Anne… la maison aux pignons verts est l’une des meilleures exportations culturelles du Canada. Plus d’un siècle après sa parution, ce classique de Lucy Maud Montgomery a toujours des retombées économiques considérables pour l’Île-du-Prince-Édouard, où se déroule le conte pour enfants. Il a aussi créé la marque pittoresque de la province – un petit coin de paradis en bordure d’océan peuplé de gens sympathiques –, qui a sans doute contribué à ce que la « marque Canada » fasse bonne impression à l’étranger.
Selon Gail Lord, rien n’empêche de reproduire ce succès culturel ailleurs au pays. L’exportatrice de culture dirige une société internationale d’experts-conseils en ressources culturelles qui est établie à Toronto et qui compte des bureaux à Los Angeles, à New York, à Londres, à Mumbai et à Beijing.
« Plus il y a d’échanges culturels, mieux les gens se comprennent », explique Mme Lord, propriétaire de Lord Cultural Resources. « La culture attire les investissements et les affaires, et c’est un vecteur de compréhension humaine et de tourisme. »
Reproduire le succès de l’Île-du-Prince-Édouard
L’industrie culturelle de chacune des provinces du Canada, de même que celle du pays tout entier, peut aussi connaître un tel succès. Toutes les disciplines artistiques, de la danse aux arts visuels en passant par la musique orchestrale, la littérature et les comédies musicales, peuvent y contribuer à condition de jouir du même traitement promotionnel que la rouquine fictive de l’Île-du-Prince-Édouard. Les exemples de succès ne manquent pas : le Cirque du Soleil, la comédie musicale Come From Away, les vedettes populaires Justin Bieber et Céline Dion, le musée de paléontologie d’Alberta, le Musée canadien pour les droits de la personne et l’Orchestre du Centre national des Arts (CNA), qui revient tout juste d’une tournée européenne bien reçue.
Dans un récent rapport intitulé La diplomatie culturelle à l’avant-scène de la politique étrangère du Canada, le Sénat invite les législateurs à outiller les diplomates et les spécialistes en affaires étrangères du Canada afin qu’ils puissent promouvoir la culture nationale de façon plus proactive.
« La diplomatie culturelle, c’est promouvoir nos produits au moyen de nos artistes, affirme le sénateur Dennis Dawson. Nous avons déjà soutenu le Cirque du Soleil, alors qu’aujourd’hui, c’est lui qui nous soutient. Nos ambassades devraient tirer parti de nos artistes pour promouvoir les produits canadiens. »
Recommandations du rapport
Pour renforcer la diplomatie culturelle, le rapport recommande :
- qu’elle devienne un pilier de la politique étrangère du Canada;
- que le gouvernement élabore une stratégie globale en la matière;
- que le gouvernement fédéral coopère davantage avec les provinces à ce chapitre;
- que les ministères fédéraux et les sociétés d’État concernés définissent des indicateurs de rendement en vue d’évaluer les activités et les réalisations.
« Culturellement parlant, le Canada se démarque », souligne Jayne Watson, chef de la direction de la Fondation du Centre national des Arts. « Diffuser la culture canadienne, c’est une excellente manière de montrer le pays sous un autre angle. »
« La diplomatie culturelle, c’est promouvoir nos produits au moyen de nos artistes. Nous avons déjà soutenu le Cirque du Soleil, alors qu’aujourd’hui, c’est lui qui nous soutient.»
Mme Lord a travaillé dans des musées du monde entier, dont le Louvre Abu Dhabi. Aujourd’hui, elle travaille sur le pavillon du Canada à l’Expo 2020 Dubaï. Le Canada n’a pas participé à l’Expo depuis plusieurs années malgré la réputation légendaire que lui a value son succès à l’Expo 67.
« Les gouvernements précédents étaient d’avis que les expos n’avaient plus d’importance vu l’ascension de la technologie, explique Mme Lord. Au contraire, les Expos font partie d’un nouveau développement de marché, et de nos jours, elles concernent toujours les économies en développement. C’est tout à l’honneur du gouvernement d’avoir choisi de participer à nouveau, et nous débordons de joie d’y travailler. »
À ce sujet, la sénatrice Patricia Bovey souligne que tous les accords commerciaux comprennent des clauses de propriété intellectuelle ayant trait à la culture.
Des artistes qui font tomber les barrières
« L’histoire internationale des 15 ou 20 dernières années regorge de cas où il est impossible aux dirigeants ou aux diplomates de discuter d’enjeux majeurs, fait remarquer Mme Bovey. Ce sont les artistes, et leur travail, qui peuvent faire tomber ces barrières. La chute du mur de Berlin? Des artistes (étaient derrière). Qui a tissé des liens avec la Russie après la Guerre froide? Des troupes de danse et des orchestres. Il faut comprendre à quel point nos artistes et le secteur culturel font partie intégrante de notre système pour comprendre comment ouvrir ces portes. »
Notamment, les interprètes de chant guttural se produisent fréquemment à l’étranger. « Ils prêtent une voix au Canada et aux Canadiens, et ce faisant, ils créent un pont, une synergie, une plateforme pour toutes sortes de choses, de la recherche médicale au commerce international. »
Selon la sénatrice Raynell Andreychuk, la diplomatie culturelle peut contribuer aux intérêts commerciaux et à la prospérité générale du Canada : « Les arts et la culture sont des atouts en matière de politique étrangère. »
Les meilleurs conseils de Mme Lord pour exporter la culture
- Nouer des partenariats dans le monde entier : Nul besoin d’avoir le calibre du Musée royal de l’Ontario pour réussir. Nouer des partenariats stratégiques avec des entreprises et des organisations qui partagent votre vision peut favoriser votre croissance à l’étranger.
- Être prêt à prendre des risques : On ne peut exporter sans prendre de risques, et l’exportation culturelle ne fait pas exception.
- Chercher des commandites dans d’autres secteurs : À court de financement? Allez voir du côté du secteur privé. Par exemple, vos projets culturels pourraient intéresser le grand secteur minier du Canada. La preuve : la récente tournée de l’Orchestre du Centre national des Arts était entièrement financée par le secteur privé.
- Croire en soi-même et en ses produits : La culture canadienne mérite d’être vue de partout dans le monde.