CAN-ENG conçoit et fabrique des systèmes de fours industriels parmi les plus réputés au monde. Rien à voir avec les chaudières dans votre sous-sol ou votre immeuble de bureaux : on parle ici de systèmes utilisés pour le traitement thermique des métaux. Il n’y a pas d’industrie sans fours industriels et, dans notre domaine, la notion de standardisation relève de la fiction : on joue dans le sur-mesure. Nos solutions novatrices sont utilisées dans d’innombrables sphères : pétrole et gaz naturel, forgeage, assemblage, chemins de fer, aéronautique et automobile, pour n’en nommer que quelques-unes.
Justement, à nos débuts, c’est l’automobile qui tenait la vedette. Fondée en 1964, à peine un an avant la signature du Pacte de l’automobile par le Canada et les États-Unis, l’entreprise a surfé sur la vague qui fera de l’Ontario une plaque tournante mondiale de la production d’automobiles et de pièces. On ne peut fabriquer des voitures sans acier, et la transformation de l’acier requiert un four industriel. C’est simplifié à outrance, mais vous voyez où je veux en venir.
Pionnier de l’exportation
Nos fondateurs n’étaient pas qu’ingénieurs; ils étaient aussi entrepreneurs et pionniers de l’exportation. Ils sont parvenus à se tailler une place de choix sur le marché national tout en ouvrant les portes des marchés mondiaux. Soyons honnêtes : dans notre domaine, on épuise vite les débouchés au Canada. Après à peine un an d’existence ici, nous avons créé SELMEC, filiale en propriété exclusive au Mexique, puis construit le plus grand système de fours du pays pour les nouvelles usines de Volkswagen et de General Motors. Rappelons qu’il y a 55 ans, le contexte commercial au Mexique était à des lieues de ce qu’il est aujourd’hui. À l’époque, il ne suffisait pas d’être visionnaire : il fallait une bonne dose de cran.
Les États-Unis trônaient évidemment au sommet de nos activités : au fil des époques, ils ont souvent compté pour plus de 80 % de notre chiffre d’affaires. Mais nous n’avons jamais considéré ce marché comme étant un « marché d’exportation »; pour nous, ce n’était qu’un prolongement du marché canadien. Toutefois, au début des années 2000, devant notre grande dépendance à l’égard du marché américain, nous avons convenu que nous devions diversifier nos marchés. Nous avons donc sciemment décidé de donner un deuxième souffle à nos activités d’exportation.
Ultimement, cette démarche nous a menés en Russie, en Ukraine, au Mexique, en Corée, aux Pays-Bas, en Pologne et en Allemagne, entre autres pays. Ce succès renforçait sans cesse notre confiance, nous amenant peu après à accepter nos premières commandes en provenance de la Chine et de l’Inde.
L’Inde, ce marché incontournable
Il y a une dizaine d’années, nous avons fait notre première incursion sur le marché indien. Après tout, pourquoi pas? C’est un marché qui se développe rapidement. Les projets d’infrastructures poussent comme des champignons et la classe moyenne augmente constamment. Les occasions d’affaires sont énormes et, à bien des égards, l’Inde constitue le dernier gros marché émergent du monde. Comme le pays aura besoin d’énormément d’acier pour concrétiser sa vision, la demande sur ce marché est pour ainsi dire déjà acquise. Pour les exportateurs que nous sommes, impossible d’ignorer ce marché en plein essor : nous nous sommes lancés tête première et avons commencé à faire des affaires en Inde.
Il nous a fallu près de trois ans pour obtenir une première commande en Inde, qui a pris la forme d’un contrat regroupant CAN-ENG, à la tête du consortium et du volet technologique, et deux entreprises indiennes, qui nous fourniraient la main-d’œuvre et diverses infrastructures. Parce que le contrat était conclu avec une entité publique, nous pensions que les choses iraient plus rondement qu’avec une société privée… mais ça n’a pas été le cas. Notre expérience pourra toutefois vous être utile.
