Tout d’abord, bonne et heureuse année!
Avant de tourner notre attention vers 2019, prenons un moment pour dresser le bilan des douze derniers mois : les succès comme les revers, et le regard d’EDC sur la façon dont les événements de l’année écoulée influeront sur 2019.
En 2018, plusieurs événements importants ont modifié les risques pays à l’échelle mondiale. Naturellement, cette évolution a aussi joué sur l’évaluation des risques pays effectuée par les Services économiques d’EDC. Notre Analyse trimestrielle des risques pays porte sur une centaine de pays. Chacun de ces pays se voit attribuer une note mesurant six types de risques ayant une incidence sur l’activité commerciale. L’année 2018 a été différente : les marchés développés ont gagné en dynamisme alors que les marchés émergents ont ralenti la cadence. Un peu partout sur la planète, des vents contraires de nature politique ont engendré des turbulences imprévues. Le raffermissement de l’économie américaine, la hausse des taux d’intérêt réorientant les flux financiers et la polarisation grandissante sur la scène politique ont constitué les principaux thèmes de 2018. D’ailleurs, nous continuerons d’en observer les effets pendant les 12 prochains mois.
Pour ce qui est des changements à la notation des risques, contrairement à 2017, où le tableau était équilibré, l’année 2018 a été le théâtre de révisions à la baisse. En effet, malgré une économie mondiale en essor, les notations des risques pays d’EDC ont été – dans plus de 60 % des cas – abaissées plutôt que relevées, et ces révisions à la baisse sont presque toutes survenues sur les marchés émergents. Analysons plus en détail ces mouvements et tentons de dégager certaines grandes tendances qu’il nous faudra surveiller en 2019.
Commençons par les Amériques. Même si on note une certaine amélioration de la trajectoire de l’économie régionale par rapport à l’an dernier, la majorité des 21 modifications aux notations ont rendu compte de révisions à la baisse : soit trois visant la probabilité de défaut souverain, trois ciblant le risque d’expropriation et d’ingérence de l’État, et deux touchant le risque de violence politique. Qu’est-ce qui a entraîné ces changements? Pour bon nombre d’entre eux, ce sont les répercussions plus profondes de plusieurs années de faible activité économique, de la contraction de l’investissement international et de l’incapacité à diversifier l’économie – surtout pour des pays des Antilles. Le maintien de piètres conditions socioéconomiques et un regain des allégations de corruption ont fait chuter notre notation des risques d’expropriation, d’ingérence de l’État et de violence politique. Au Venezuela, la dégradation du contexte intérieur a fait éclater une crise migratoire. Dans la région, les pays accueillant les millions de migrants et leur venant en aide ont été financièrement éprouvés alors même qu’ils tentent de faire preuve d’austérité sur le plan budgétaire. À l’instar du Brésil, le Guatemala est à son tour touché par des scandales de corruption. La tenue d’enquêtes visant des acteurs politiques de premier plan à l’ensemble de la région accentue les risques politiques. Désormais, les pays devant composer avec une activité économique modeste et des coûts plus élevés pour accéder à des capitaux ressentiront les effets de ces risques sur leurs finances, et cela sera d’autant plus vrai dans un contexte où l’établissement des politiques est compliqué par une sphère politique de plus en plus divisée dans plusieurs pays, dont le Brésil et le Mexique.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Europe émergente est gagnée par un vent d’optimisme économique. Pour cette région, on observe davantage d'améliorations que de dégradations de notations. Plusieurs pays européens continuent de récolter les fruits de la croissance dans la zone euro. Résultat : les notations pour la Pologne, le Portugal, la Slovénie et l’Ouzbékistan sont à la hausse. De même, le redressement économique a permis d’améliorer des paramètres extérieurs clés, ce qui a du coup réduit les risques de non-transfert et de non-convertibilité en Albanie, au Monténégro et en Ouzbékistan, entre autres. La vague populiste, à l’origine du vote du Brexit ainsi que du sentiment antieuropéen et antimondialisation, viendra assombrir les perspectives en 2019. Ces points de vue joueront sans doute un rôle pendant les élections de mai au Parlement européen. La Turquie a traversé l’une des crises monétaires les plus soudaines depuis la grande récession – les premières dépréciations notables touchant un marché émergent –, ce qui a entraîné deux révisions à la baisse pour ce pays (visant le risque de probabilité de défaut souverain de même que les risques de non-transfert et de non-convertibilité). Malgré une amélioration de la conjoncture, des marchés émergents continueront d’être mis à l’épreuve, surtout ceux qui sont tributaires des capitaux étrangers. Sur le plan économique, les marchés devraient rester optimistes, mais il ne faudrait pas sous-estimer les effets de l’aggravation des risques politiques sur cette région.
