Formuler des prévisions, c’est un peu comme observer la Terre à partir de points de vue différents. De l’espace, notre planète semble n’être que courbes parfaites et lignes droites. Cependant, de la terre ferme, le paysage est plus escarpé et inégal, ce qui n’est pas perceptible vu de la stratosphère. En économie, les prévisions à court terme nous donnent une perspective rapprochée qui met en évidence « un parcours plus accidenté » d’une journée à l’autre ou d’une année à l’autre. Les prévisions à long terme, quant à elles, nous donnent une vue aérienne : elles cartographient les éléments sur le terrain, mais précisent la destination. Voici certains des grands enjeux dont devraient tenir compte les prévisions à long terme d’Exportation et développement Canada (EDC) pour le secteur canadien de l’exportation.
1. Un rebond qui va à contre-courant de la tendance à la baisse du PIB du Canada. Nombre d’analystes sont troublés par le ralentissement actuel, amorcé il y a des décennies, et se disent qu’avec le vieillissement de la population la tendance se maintiendra. Les Services économiques d’EDC contestent cette proposition en s’appuyant sur les trois piliers de la croissance à long terme : soit la main-d’œuvre, les capitaux et la productivité. Il n’y aura probablement pas de retour en force de la croissance, mais elle pourra infléchir la tendance des dernières décennies – à condition qu’on donne à la technologie la capacité d’exécuter des tâches que seuls les humains peuvent accomplir. À l’avenir, le facteur humain pourrait donc avoir moins d’influence sur la croissance.
2. Des cycles d’affaires plus longs. Nous croyons que ces cycles font désormais partie de la réalité économique moderne. Grâce à des politiques commerciales plus libérales et aux technologies, l’économie mondiale a accueilli des pays dont la croissance s’accélérera au cours des prochaines années. Ces pays, qui pèsent pour environ 50 % PIB mondial, bonifient la croissance générale et contribuent à allonger les cycles d’affaires. Résultat : nous connaissons des cycles plus longs, des sommets plus élevés, des replis plus marqués, et un épisode prolongé caractérisé par l’activité atone d’avant la reprise. Cette phase – la plus difficile – est à l’origine des turbulences politiques et sociales à l’échelle mondiale.
3. La diversification. En affichant une croissance soutenue et supérieure, les marchés émergents font grimper leur contribution au PIB mondial. Naturellement, des économies – comme le Canada – qui ne souhaitent pas être à la traîne dans l’arène internationale devront diversifier leurs activités commerciales vers des marchés moins traditionnels et moins connus. En effet, à long terme, on s’attend à ce que la croissance soit plus lente sur les marchés traditionnels.
4. La pénurie de main-d’œuvre. Les entreprises, peu importe le secteur ou la région, se plaignent du manque de main-d’œuvre disponible. L’immigration est une piste de solution, mais la concurrence mondiale est vive pour attirer ces travailleurs qualifiés. La mondialisation et les solutions-machines sont essentielles pour assurer la pérennité de la croissance, compte tenu de la situation de la main-d’œuvre. Établir les capacités de création de valeur, plutôt que de création d’emploi, sera de plus en plus la façon de générer des retombées économiques.
5. La montée en puissance du secteur des services. À long terme, le secteur de la production de biens cédera de plus en plus de terrain au secteur des services. Les économies émergentes se joindront au monde développé pour amener ce changement, à mesure qu’augmente leur revenu par habitant. Les services ont longtemps été considérés comme non exportables. Or, la technologie a littéralement fait exploser l’activité du commerce des services. Maintenant, il reste à trouver le moyen de faciliter ces activités commerciales!
6. Les changements climatiques. Les effets plus marqués d’événements météo extrêmes ont porté les changements climatiques au sommet de la liste des grandes préoccupations internationales. L’intensification de la croissance mondiale pose un dilemme : à moins que le niveau d'intensité énergétique diminue suffisamment et fasse plus que compenser pour la croissance, les émissions continueront d’augmenter. Les pressions pour réduire les émissions, et celles exercées sur ceux qui prêtent aux entreprises qui émettent beaucoup d'émissions, s’accentueront au cours de la prochaine décennie. Il deviendra de plus en plus difficile de mobiliser des capitaux dans le secteur traditionnel de l’énergie, et les portefeuilles d’investissement ciblant le secteur énergétique seront soumis à une surveillance accrue. Cette situation sera toutefois une bénédiction pour les innovations et les investissements dans les technologies propres.
D’autres facteurs sont en tête de liste : l’incidence des technologies sur le monde financier et l’efficacité générale des entreprises; et la vague populiste mondiale et ses conséquences. À cela s’ajoutent les développements dans divers secteurs, dont – et ce n’est pas le moindre – celui des tensions sur l’approvisionnement alimentaire mondial. Ces enjeux et d’autres problématiques urgentes deviennent de plus en plus intégrés aux stratégies des entreprises locales. Pour sa part, EDC a lancé son processus d’établissement des prévisions à long terme. Ce processus inspirera notre planification sur 10 ans, mais pas seulement : il aidera aussi les entreprises canadiennes de toutes tailles à cerner les défis et les occasions qui se profilent à l’horizon, et à se doter de plans pour surmonter ces défis et saisir ces occasions.
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Selon l’ICC de la fin de l’année 2019, la confiance commerciale des exportateurs canadiens est tombée à son niveau le plus bas en huit ans.
Conclusion?
Pour réussir, il est primordial que les entreprises restent à l’affût, au quotidien, des développements économiques et politiques. Il est tout aussi essentiel de ne pas perdre de vue la destination. Malgré les risques, il est formidable de découvrir des filons à exploiter.