La différence entre Buy American et Buy America
Ces lois touchent principalement les exportateurs canadiens qui mènent des activités dans les secteurs de la construction et de l’infrastructure aux États Unis. La ressemblance de leurs noms respectifs porte à confusion, mais leurs effets peuvent s’avérer très différents.
- Buy American
La Buy American Act de 1933 s’applique aux achats directs effectués par le gouvernement fédéral dans le cadre de projets de travaux de construction publics. Aux termes de cette loi, le gouvernement fédéral ne peut acheter que des matériaux produits aux États Unis, à moins qu’une dérogation ait été accordée.
Toutefois, les exportateurs de marchandises canadiens ne sont pas assujettis à cette loi. En effet, la U.S. Trade Agreements Act dispense de ces exigences les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce ayant signé l’Accord sur l’approvisionnement du gouvernement ou conclu un accord de libre-échange avec les États Unis. Ainsi, le Canada ayant ratifié l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), nous faisons partie de la dernière catégorie. Dans la plupart des cas, la Buy American Act ne pose donc pas de problèmes aux exportateurs canadiens.
- Buy America
En réalité, la Buy America Act fait partie de la Surface Transportation Assistance Act de 1982. Elle s’applique aux achats financés par le gouvernement fédéral dans le cadre de projets d’infrastructure, principalement ceux concernant les routes, le transport en commun, les aéroports, le transport aérien et les services ferroviaires interurbains aux voyageurs. Ces dispositions s’appliquent également à certains projets d’infrastructure liés à l’eau et financés par le fédéral.
Mais du point de vue des exportateurs canadiens des secteurs de la construction et de l’infrastructure, la principale particularité de la Buy America Act est qu’elle ne prévoit aucune dérogation automatique à ses dispositions. Voilà une différence importante entre les deux lois.
La Buy America ne crée pas de nouvelles lois, mais elle prévoit un cadre d’approvisionnement auquel doivent se plier les organismes fédéraux. Par exemple, le décret du président Biden vise à donner la priorité aux fournisseurs des États-Unis plutôt qu’aux fournisseurs étrangers. D’autres restrictions sont clairement précisées aux termes de la Infrastructure Act.
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Ce rapport d’EDC présente les changements à l’approvisionnement américain et les conséquences pour les entreprises canadiennes.
Pour qui ces lois représentent-elles un risque?
Les exportateurs canadiens les plus touchés par les dispositions de la loi Buy America sont ceux pour qui le gouvernement fédéral des États Unis représente un client important. Dans quelle mesure ces dispositions causeront-elles du tort aux Canadiens à long terme? Difficile à dire.
C’est en partie parce que les éléments du décret du président Biden n’ont pas encore tous été intégrés aux nouvelles réglementations. C’est aussi en raison des efforts que déploient les organismes voués au commerce international, Affaires mondiales Canada et autres entités canadiennes et américaines pour sensibiliser les responsables de l’approvisionnement des États Unis aux accords commerciaux comme l’ACEUM et aux conséquences que pourrait entraîner un excès de zèle dans l’application des dispositions de la Buy America.
Michael Gonsalves, gestionnaire régional principal d’EDC pour les États-Unis, travaille au bureau d’Atlanta et surveille de près la situation. « Par exemple, explique-t-il, les États Unis nourrissent de grandes ambitions en matière d’infrastructure et d’énergie de remplacement. Mais de grandes sociétés étatsuniennes s’inquiètent de la possible pénurie de matériaux et composants nécessaires à l’achèvement de leurs projets. Si les fabricants américains ne peuvent pas répondre à leurs besoins, ils devront se tourner vers des fournisseurs étrangers – et il y a fort à parier qu’ils choisiront en priorité leurs partenaires commerciaux de confiance au Canada et au Mexique. Cette situation pourrait pousser les responsables de l’approvisionnement des États Unis à accorder des dérogations pour qu’il soit possible de se procurer des matériaux et des services auprès de sources étrangères – ce qui pourrait profiter aux exportateurs canadiens. »
Quelles sont les solutions si vous êtes touché par cette situation?
