Zéro. Voilà le nombre total de kilomètres que j’ai parcourus en avion depuis la mi-mars. C’est là un choc énorme puisque j’ai l’habitude de sillonner le pays plusieurs fois pendant l’année, en plus de faire quelques voyages à l’étranger. Malgré tout, je participe à autant d’événements que possible. Toutefois, pandémie oblige, ils se tiennent à ce moment-ci de façon virtuelle. Lors de ces événements, les entreprises canadiennes nous ont expliqué sans détour l'ampleur des chocs qui les ont secoués. En réponse, Exportation et développement Canada (EDC) a cette année accéléré son programme pancanadien de table ronde pour les hauts dirigeants; nous avons donc beaucoup appris sur les grandes préoccupations de nos principaux clients. Que nous disent-ils au juste?

Sans surprise, nos réflexions et analyses sur la façon dont l'économie surmontera les turbulences causées par la pandémie est ce qui intéresse le plus nos clients. Ils se préoccupent tout particulièrement des conséquences de la deuxième vague, et si on doit s'attendre à une nouvelle chute de l'activité. Selon notre scénario de référence, la croissance se ralentira au quatrième trimestre. Toutefois, compte tenu de l'intensification récente des mesures de confinement en Europe pour contrer la deuxième vague, nous prévoyons une légère contraction en fin d'année.

Le message que nous leur livrons est le suivant : nous sommes tous à la merci de cette pandémie. D'ailleurs, les données liées à la COVID-19 nous donnent de précieuses indications sur la trajectoire des indicateurs économiques avancés. Pour le moment, la progression de l’activité dépend du nombre de cas de personnes infectées. Autrement dit, il est impératif de suivre de près les données relatives à la pandémie et de les utiliser pour établir votre indicateur COVID personnalisé pour des pays ciblés.

La deuxième préoccupation souvent citée a également trait à la pandémie. Beaucoup de chefs d'entreprises font mention des difficultés posées par les restrictions touchant les déplacements transfrontaliers. De fait, ces restrictions continuent de limiter l'offre d'activités destinées à la communauté des affaires et la participation à ces activités. Il s'agit notamment de l'installation de machinerie, de la mise à niveau de logiciels, de la prestation d'un soutien technique, de l'organisation et de la gestion de fusions, de l'établissement d'accords commerciaux ou simplement de la gestion des activités d'installations se trouvant à l'étranger. Pour les chefs d'entreprise, il est essentiel que des personnes possédant ce genre d'expertise puissent être présentes  sur place. 

Sur ce front, les problèmes sont multiples. Dans plusieurs cas, il s'agit des restrictions sur les mouvements imposées par un pays donné. Dans les pays ayant développé des protocoles de « services essentiels » pour créer des exceptions, la décision revient à chaque individu ayant l'expertise recherchée. À vrai dire, bon nombre de ces spécialistes ne sont pas prêts à s'exposer au risque de monter dans un avion, de se rendre dans un autre pays ayant mis en place des protocoles de pandémie différents et de multiples exigences en matière de quarantaine.  Voilà une entreprise qui leur semble tout simplement trop risquée et incommode.

Plusieurs des autres thèmes soulevés ont un lien plus ou moins direct avec la COVID. On le sait, la pandémie a fait chuter les cours de l'énergie. Cette situation a causé beaucoup d'inquiétude d'un bout à l'autre du pays, notamment au sujet de l'avenir du secteur pétrogazier traditionnel au lendemain de la pandémie.

Le quatrième thème le plus souvent évoqué, en lien avec nos prévisions sectorielles, est la prise de conscience que la pandémie a des effets très différents selon les secteurs. J'ai d'ailleurs présenté nos prévisions en forme de « K » en fonction des secteurs :  certains seront dynamisés; d'autres très éprouvés; et ceux se trouvant entre ces deux extrêmes ressentiront des conséquences à divers degrés.

Les prévisions du risque de change sont également au nombre des préoccupations. Enfin, beaucoup se demandent pourquoi les mouvements et la volatilité n'ont pas été plus marqués. Cela nous a étonnés aussi, mais on peut l'expliquer. Un facteur a eu pour effet de supprimer le mouvement bilatéral des devises : l'augmentation très importante et quasi universelle de la dette publique. C'est là un facteur clé pour établir le risque de change, et à ce moment-ci il est plutôt généralisé.  Aujourd'hui, les devises semblent pour ainsi dire figées, et cette tendance devrait persister.

D'autres sujets sont jugés préoccupants, comme les différends commerciaux avec la Chine et les prévisions pour le secteur de la construction aux États-Unis et au Canada. Fait digne de  mention, on nous a souvent demandé de nous exprimer sur les taux intérêt et l'inflation dans le contexte d'une politique monétaire extraordinaire – que beaucoup jugent accommodante (on fait « marcher la planche à billets »). D'autres enjeux commerciaux entre les États-Unis et le Canada sont aussi souvent cités, mais ils ne figurent pas au rang de grandes préoccupations des participants. Je dois cependant vous avouer que lors de la séance de questions post-présentation, cet enjeu a généré d'intenses discussions.

Plusieurs autres sujets de discussion ont été abordés, et nous serions heureux de vous en faire part. Ils sont particulièrement utiles puisque ces observations faites au beau milieu de la crise nous aident à formuler des solutions et nous rappellent que nous  ne sommes pas seuls; chaque secteur est impacté d'une façon ou d'une autre. En partageant nos diverses perspectives et en nous serrant les coudes, nous pourrons plus rapidement et facilement sortir de cette crise.

Conclusion?

Ce n’est sans doute pas demain que nous pourrons de nouveau prendre l’avion et interagir avec des clients ou des partenaires d’affaires. Malgré tout, nous avons tout à gagner à parler de nos difficultés et à développer des solutions. Il est primordial de poursuivre ces échanges et de veiller à ce qu’elles mènent à des actions concrètes jusqu’à la fin de cette crise.