L’expression « en effervescence » a été absente du vocabulaire des économistes au cours de la dernière année. Dans ce contexte d’activité contrariée, nous avons aussi mis de côté les indicateurs avancés habituels pour nous concentrer presque entièrement sur les chiffres de la pandémie. Sur ce front, récemment, le tableau s’améliore : en moyenne, le nombre de cas de nouvelles infections est en diminution et, si la tendance se maintient, les indicateurs avancés éprouvés reprendraient du service. Et l’un d’eux ne passerait pas inaperçu : le marché américain du logement. Voilà qui est révélateur puisque cet indicateur n’est pas très actif depuis 2008. Que se passe-t-il au juste?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, mettons le tout en contexte. Lors des premières années du nouveau millénaire, une poignée de secteurs étaient plus dynamiques que le marché américain du logement. La demande profitait alors de conditions de crédit très accommodantes, ce qui a d’ailleurs contribué à la formation pendant plusieurs années d’une super bulle immobilière partout au pays. La glissade de 2008 a fait chuter les mises en chantier de 75 %, une situation traumatisante tant pour les constructeurs que les acheteurs. La débâcle a duré deux ans et demi et, par la suite, la remontée a seulement été partielle jusqu’au début de la crise de la COVID-19. En clair, le secteur n’a pas atteint les niveaux considérés comme répondant aux besoins démographiques fondamentaux de l’économie. Ce fut le cas jusqu’à la veille de la pandémie en décembre 2019 et en janvier 2020.

Après ce piètre bilan, on aurait imaginé que l’avènement d’une pandémie était le pire scénario possible pour le secteur du logement. Après tout, le repli net et soudain de l’activité économique mondiale était une raison suffisante pour renoncer à faire des achats importants. L’incertitude engendrée par des crises comme la pandémie nous conduit d’ordinaire à nous focaliser sur le moment présent. Les achats majeurs et à long terme ne sont alors plus jugés prioritaires, du moins jusqu’à ce que la conjoncture s’améliore.  

Eh bien, détrompez-vous. Contre toute attente, le marché américain du logement a le vent dans les voiles. En décembre, le nombre de mises en chantier a bondi à 1,7 million d’unités, un sommet depuis décembre 2006. Ce bon chiffre dépasse largement les besoins démographiques annuels de base de 1,4 million d’unités de l’économie; et le marché américain peut accueillir ce genre de surplus pendant un bon moment compte tenu du déficit chronique de construction depuis la fin de la crise financière mondiale. 

Ce regain est-il viable? Pour le moment, il semble que oui. Si on se fie aux demandes permis de construire, cette impulsion devrait se maintenir, à tout le moins à court terme. Cette progression contraste avec le plongeon causé par la pandémie et s’inscrit dans la solide tendance observée avant la pandémie. Fait à noter, ce secteur a terminé la dernière année à des niveaux n’ayant pas été vus depuis 2007. De plus, cette poussée est alimentée presque exclusivement par les habitations unifamiliales. La hausse du côté des habitations à unités multiples prend plus de temps à se concrétiser si bien que la croissance de ce segment est à ce jour plus tempéré. Enfin, les demandes de permis dépassent constamment le nombre de mises en chantier, ce qui est indicatif de tensions latentes sur la demande.

Les ventes de maisons neuves sont aussi robustes : elles ont retrouvé un rythme plus soutenable après l’embellie qui a suivi le premier confinement. Sur le marché immobilier, l’offre mensuelle de maisons est très réduite, ce qui donne à penser que les faibles stocks freinent l’activité d’achat. 

Par chance, les ventes de maisons existantes prennent le relais. En chiffres annualisés, elles ont grimpé à 6,9 millions d’unités en octobre et se maintiennent depuis au-dessus de la barre des 6,7 millions d’unités. Pour retrouver des niveaux de ce genre, il faut remonter au début de 2006.

Le prix médian de vente des maisons existantes rend compte d’une réalité : le marché s’emballe. En glissement annuel, la croissance s’est établie dans les deux chiffres en août, et elle est restée à ce niveau jusqu’à la fin de décembre. Ce mouvement est peut-être annonciateur de l’effervescence qui gagnera le marché des maisons neuves lorsque l’offre sera à nouveau plus abondante.

Le marché du logement reprend enfin de la vigueur. Quelle est la cause de ce regain et pourquoi survient-il maintenant? Les analystes ont du mal à l’expliquer. Les faibles taux d’intérêt en seraient fort probablement à l’origine; toutefois, lors d’épisodes passés marqués par l’incertitude, les faibles taux n’ont pas stimulé l’activité du secteur du logement. Face au regain actuel, on devine l’action d’un moteur fondamental de la demande. À quels facteurs doit-on l’attribuer? Peut-être à des tensions latentes de longue date. Ou encore à une demande sous-jacente supérieure à l’activité pendant plusieurs années en raison du long intervalle nécessaire pour surmonter le choc de 2008. Enfin, autre facteur : le confinement nous a dévoilé les imperfections de nos habitations et nous a incités à rénover notre maison, à en acheter une offrant plus de commodités ou même à faire l’acquisition d’une résidence secondaire nous permettant de nous « évader de notre réalité quotidienne ». Les confinements risquent de miner la cohésion familiale à tel point que les demandes pour les unités d’habitation – et les besoins à cet égard – pourraient augmenter.

Conclusion?

Aux États-Unis, le réveil d’un indicateur avancé clé survient alors que le nombre de cas d’infections à la COVID-19 diminue. Cette nouvelle est d’autant plus encourageante que cet indicateur est endormi depuis plus d’une décennie. Il est trop tôt pour l’affirmer, mais le réveil de ce géant pourrait compter parmi les quelques retombées positives de cette pandémie. Si tel est le cas, il ne fait aucun doute que ce géant portera avec lui de grands pans de l’économie également inactifs depuis un bon moment.