Au Moyen-Orient et en Afrique, les bouleversements économiques et politiques ont continué d’abaisser la notation des risques pays, d’où les 28 révisions à la baisse. Fait à noter, la région a essuyé sept diminutions de notations du risque commercial, cinq touchant la probabilité de défaut souverain et six portant sur les risques d’expropriation et d’ingérence de l’État. La persistance des tensions politiques et interrégionales, l’insécurité grandissante et la faiblesse relative des cours des matières premières ont alimenté les risques de détérioration en 2018. Bahreïn et l’Iran souffrent toujours de cours pétroliers en berne; quant à l’Éthiopie, sa dépendance envers la filière agricole a porté son financement extérieur à des niveaux élevés et accentué le risque de défaut souverain. Dans cette région comme dans les Amériques, la diminution de la notation du risque de violence politique témoigne de la persistance de vulnérabilités socioéconomiques auxquelles il a été difficile de remédier lors de scrutins marqués par la violence. De plus en plus de gouvernements prennent bonne note du mécontentement de l’électorat, notamment en Afrique du Sud et en Guinée. Dans ses Perspectives économiques mondiales, EDC table sur des cours pétroliers s'établissant en moyenne autour de 63 dollars le baril en 2019, soit nettement inférieurs aux sommets atteints lors du boom des produits de base. Que faudra-t-il surveiller cette année dans cette région du monde? Chose certaine, il ne faudra pas perdre de vue l’incidence du cours modéré des matières premières, l’augmentation du coût des capitaux sur les finances publiques et les risques liés à la soutenabilité de la dette.
Mettons maintenant le cap sur l’Asie. Après l’Europe, cette région a accueilli le plus d’améliorations de notations – dix en tout –, mais elle a dans le même temps subi huit dégradations. En Indonésie et en Malaisie, la probabilité de défaut souverain s’est accentuée en raison d’un assombrissement des perspectives liées aux risques. En effet, dans ces deux pays, cette évolution était en partie attribuable à une forte dette extérieure, avec en toile de fond des hausses de taux d’intérêt. Fait digne de mention, la Malaisie a opéré une transition politique qui a mis au jour la présence de dettes frauduleuses non déclarées. Cela dit, le tableau des risques de non-transfert et de non-convertibilité s’est embelli dans une bonne partie de la région, à quelques exceptions notables près. Au Pakistan, les pénuries de liquidités ont forcé le pays à solliciter un soutien financier auprès de proches alliés. Au Myanmar, on note une recrudescence des risques de violence politique puisque les tensions intérieures ont donné lieu à des actes de violence, notamment à l’encontre de la minorité rohingya. Dans l’ensemble, la robuste croissance économique régionale, particulièrement en Inde, améliorera la conjoncture économique. Cependant, les divers gouvernements de la région devront composer avec un resserrement du crédit, et pourraient ressentir les contrecoups des tensions commerciales mondiales.
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Conclusion?
Même si 2018 a été différente, de grands thèmes se sont imposés pendant l’année. Ainsi, comme en 2017, le manque de vigueur des cours des produits de base et les bouleversements politiques ont fait partie du paysage en 2018. Les marchés émergents ont subi la plupart des dégradations de notations, ce qui dans certains cas a révélé la fragilité fondamentale de leur situation financière. Les marchés développés n’ont pas été épargnés, car ils ont été de plus en plus nombreux à être confrontés au mécontentement envers la classe politique et au populisme. Que nous réserve 2019? Les marchés émergents feront les frais de la réduction des flux financiers et d’investissements tandis que les marchés développés poursuivront sur leur lancée. Les risques politiques auront un effet déterminant sur la stabilité des risques pays cette année. Il faudra donc suivre de près l’évolution de forces dynamiques comme le populisme et le protectionnisme. Certains pays résisteront mieux que d’autres aux tensions, et il y a fort à parier que ce seront les pays plus stables sur le plan politique.