Si votre secteur d’activité est visé par les dispositions de la Buy America, voici ce que vous pouvez faire pour éviter les effets négatifs sur votre entreprise :
- obtenir des dérogations;
- créer des coentreprises;
- faire de la sous-traitance pour une entreprise américaine;
- choisir des projets qui ne bénéficient pas du financement du fédéral;
- créer une filiale aux États Unis.
Obtenir des dérogations
Les dérogations sont possibles lorsque :
- les dispositions de la loi Buy America pour un projet donné vont à l’encontre de l’intérêt public des États Unis;
- les matériaux nécessaires ne sont pas produits en quantité suffisante aux États Unis ou la qualité n’est pas satisfaisante;
- l’utilisation de matériaux produits aux États Unis plutôt qu’à l’étranger entraînerait une hausse de plus de 25 % des coûts de l’ensemble du projet.
« Toutefois, indique Gonsalves, l’obtention d’une dérogation peut se révéler pénible et complexe. Ce processus est transparent et peut parfois être long, ce n’est donc pas forcément la meilleure stratégie si votre projet évolue rapidement. Mais si vous avez le temps (et les ressources juridiques, au besoin) de vous rendre au bout du processus, la dérogation peut éliminer certains obstacles que posent les dispositions de la Buy America pour votre entreprise.
Le fait que le processus de dérogation doit être transparent et rendu public peut représenter un autre problème. En effet, la divulgation d’autant de renseignements peut révéler le type d’activités que mène votre entreprise et votre stratégie pour l’obtention d’une dérogation. Vous pourriez donc vous trouver en désavantage concurrentiel. La situation pourrait aussi s’avérer délicate sur le plan politique, puisque ce processus révèle qu’une entreprise étrangère tente de pénétrer un projet américain. Or, vous n’êtes peut-être pas prêt à ce qu’autant de renseignements soient divulgués.
Créer une coentreprise ou faire de la sous traitance
Le gouvernement fédéral des États Unis exige que les approvisionnements de moins de 250 000 $ dollars américains soient réservés aux petites entreprises américaines. Mais il y a tout de même moyen pour les fournisseurs canadiens de participer à ce genre de contrats :
- Coentreprise – petites entreprises : Si vous êtes une petite entreprise selon les normes applicables au contrat d’approvisionnement, vous pouvez former une coentreprise avec une petite entreprise américaine afin de soumissionner pour un contrat.
- Coentreprise – mentor : Si vous êtes une grande entreprise, vous pouvez former une coentreprise mentor-protégé avec une petite entreprise étatsunienne afin de pouvoir soumissionner. Le mentor doit fournir l’aide technique ou financière à son protégé, alors que ce dernier est nommé gestionnaire de la coentreprise et doit réaliser au moins 40 % des travaux. Il faut également que la petite entreprise détienne au moins 51 % des parts de la coentreprise.
- Sous-traitance : La petite entreprise considérée comme principal entrepreneur (l’entreprise américaine) peut octroyer en sous-traitance à n’importe quel autre genre d’entreprise jusqu’à 50 % de la valeur d’un contrat réservé.
Créer une filiale aux États Unis
La Buy America ne vous causera pas de problèmes si vous confiez les travaux à votre filiale des États Unis. La création d’une filiale aux États-Unis est relativement simple dans la plupart des États, mais il est préférable de compter sur des conseils professionnels juridiques et comptables. Les deux principaux types de filiales sont les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée. Dans les deux cas, il s’agit de personnes morales. Ce peut être aussi bien un petit bureau qu’une grande usine de fabrication.
