Depuis le début de la pandémie, les chaînes d’approvisionnement mondiales ont gagné une popularité inattendue. Fini l’époque où seuls quelques professionnels se préoccupaient de leur bon fonctionnement. Aujourd’hui, les perturbations de ces chaînes et la congestion du transport maritime sont si courantes que les consommateurs acceptent de renoncer à leurs marques préférées et tolèrent les retards dans la livraison de mobilier pour leur maison.

Les Services économiques d’EDC s’intéressent de près aux difficultés des chaînes d’approvisionnement, et ont d’ailleurs consacré plusieurs Propos à ce thème. Celui de cette semaine propose une analyse détaillée des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement avec lesquelles doivent composer les entreprises canadiennes – au-delà des perturbations actuelles causées par la pandémie et la guerre en Ukraine – et notamment des implications de ces vulnérabilités sur des secteurs clés. 

Au début de la pandémie, nos collègues d’Affaires mondiales Canada ont publié une étude très instructive intitulée Vulnérabilité des industries canadiennes aux perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. Cette étude évalue de manière systématique les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement auxquelles sont exposées 216 industries au Canada. Après avoir passé en revue de vastes ensembles de données, les auteurs ont observé ceci : certaines industries (presque toujours dans le secteur de la fabrication) sont plus vulnérables aux chocs de la chaîne d’approvisionnement. 

En regroupant ces industries à l’ensemble des catégories sectorielles, nous avons constaté que 62 industries dans 10 secteurs étaient très exposées, en aval et en amont, aux risques liés aux chaînes d’approvisionnement. Chaque année, la contribution de ces industries aux exportations canadiennes se chiffre à environ 310 milliards de dollars ou 40 % de nos ventes totales à l’étranger. Le plus grand nombre d’industries jugées très vulnérables (23 au total) se trouvent dans les secteurs de l’auto et des minéraux et représentent une bonne partie de nos exportations annuelles, soit 162 milliards de dollars. D’autres industries font partie de cette catégorie, notamment : l’agriculture et l’agroalimentaire, la foresterie, les transports, les produits chimiques et les plastiques ainsi que la fabrication de matériel mécanique et électrique.

À quels chocs ces industries sont-elles les plus exposées? La dépendance aux intrants est la première source de vulnérabilité du Canada, en particulier les intrants qui sont en quantité limitée à l’échelle mondiale. C’est là un risque majeur, surtout si on considère que certains de ces secteurs de premier plan dynamiseront la croissance future.

L’offre limitée d’intrants mondiaux ou leur concentration dans certaines régions du globe sont des enjeux évidents du côté des mines et des minéraux. La raison en est simple : les métaux comme le cuivre, le cobalt, le graphique, le nickel et le lithium sont essentiels pour assurer une transition continue vers les technologies propres. Or, la production de ces minéraux se concentre dans quelques pays, dont la majorité est aux prises avec des problèmes de stabilité politique. 

Notre production dans ce domaine d’activité est plutôt faible; d’ailleurs, les données les plus récentes de l’Institut d’études géologiques des États-Unis (le U.S. Geological Survey) montrent que le Canada possède un peu plus de 3 % des ressources mondiales de lithium, ce qui le place loin derrière le Chili, la Chine, l’Australie, l’Argentine et les États-Unis, entre autres. Le tableau est semblable pour nos réserves de cobalt qui représentent 2,9 % des réserves mondiales connues. À ce chapitre, le Canada est devancé par l’Australie, Cuba, l’Indonésie et la République démocratique du Congo. Enfin, des 95 millions de tonnes de nickel constituant les réserves mondiales, à peine 2 % se trouvent au Canada. 

 

Que le Canada possède une partie de ces précieuses ressources est en soi une bonne nouvelle, mais nos gisements sont sans doute insuffisants pour garantir l’indépendance des chaînes d’approvisionnement qui est nécessaire pour produire des technologies propres telles que des véhicules électriques, des infrastructures de stockage par batterie et des panneaux solaires.

La concentration géographique de nos exportations est la deuxième principale source de vulnérabilité. C’est là un problème bien connu au Canada qui a été souvent étudié par les spécialistes du commerce. En termes simples : le Canada continue de dépendre de quelques marchés clés, dont les États-Unis, pour ses exportations.

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (l’ACEUM) offre des avantages aux trois économies signataires. Pourtant, dans le passé, le Canada a eu de la difficulté à réaliser tout son potentiel d’exportation dans d’autres économies émergentes, surtout en Asie. Cette réalité rend les exportateurs canadiens très vulnérables dans l’éventualité de chocs soudains de la demande sur nos marchés d’exportation traditionnels. De fait, une trop grande dépendance envers quelques marchés peut faire planer beaucoup d’incertitude sur nos perspectives de croissance. Pour ne rien arranger, en raison des incertitudes persistantes sur le front géopolitique, il devient plus difficile d’établir une stratégie pour gérer ces risques de façon optimale.

Conclusion?

Le débat sur la résilience des chaînes d’approvisionnement doit aller au-delà des récents développements qui font les grands titres de l’actualité. C’est vrai : la pandémie a mis en lumière ces vulnérabilités, mais il faut désormais considérer dans une optique stratégique si les bons systèmes sont en place pour assurer une croissance durable des entreprises canadiennes. Il est clair qu’il faudra combler de sérieuses lacunes.  

La solution à ce problème ne consiste pas forcément à relocaliser ses activités ou à les mener à l’extérieur des réseaux intégrés de production à l’échelle planétaire. Après tout, les entreprises chercheront toujours à réaliser le maximum de bénéfices et à trouver la façon la plus productive de fournir des biens ou d’offrir des services. Nous devrions plutôt prendre en considération les coûts et les avantages de la concentration géographique – à la fois sur le plan des intrants que celui de nos exportations. Il n’y aura pas de solution simple et uniforme, tout simplement parce que notre objectif – qui est de développer les exportations canadiennes au cours des prochaines décennies – est ambitieux.  

Cette semaine, nous souhaitons exprimer des remerciements tout particuliers à Meena Aier d'EDC, directrice du Service d’analyse et de recherche. Nous désirons aussi remercier David Boileau et Aaron Sydor d’Affaires mondiales Canada pour les données et les analyses étayant leurs récents articles sur les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement, qui ont servi à la rédaction du présent Propos.

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer (Economics@edc.ca) et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.