Le 5 août au petit matin, au moment où la plupart des Canadiens appuyaient sur le bouton de rappel de sonnerie de leur réveil (le snooze) pour adoucir le début d’une nouvelle semaine de travail, les marchés des capitaux ont, de leur côté, eu droit à un réveil très différent. La plus récente hausse de taux d’intérêt effectuée par la Banque du Japon – motivée par les conditions particulières de l’économie intérieure – a accentué la divergence entre la politique du taux directeur du pays du Soleil-Levant et celle de la majorité des autres banques centrales des marchés développés. Dans les jours qui ont suivi, un rapport décevant sur la progression de l’emploi aux États-Unis a amplifié cette divergence, avec en toile de fond des attentes grandissantes d’une diminution des taux par la Réserve fédérale américaine en septembre. On connaît la suite : l’appréciation du yen et, subséquemment, la diminution des portages de devises financés en yen ont été à l’origine d’une cascade d’événements qui ont causé de très fortes fluctuations sur les marchés des devises (et boursiers) aux quatre coins du globe.

Pour les entreprises mondialisées, ce genre de volatilité peut poser un casse-tête prenant plusieurs formes : un fléchissement de la demande mondiale; des prix non concurrentiels; une envolée du coût des intrants; et des marges comprimées. Pour les exportateurs canadiens, il est tout particulièrement vital de suivre l’évolution de notre taux de change face à la devise américaine, et ce, pour une excellente raison : près de 80 % de nos exportations prennent la direction des États-Unis.

Après la pandémie, le dollar américain s’est raffermi de plus de 10 % par rapport à un panier de devises (dont faisait partie le huard) en raison de son statut de première devise refuge de la planète. La remarquable résilience de l’économie américaine au fil du temps a conforté ce statut et stimulé la demande pour les actifs en dollar américain. Or, le maintien de taux élevés plus longtemps que prévu par la Fed a augmenté l’attractivité des rendements en dollar américain, dans un contexte où d’autres banques centrales (y compris la Banque du Canada) ont commencé à réduire leurs taux d’intérêt. 



Les données historiques semblent indiquer, toutes choses étant égales par ailleurs, que chaque diminution de un point de pourcentage au-delà du taux de la Fed entraîne une modification correspondante de 4 % de la valeur du dollar canadien. Un huard volant à plus basse altitude et une économie américaine robuste favorisent l’essor de nos exportations, mais ils ont un inconvénient : ils font grimper le coût des importations pour les Canadiens.

Dans le contexte actuel – et même advenant la décision de la Fed d'abaisser ses taux de 25 points de base en septembre –, des tensions baissières devraient s’exercer sur le taux de change dollar canadien/billet vert puisque la Banque du Canada a une longueur d’avance à ce chapitre. À mesure que s’installe le cycle de la réduction des taux de la Fed, ces tensions devraient cependant commencer à se relâcher. Cela étant dit, l’élection présidentielle américaine à venir pourrait donner un coup de pouce au dollar américain, comme ce fut le cas en 2017 et en 2021. Parallèlement, la présence d’aléas géopolitiques ou économiques majeurs pourrait provoquer chez les investisseurs une fuite vers les actifs de qualité, ce qui viendrait renforcer encore plus le billet vert.

Pour les exportateurs canadiens souhaitant s’implanter sur des marchés non traditionnels, la volatilité des devises peut accroître les risques associés à la conduite des affaires sur les marchés en développement. De plus, sur ces marchés, la croissance et les conditions financières ont été mises à mal par les taux d’intérêt élevés aux États-Unis et la vigueur de la devise américaine. Rappelons qu’une faible monnaie locale perturbe non seulement l’économie intérieure et son climat des affaires, mais qu’elle joue aussi sur le risque de non-transfert et le risque de change en devises fortes. Les marchés les plus fragiles pourraient donc subir d’importantes dépréciations de leur monnaie ou voir leurs réserves en devises fondre, ce qui pourrait mener à l’imposition de restrictions sur la conversion des devises.

Sur certains marchés en développement, la banque centrale pourrait en guise de riposte soutenir la monnaie locale en abaissant les taux (comme au Brésil), en maintenant les taux inchangés (comme au Mexique) et même en relevant les taux (comme en Indonésie). Ces stratégies peuvent apaiser les tensions sur la monnaie locale, certes, mais elles ont souvent comme conséquence de plomber la demande. Les réductions qui seraient orchestrées par la Fed plus tard cette année devraient alléger le fardeau de bon nombre de ces pays en leur donnant la marge de manœuvre nécessaire pour assouplir leur politique monétaire et faire tourner l’activité économique.

Comment les exportateurs canadiens peuvent-ils mieux se préparer à la volatilité des devises? Tout d’abord, en se diversifiant : être actif sur de multiples marchés diminue la dépendance envers une seule devise ou une seule économie. Par exemple, si une entreprise exportatrice est surtout présente sur le marché américain, elle peut chercher des débouchés dans la zone euro ou dans la région indo-pacifique dans le but d’atténuer l’impact de toute fluctuation soudaine des devises. 

Pour les exportateurs, il est ensuite capital de connaître les perspectives économiques et politiques du marché ciblé. La valeur des devises est en grande partie déterminée par des éléments comme les taux d’intérêt, la tenue d’élections, les accords de libre-échange, le cours des matières premières et la dynamique géopolitique. En faisant appel à l’expertise d’Exportation et développement Canada (EDC) relative aux pays et aux secteurs, les exportateurs peuvent accéder à des informations actuelles et essentielles pour gérer les risques et minimiser les coûts.

Les exportateurs peuvent également examiner les différentes stratégies de couverture de change proposées, pour une plus grande tranquillité d’esprit. Les instruments financiers comme les swaps de devises, les contrats à terme, les opérations à terme et les options peuvent aider à bloquer des taux de change et à se protéger des fluctuations imprévues. Enfin, il est crucial de tisser de solides relations sur le marché. Alors que les partenaires locaux peuvent relayer de précieuses informations sur le marché, les institutions financières spécialisées sont en mesure de prêter main-forte en structurant des stratégies d’affaires souples et des solutions financières efficaces.

Conclusion?

Gérer la volatilité des taux de change est un incontournable pour tous les exportateurs canadiens désirant rayonner à l’international. Ils peuvent maîtriser les risques en restant au fait des perspectives pour les devises et en se préparant à toute instabilité sur ce front. En diversifiant leurs portefeuilles, en suivant de près l’évolution de la conjoncture économique et politique, en ayant recourt à des stratégies de couverture performantes et en forgeant des partenariats avantageux, les exportateurs peuvent atténuer les risques et maintenir leur avantage concurrentiel dans un univers commercial mondial en constante évolution.

Nous tenons à remercier chaleureusement Juntian Li, analyste quantitatif au sein des Services économiques d’EDCs, pour sa contribution à la présente édition.

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