Lorsque la pandémie a frappé aux quatre coins du globe, les travailleurs essentiels en première ligne se sont mobilisés devant cette urgence de santé publique. Les économistes ne comptent pas à proprement parler au nombre des professions « essentielles », car leur travail ne consiste pas à sauver des vies. Il n'en demeure pas moins que leurs services ont été de plus en plus prisés en 2020.
Dans mon propos du 12 novembre, j'ai expliqué de quelle façon Exportation et développement Canada met à profit les nouvelles données de haute fréquence pour perfectionner son outil de suivi de la relance économique canadienne.
Cette semaine, j'aimerais décrire comment nous utilisons les sondages pour obtenir rapidement une vue d’ensemble de l'expérience des entreprises canadiennes sur le terrain.
Secteurs : les gagnants et les perdants en temps de pandémie
Les résultats de notre dernier sondage sur la pandémie, réalisé en octobre auprès des membres du Panel de recherche, continuent de montrer l'ampleur et la gravité des répercussions de la COVID-19 sur les entreprises. Le tableau n’est toutefois pas complètement sombre : on note des signes encourageants d'amélioration ces derniers mois.
Alors que se poursuit la reprise, de moins en moins d'entreprises canadiennes nous disent que la pandémie a des effets négatifs sur leurs ventes ; à l'inverse, elles sont de plus en plus nombreuses à déclarer que celle-ci a des effets positifs. Même si le nombre de « perdants » dépasse encore – et de loin – celui des « gagnants », le ratio est désormais de 3 à 1, plutôt que de 8 à 1 enregistré lors des premiers confinements.
Ce constat vient illustrer la déclaration de bon nombre d'économistes selon laquelle les répercussions économiques de la pandémie sont inégales et se présentent sous la forme d'un K. Par exemple, certains secteurs profitent d'une demande robuste (comme le commerce en ligne, les technologies de pointe, le logement et l'agroalimentaire) tandis que d'autres ont du mal à s'adapter à des changements structurels pénibles et prolongés (les magasins traditionnels, le secteur pétrogazier, la filière aéronautique, la restauration, le divertissement et le tourisme).
Parmi les entreprises éprouvées, la plupart déclarent désormais une chute de 25 % ou moins de leurs ventes au pays et à l'étranger. L'impact reste sévère, mais la situation s'est améliorée par rapport au mois d’avril lorsque le déclin des ventes dépassait les 50 %.
Une pandémie qui s’étire dans le temps
Le prolongement de la pandémie s’accompagne aussi d’une modification des attentes. D'un sondage à l'autre, les entreprises nous disent qu'elles s'attendent à ce que les effets de la pandémie sur les ventes s’étirent dans le temps. En effet, près de 40 % des répondants au sondage estiment que la pandémie perturbera leurs ventes pendant au moins une autre année, soit jusqu'à la fin de 2021.
Les attentes d’un prolongement de la pandémie ont une conséquence notable : les entreprises misent de plus en plus sur la durabilité des ajustements stratégiques requis pour composer avec de nouvelles vagues. Ainsi, dans notre plus récent sondage, pas moins de 21 % (contre 16 % en avril) des répondants affirment avoir pris des mesures d’adaptation pour atténuer les effets de la pandémie; un nombre semblable d’entreprises disent profiter de nouveaux débouchés au pays ou envisager de vendre sur de nouveaux marchés d’exportation – citant les États-Unis, l’Europe et l’Asie comme les principales destinations dans leur ligne de mire.
Des ajustements prenant diverses formes
Vu l'ampleur et le caractère généralisé des chocs causés par la pandémie, la période d'ajustement sera longue et difficile pour certaines entreprises. De fait, les résultats de notre sondage permettent de croire qu’un nombre croissant d'entreprises mettent à pied des travailleurs (39 % de façon temporaire et 32 % de manière permanente). Étant donné la possibilité d'un déclin structurel touchant la demande de travailleurs dans certaines professions, l'augmentation du nombre de chômeurs à long terme est une situation que les économistes suivent de près chaque nouvelle parution de l’enquête sur la population active.
Dans certains cas, les ajustements influents sur les heures de travail et les salaires plutôt que sur les emplois eux-mêmes. Près de la moitié des entreprises (soit 46 %) conservent leurs employés, mais leur offrent un nombre réduit d'heures de travail. Par chance, les arrêts nets de la production ont beaucoup diminué.
