D’habitude, l’expression « bien des choses peuvent changer en un an » verse un peu dans l’exagération. En fait, il faut compter des années, voire des décennies, avant que nous soyons témoins de changements importants. Pourtant, en moins de six mois, notre vie a été transformée. Cette conjoncture nous oblige à réexaminer des enjeux économiques majeurs comme la survie même de l’économie, l’évolution des modes de travail et les relations commerciales internationales.

Cette année, le classement des dix risques mondiaux des Services économiques d’EDC rend compte de cette nouvelle réalité. La plupart des épidémiologistes nous annoncent que de multiples vagues de plus faible intensité sont à venir; pour le moment, ils ignorent la trajectoire exacte de la pandémie et à quel moment un vaccin sera offert à l’ensemble de la population. Ce climat d’incertitude et l’approche empreinte d’hésitation de certains pays face à la pandémie posent des défis de taille pour les exportateurs canadiens. Voilà pourquoi un épisode prolongé de la COVID-19 occupe la première place de notre classement en raison des conséquences de la pandémie sur les populations et les économies, et de sa capacité d’amplifier les autres risques.

En 2019, la probabilité croissante d’une récession mondiale était la principale inquiétude sur le front économique. Maintenant que cette inquiétude est devenue une réalité, un autre risque plane : celui qu’en l’absence d’un rebond rapide de l’économie mondiale nous tombions dans une dépression aux proportions planétaires. Même si ce scénario ne se réalise que partiellement, les perspectives économiques actuelles demeurent décourageantes pour bon nombre d’acteurs.

Les gouvernements aux quatre coins du globe continuent de contracter des emprunts pour financer la hausse des dépenses de santé et renforcer leur économie à court terme, ce qui intensifie le risque d’une montée rapide de la dette souveraine. Des marchés émergents déjà surendettés pourraient donc faire défaut à leurs obligations au titre de service de la dette. De leur côté, les marchés développés ne sont pas à l’abri d’une dégradation de leur cote de solvabilité par les agences de notation. Les entreprises canadiennes traitant avec des gouvernements étrangers devraient être conscientes de la présence de ce risque de non-paiement.

La dette des entités souveraines gonfle depuis des années; c’est aussi le cas de la dette des entreprises. Le risque d’une très nette hausse de la dette des entreprises à l’échelle du globe s’explique par la piètre qualité du crédit pour une bonne partie de cette dette. Ainsi, des sociétés, encouragées par le maintien de faibles taux d’intérêt, voient leur niveau de dette par rapport au produit national brut (PIB) s’envoler à des sommets historiques. Cette situation accroît le risque d’insolvabilité et est particulièrement préoccupante pour la santé du système financier mondial.

La conjoncture aux États-Unis revêt une grande importance pour le Canada. Sans surprise, notre classement actuel témoigne des risques grandissants présents sur ce marché. La prochaine élection présidentielle pose un nouveau risque de paralysie politique aux États-Unis, qui serait caractérisée par une période prolongée d’incertitude politique. Ce contexte laisserait peu de place à la mise en œuvre de réformes importantes. 

À la Maison-Blanche, on est surtout préoccupé par l’élection de novembre, la pandémie, les manifestations populaires et la relance de l’économie. Résultat : la tendance à l’isolationnisme des États-Unis s’accentue.   

En renonçant à exercer leur rôle de leader au sein d’institutions multilatérales internationales – notamment l’Organisation mondiale du commerce et les Nations Unies –, les États-Unis risquent de miner un système reposant sur des règles qui sont garantes de la stabilité économique et politique depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Ce vide géopolitique aggrave le risque d’une rivalité entre les États-Unis et la Chine sur la scène mondiale alors que les deux pays s’affrontent dans divers dossiers, notamment dans la sphère commerciale. Beijing et Washington cherchent d’ailleurs à élargir leur influence et demandent à divers pays de choisir leur camp. 

Les tensions sino-américaines sont surtout visibles dans le domaine du commerce, mais le risque d’un regain du  protectionnisme mondial va au-delà de ce différend bilatéral. Bien que la menace de l’imposition de droits tarifaires demeure une préoccupation des entreprises canadiennes, la crise de la COVID-19 a perturbé les chaînes d’approvisionnement et incité certains pays à protéger leurs secteurs stratégiques et soutenir leurs champions nationaux.

Les troubles politiques d’avant la pandémie alimentent un mouvement général d’agitation sociale. Ces dernières années, le monde est le théâtre de manifestations dénonçant des problématiques régionales comme les inégalités, l’absence de perspectives économiques et la corruption. La crise de la COVID-19, la récession économique qu’elle a provoquée et la progression subséquente du chômage sont autant d’éléments qui ont nourri le mécontentement de la population. Dans une foule de pays, ce contexte pourrait se traduire par plus d’instabilité et de violence. 

Même si le risque d’une guerre entre États persiste dans certains points chauds du monde, comme en mer de Chine méridionale, les Services économiques d’EDC ont remplacé ce risque par celui d’une guerre informatique, et ce, pour une raison bien simple : les États souhaitant perpétrer des attaques le font de plus en plus par la voie du cyberespace. Et ces attaques ne ciblent pas uniquement des réseaux publics vulnérables, mais aussi ceux des entreprises.

Conclusion?

Des risques nouveaux et notables font leur apparition un peu partout sur le globe. Il est capital d’évaluer ceux qui pourraient influer sur les activités de votre entreprise au cours des prochaines années. La crise de la COVID-19 a accentué bon nombre de ces risques, et ceux-ci ne disparaîtront sans doute pas une fois la pandémie maîtrisée. Voilà une raison de plus de se préparer à composer avec cette période d’incertitude et les retombées possibles accompagnant ces risques.