut mettre en place l’infrastructure ou des systèmes qui nous obligent à faire délibérément affaire avec des entreprises détenues par des femmes, des Autochtones, des personnes noires, des personnes appartenant à des groupes sous-représentés, pour leur montrer qu’on peut les accompagner et faire le chemin vers elles. »
Au chapitre du financement, qu’il s’agisse de capitaux propres ou de créances, des études sur les préjugés inconscients ont montré que 66 % des hommes contre 33 % des femmes ont obtenu du financement, « avec un dossier identique », précise Mme Cooke.
« Ce qu’on oublie, c’est que les femmes ne sont pas une minorité ni un ensemble homogène. Nous n’avons pas toutes eu la même expérience de vie ni affronté les mêmes obstacles, mais à nous toutes, nous représentons la moitié de la population, a rappelé Mme Lévesque. Pourtant, les femmes n’occupent pas la moitié des postes de direction ni de chef de gouvernement dans le monde. »
Mais selon elle, l’avenir est prometteur.
« La Société financière internationale (IFC), une organisation de la Banque mondiale, a récemment publié des données montrant que les gestionnaires de fonds féminins et les agentes d’investissement sont deux fois plus susceptibles que les autres investisseurs de financer des femmes. C’est là une manière bien concrète d’éliminer les obstacles. »
Elle ajoute qu’au sein d’institutions comme FinDev Canada et EDC, qui gèrent des capitaux et prennent des décisions d’investissement, plus de femmes peuvent occuper avec brio des postes décisionnels, notamment en ce qui concerne les décisions d’investissement.
Pour en savoir plus sur la façon dont EDC peut soutenir les entreprises détenues ou dirigées par des femmes, consultez https://www.edc.ca/femmes-en-commerce