Comme de nombreuses personnes peuvent s'acquitter de leurs tâches professionnelles depuis leur domicile, le télétravail a vraiment décollé, tout particulièrement pour les titulaires d'un diplôme universitaire qui passent leurs journées devant un écran d'ordinateur. Près de la moitié des entreprises (47 %) ont maintenant des employés faisant du télétravail, ce qui constitue une hausse marquée par rapport au taux d'avant la pandémie. D'ailleurs, bon nombre de ces télétravailleurs ne prévoient pas effectuer un retour à temps plein au bureau une fois la pandémie terminée.
Les entreprises s'affairent aussi à opérer des ajustements visant leur chaîne d'approvisionnement : 14 % ont changé de fournisseurs sur le marché national, et ce taux est de 11 % pour les marchés étrangers. Ce remodelage des chaînes d'approvisionnement mondial devrait se poursuivre puisque deux fois plus entreprises envisagent d'apporter d'autres changements sur ce front.
À l'ère de la distanciation sociale, les entreprises doivent renforcer leurs capacités de vente en ligne. Ainsi, pas moins de 94% des entreprises peuvent maintenant effectuer leurs ventes en ligne, contre 83 % en avril. De ce nombre, plusieurs (46 %) ont fait de nouveaux investissements pour bonifier leur présence en ligne tandis qu'un petit nombre (10 %) ont dû commencer à bâtir cette capacité à partir de zéro. Dans leur effort pour intensifier leur présence en ligne, les répondants font état de défis à surmonter comme le coût élevé de ce virage, les enjeux liés à la sécurité des données, le choix de la plateforme appropriée et l'offre d'un soutien à la clientèle qui soit efficace.
Principales préoccupations et difficultés des entreprises
À la question de ce qui constitue leur première préoccupation, la diminution de la demande de la part des clients figurait en tête de liste. Pour la plupart des économistes, le manque de tonus de la demande est plus inquiétant que le retour de l'offre. En effet, la réouverture des commerces a permis de stimuler l'offre, ce qui a donné une forte impulsion à la croissance à la fin du premier épisode de confinement. Notre sondage révèle que 58 % des entreprises ont maintenant effectué une réouverture partielle de leur magasin traditionnel et 36 % une réouverture totale. Autrement dit, la plupart des magasins ont repris du service. Pourtant, la question qui se pose désormais est la suivante : les clients seront-ils aussi nombreux qu'avant la pandémie?
Les répondants au sondage citent d'autres défis comme la sécurité des employés, la survie de l'entreprise, la rétention du personnel et la vigueur de la relance dans son ensemble.
Les restrictions liées aux déplacements continuent de poser le plus grand défi pour les entreprises prenant de l'essor à l'international. En raison de la fermeture des frontières et des exigences de quarantaine, il devient difficile d'assurer le déplacement du personnel entre les pays. Parmi les autres préoccupations d'ordre commercial, on compte les problèmes logistiques, les perturbations des activités de la chaîne d'approvisionnement de même que la difficulté à obtenir de l'information fiable sur les marchés.
La bonne nouvelle
Il y a cependant une bonne nouvelle : les besoins de financement se font moins pressants. Ce constat pourrait rendre compte de la « réalité des survivants » (les entreprises n’ayant pas résisté au début de la crise n'ont pas participé à notre sondage). Il reste que bon nombre d'entreprises ont déclaré avoir demandé un soutien, notamment auprès du gouvernement et d'institutions financières, ce qui a sans doute permis à certains secteurs d’améliorer l'état de leurs liquidités. Comme les critères d'admissibilité à des programmes d'aide s'assouplissent au fil du temps, de moins en moins d'entreprises disent devoir surmonter des obstacles pour obtenir le soutien dont elles ont besoin. Ainsi, 57 % des entreprises affirment dans notre dernier sondage (contre 16 % en avril) pouvoir exercer leurs activités pendant au moins six mois avant de devoir demander de nouveaux financements.
Voilà qui résument les principaux constats de notre plus récent sondage sur le thème de la pandémie. Nous vous donnons rendez-vous en décembre pour la prochaine parution de notre rapport sur l’indice de confiance commerciale. Dans cette édition, nous dresserons un portrait actualisé de la perception des exportateurs canadiens à l’égard des perspectives à court terme et ferons le point sur d’autres éléments d’intérêt.
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