« Il y a d’autres avantages à avoir une filiale aux États Unis », explique Christelle Shirandi, gestionnaire régionale adjointe d’EDC pour les États-Unis, qui travaille elle aussi au bureau d’Atlanta. « La filiale peut être admissible à d’importants crédits d’impôt liés aux investissements. Une éventuelle fusion ou acquisition est aussi beaucoup plus simple si c’est la filiale américaine qui mène le processus. Ajoutons que d’un point de vue logistique, la filiale peut rapprocher votre entreprise canadienne des acheteurs et des projets étatsuniens. Dans un environnement concurrentiel comme les États Unis, il s’agit d’un avantage indéniable. »
EDC peut vous aider à trouver des partenaires et à travailler avec eux à l’étranger
EDC offre plusieurs solutions pour aider les entreprises canadiennes dans la croissance de leurs activités à l’international. Nous leur offrons notre connaissance du marché et nos contacts internationaux. Nos équipes sectorielles détiennent un vaste éventail de connaissances et de compétences. EDC peut également offrir des solutions financières en partenariat avec votre banque au Canada ou sans intermédiaire, en prêtant directement à votre filiale à l’étranger ou à la société mère au Canada.
Participer à des projets qui ne bénéficient pas du financement du gouvernement fédéral
Rappelons que la loi Buy America ne concerne que les contrats d’approvisionnement fédéraux. Le marché des États Unis est si vaste que les projets sont nombreux dans les différents États, villes et sociétés. Si ces projets ne reçoivent pas de financement fédéral, les dispositions de la Buy America ne posent aucun obstacle.
En fait, en raison des difficultés et des retards associés à l’obtention de fonds fédéraux, beaucoup de projets sont financés par les villes, les États et les banques. Ces fonds peuvent servir de financement provisoire dans l’attente de l’approbation du financement fédéral. Ces situations sont des occasions à saisir pour les entreprises canadiennes qui autrement seraient écartées par la Buy America : s’il n’y a pas de financement du gouvernement fédéral dans les premières étapes du projet, cette loi ne s’applique pas.
À qui vous adresser pour obtenir de l’aide
Les exportateurs canadiens touchés par la Buy America Act peuvent s’adresser à différentes sources pour obtenir de l’aide et des renseignements, notamment :
- Le Centre aide-export d’EDC
Le Centre aide-export fait affaire avec tous les marchés du monde et peut vous mettre en contact avec les conseillers en commerce d’EDC, qui sauront répondre à vos questions, vous aider à comprendre les défis qui se posent et à trouver des solutions pour les surmonter.
À même le Centre aide-export se trouve la section des conseillers en commerce international, laquelle se divise en deux groupes :
le premier se spécialise dans les marchés et les stratégies;
l’autre s’occupe des réglementations. Ce groupe compte des avocats et des comptables en contact avec les organismes gouvernementaux des États Unis. Ils comprennent parfaitement bien la loi Buy America et les difficultés qu’elle représente pour les exportateurs canadiens. Ces spécialistes peuvent vous aider à évaluer votre stratégie commerciale et à remédier à ses lacunes, le cas échéant.
Si la loi Buy America vous cause des difficultés, commencez par vous adresser à la section des conseillers en commerce international du Centre aide-export.
- Service des délégués commerciaux (SDC)
Le Service des délégués commerciaux du Canada est bien au fait de la loi Buy America. Consultez sa section intitulée Vendre au gouvernement des États-Unis.
- Banque de développement du Canada (BDC)
BDC offre des conseils aux PME et peut vous aider à mieux comprendre les réglementations entourant l’exportation. Mais plus important encore, elle peut vous aider à mieux comprendre votre secteur pour que vous puissiez mieux profiter des ressources comme le Centre aide export d’EDC.
- Bureau « Made In America » des États-Unis
Le décret du président Biden prévoyait la création d’un nouveau bureau Made in America (en anglais seulement) dont le but est d’encadrer et d’administrer les régimes préférentiels de l’approvisionnement fédéral. Ce bureau a entre autres mandats celui d’examiner et d’approuver les dérogations prévues aux lois Made in America, dont celles de la Buy American Act. Il renvoie aussi vers d’autres ressources utiles à ceux qui font des affaires avec le gouvernement des États Unis.