Les percées liées aux grands modèles de langage, comme celles réalisées par la société OpenAI à l’origine de ChatGPT, ont lancé une réflexion élargie sur le vaste potentiel – et les immenses risques – de l’intelligence artificielle (IA). À notre tour, nous abordons ce sujet d’actualité. Pourquoi? Parce que l’IA présente une occasion de véritablement transformer l’arsenal des moyens pour lutter contre les changements climatiques.

Ces progrès technologiques changent la manière dont nous créons, distribuons et consommons l’énergie. De l’optimisation des réseaux aux découvertes scientifiques, en passant par la modélisation climatique et la prédiction d’événements météo extrêmes, les pionniers du secteur des technologies propres intègrent désormais l’IA à divers aspects de leurs produits, services et processus. Cette effervescence a fait bondir les investissements dans les technologies propres utilisant l’IA, qui ont atteint les 28,5 milliards de dollars américains entre 2018 et 2023. En 2029, les capitaux injectés dans cette filière devraient être multipliés par cinq et frôler les 140 milliards de dollars américains.


Fait à noter, on dénombre des applications dans une multitude d’industries pour ce secteur en émergence, qui se situe au croisement des technologies numériques et matérielles. Bon nombre des solutions proposées incorporent les logiciels d’IA aux composantes de technologies propres ou font appel à l’IA pour étoffer les fonctionnalités matérielles des technologies propres. Ce faisant, il existe un panorama de solutions de technologies propres utilisant l’IA : des utilisations en amont (comme celles ayant recours à de grands algorithmes complexes) à de nouvelles solutions qui saisissent de nouvelles formes de données. Selon certaines estimations, ce type de technologie pourrait contribuer à réduire jusqu’à 10 % des gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030.

Alors que l’IA se greffe peu à peu aux technologies propres, il faut garder à l’esprit que l’adoption de pareils modèles engendre des répercussions environnementales majeures. Pour exploiter  les grands modèles de langage et d’autres applications d’IA dotées de capacités poussées de calcul, les centres de données consomment d’énormes quantités d’énergie et d’eau. Pour mettre le tout en perspective, précisons par exemple qu’une recherche standard au moyen d’un agent conversationnel (chatbot) assorti de capacités de traitement du langage naturel consomme dix fois plus d’électricité qu’une simple recherche dans Google… Or, cette forte consommation devient problématique en raison de la pénurie d’énergies renouvelables dans les réseaux actuels, sans compter qu’elle complique la transition des entreprises de mégadonnées vers des sources d’énergie vertes. Les entreprises technologiques, pour leur part, ont commencé à investir pour créer des capacités d’énergie renouvelable, en particulier le nucléaire, en misant sur les petits réacteurs modulaires (PRM).

Pour le moment, les applications d’IA dans les technologies propres sont davantage axées sur de petits modèles de langage plutôt que sur de grands modèles de langage alimentant les applications de l’IA générative, plutôt gourmandes en énergie. Voilà pourquoi les modestes exigences relatives aux capacités de calcul et l’apport relativement moins élevé en énergie des technologies propres génèrent une empreinte carbone moins importante. Au fur et à mesure que l’IA gagne du terrain dans la sphère des technologies propres, on pourrait voir émerger des applications capables de résoudre ces défis en matière d’énergie et ayant la capacité de suivre, prédire et réduire les émissions tout en décarbonant avec plus d’efficacité. Compte tenu de l’ampleur et de la portée des utilisations possibles, les technologies propres utilisant l’IA pourraient le temps venu produire un effet positif net sur les émissions carbone.

Au regard des considérables retombées environnementales et économiques en jeu, il est vital d’attirer des investissements essentiels dans cette sphère d’activité. Le Canada se classe au troisième rang mondial pour ce qui est du capital de risque injecté dans les technologies propres utilisant l’IA.

S’il est vrai que l’afflux de capital de risque a ralenti dans plusieurs secteurs, l’investissement dans son ensemble est demeuré stable au Canada l’an dernier. En fait, il a totalisé 1,2 milliard de dollars canadiens dans le cadre de 73 transactions. Dans le même temps, les exportations globales de technologies propres ont poursuivi leur trajectoire ascendante, le Canada ayant exporté près de 21 milliards de dollars en produits et services liés aux technologies propres en 2022 (dernière année pour laquelle les données sont disponibles), soit une hausse de 17 % par rapport à 2021. Dans un contexte où les applications se multiplient pour les technologies utilisant l’IA, l’activité des entreprises canadiennes devrait s’intensifier grâce au vent favorable qui souffle sur le secteur.  

Conclusion?

Le Canada est aux avant-postes de l’innovation liée aux technologies propres et fait figure de précurseur dans la sphère de l’IA grâce à la contribution d’instituts de recherche et d’universités de premier rang. Les nouvelles technologies qui sont développées, comme la capture, séquestration et utilisation du carbone (CSUC) ainsi que le stockage d’énergie à long terme et l’émergence de l’hydrogène comme carburant de remplacement contribuent à l’essor des solutions de technologies propres. Le Canada possède plusieurs atouts qui l’aideront à pérenniser les avancées réalisées dans les technologies propres utilisant l’IA.

Pour instaurer de tels écosystèmes, il faudra en faire plus pour mettre en place les infrastructures d’IA et les rendre accessibles. En parallèle, il faudra aussi faciliter l’accès – à un coût abordable – aux capacités de calcul nécessaires pour exploiter les modèles utilisant l’IA. Enfin, il faudra déployer le capital de risque voulu pour intensifier la mise au point des solutions et définir une approche concertée entre gouvernements, entreprises et universités. Ce qu’il convient de retenir ici, c’est que plus le problème que ces technologies cherchent à résoudre est fondamental, plus le potentiel d'exportation des biens et des services sera grand.

Nous tenons à remercier chaleureusement Prerna Sharma, économiste principal de notre Centre d’information économique et politique, pour sa contribution à la présente édition.

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