À peine remis des perturbations de la chaîne d’approvisionnement lors de la pandémie, voilà que les équipementiers et les fournisseurs canadiens voient de nouveaux défis se pointer à l’horizon. Au moment même où le secteur négocie son virage vers une électrification complète, les constructeurs doivent composer avec un enthousiasme qui s’émousse à l’égard de la transition mondiale vers les véhicules électriques (VE). Or, les modifications apportées au calendrier de production assombrissent les perspectives à court terme pour cette filière canadienne et, par le fait même, pour le secteur des exportations.
Malgré cette récente déconvenue, l’adoption des VE dans un horizon à long terme reste sur les rails. Comme nous l’avons précisé dans notre récente édition de Secteurs en vedette, en investissant massivement dans la chaîne logistique des VE en Amérique du Nord, les constructeurs pourront mettre sur le marché des modèles plus abordables et donner un coup d’accélérateur très attendu aux exportations canadiennes. Certes, les acteurs canadiens s’inquiètent des répercussions à court terme des déclarations chocs du président américain élu Donald Trump. Ce dernier, rappelons-le, affirme vouloir imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits en provenance du Canada et du Mexique. La perspective d’une hausse des tarifs douaniers accentue l’incertitude dans le secteur automobile canadien qui exporte 93 % de sa production vers le marché américain. Les épisodes du passé pourraient nous donner une idée de la suite des choses. Il faudra cependant tenir compte de la présence de plusieurs inconnues et d’intérêts divergents des deux côtés de la frontière.
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Lors de son premier mandat, le président Trump avait aussi songé à imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits importés, et notamment les automobiles en provenance du Canada. On le sait, cette menace n’a pas été mise à exécution. Cela étant, en juin 2018, des droits de douane sur l’acier et l'aluminium ont frappé l’Union européenne, le Canada et le Mexique. Ces droits ont pénalisé les exportations canadiennes de ces deux métaux vers le marché américain et, par le fait même, celles du secteur automobile. En guise de riposte, le Canada a imposé des tarifs équivalents sur l’acier, l’aluminium et plusieurs biens de consommation en provenance des États-Unis, situation qui a mené au retrait des droits tarifaires en 2019.
Révision de l’ACEUM : droits tarifaires et politique sur les VE
En 2020, en vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) nouvellement signé, les exigences relatives à la règle d’origine pour les véhicules et les pièces ont été resserrées. Ainsi, l’exigence de la teneur nord-américaine établie à 62,5 % pour les exportations de voitures et de camions légers visées par l’ancienne mouture de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est passée à 75 % en vertu de l’ACEUM, qui lui est assorti de nouvelles exigences. Par exemple, 70 % de l’acier et de l’aluminium achetés par les constructeurs doivent être de sources nord-américaines. De plus, toujours selon cet accord, une part prescrite de la production de véhicules doit être attribuée aux installations de fabrication nord-américaines où les employés reçoivent un salaire horaire moyen de 16 dollars américains.
Dans les faits, l’ACEUM vient souligner un engagement : celui d’intensifier l’intégration du secteur automobile nord-américain en mettant en place des règles d’origine plus strictes qui agissent comme des incitatifs pour augmenter l’investissement, la teneur régionale et l’emploi au sein du bloc. Et les données le confirment. La teneur américaine représente respectivement 50 % et 35 % de la production de véhicules au Canada et au Mexique. Et fait à noter, les pièces automobiles peuvent traverser la frontière canado-américaine jusqu’à huit reprises avant de faire partie d’un produit fini.
La révision de l’ACEUM prévue en 2026 pourrait être l’occasion de continuer à mettre l’accent sur une plus grande intégration régionale du secteur, alors que la menace de droits tarifaire est brandie dans l’espoir d’obtenir certaines concessions. Cependant, cette fois, les enjeux pourraient être nettement plus importants pour les deux raisons suivantes : la première, les annonces récentes où le président élu affirme son intention de mettre en place une nouvelle série de droits tarifaires; et la seconde, une diminution du soutien public au sous-secteur des VE par la voie de la Loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act). Malgré tout, comme l’ont réitéré des acteurs de premier plan du secteur automobile, une approche plus réfléchie prévaudra au moment de modifier la chaîne d’approvisionnement de la filière automobile compte tenu des interdépendances et des avantages tirés des politiques d’ouverture au commerce.
Conclusion
Pour le secteur automobile, il y a fort à parier que le trajet à venir sera semé d’embûches en raison de la dynamique qui infléchit le marché mondial des EV et des retombées possibles des politiques 2.0 de l’administration Trump. Face à cette conjoncture, les exportateurs canadiens de cette industrie trouveront un certain réconfort dans la fermeté de la demande américaine pour leurs produits. En effet, malgré l’évolution constante des conditions du marché, les États-Unis maintiennent depuis une décennie leur part des exportations automobiles du Canada.
La réussite de la filière nord-américaine repose sur sa profonde intégration, et ce trait sera fort probablement un aspect déterminant dans la mise en œuvre de toutes les nouvelles politiques qui sont actuellement envisagées. Si l’on fait abstraction de la volatilité à court terme, on constate que les perspectives à long terme pour les exportations du secteur automobile canadien restent encourageantes grâce à la vigueur de la demande de véhicules émanant du marché américain et de la constante progression de la transition mondiale vers les VE.
Nous tenons à remercier chaleureusement Karicia Quiroz, économiste aux Services économiques d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.
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