Leçons à retenir sur l’Inde
1. La bureaucratie avec un grand B
Un petit conseil : revoyez à la hausse votre budget pour les imprévus parce que le temps de réalisation du contrat sera exponentiellement plus long que ce qui était prévu au départ. Dans notre cas, notre contrat devait initialement durer 22 mois, mais il en aura fallu 86 pour tout terminer et recevoir le paiement final. D’une part, ç’a été un succès technique : l’équipement fonctionne sans problème depuis son installation il y a plus de trois ans, et le client a même reçu des prix pour sa production et la qualité de sa nouvelle usine. De l’autre, le contrat n’a pas produit les résultats commerciaux escomptés, ne nous laissant au bout du compte qu’une mince marge bénéficiaire.
2. L’importance de bien s’informer sur les partenaires
Puisque notre projet se faisait en consortium, nous avions l’obligation de travailler avec des fournisseurs locaux qui faisaient déjà affaire avec notre acheteur. Nous avons fait un contrôle préalable, certes, mais nous aurions peut-être dû aller plus loin. De fait, à cause de l’inaction des partenaires du consortium, nous avons écopé d’une sévère pénalité de retard. Encore une fois, c’est quelque chose qu’il vaut mieux prévoir dans ses coûts.
3. Les limites du contrat
Nous avions signé un contrat avec une entité gouvernementale. Les dispositions importaient donc peu : l’autre partie était inattaquable. Même lorsque nous faisions tout comme prévu, le client trouvait le moyen de nous imposer de nouvelles échéances et venait changer les règles du jeu, lesquelles étaient à la merci des interminables processus d’approbation des comités. Nous aurions pu contester, mais le système juridique de l’Inde est même un peu plus lent que les processus administratifs. Bref, il y a de bonnes chances que vous ayez besoin d’un coup de pouce.
4. Les agences canadiennes à la rescousse
Comme le paiement final se faisait attendre, nous nous sommes tournés vers le Service des délégués commerciaux (SDC), espérant qu’on pourrait nous aider à faire accélérer les choses pour clore le dossier une fois pour toutes. Croyez-moi : vous feriez bien d’aller voir le SDC dès le début de vos démarches. Vous aurez des réponses incroyablement vite et, dans notre cas, le bureau de Delhi a fait fortement pression en notre nom. Exportation et développement Canada nous a pour sa part bien aidés avec les cautionnements. Il y a donc assurément moyen d’atténuer les risques.
Garder la porte ouverte
Vous pensez qu’après ces mésaventures, nous aurions claqué la porte du marché indien? Pas du tout! Le véritable exportateur, et le véritable entrepreneur en général, va panser ses plaies, reconnaître ses erreurs et voir ce qu’il pourrait faire différemment la prochaine fois. Nous avons un projet similaire avec la même entité dans les cartons pour cette année. Il n’y a pas à dire, si nous nous lançons, nous reverrons complètement notre approche, forts de nos expériences antérieures. Pour réussir sur le marché indien, il faut de la patience, de l’aplomb, une force morale et une persévérance à toute épreuve.
Sans l’exportation, nous n’existerions pas
C’est aussi simple que ça : nous existons parce que nous exportons. Nous ne serions pas en activité ni ne pourrions réussir aussi bien, ce qui porte à réfléchir. Avant de se lancer sur un nouveau marché, il faut le creuser pour tout connaître de la concurrence, puis ajuster son approche de vente et sa proposition de valeur.
Vous voulez vendre en Pologne? Vous devrez servir à votre acheteur potentiel des arguments béton pour le convaincre de s’approvisionner auprès de vous, qui êtes à des milliers de kilomètres de lui. Vous aurez aussi besoin d’une proposition de valeur plus que parfaite; dans notre cas, nous offrions mieux que les entreprises allemandes, italiennes et américaines, nos principaux concurrents.
Parce que nous devons concevoir de la machinerie qui entre dans une boîte – un conteneur maritime –, nous devons nous défaire complètement des standards. Tout compte fait, grâce à l’exportation, notre entreprise a pu progresser, devenir plus agile et diminuer ses coûts. C’est une combinaison gagnante et une proposition attrayante pour n’importe quel acheteur… canadien ou étranger!