Depuis le début de 2022, la guerre entre la Russie et l’Ukraine tient les marchés des produits agricoles mondiaux dans la tourmente. La militarisation des exportations de pétrole et de gaz naturel de la Russie continue d’aggraver la crise de l’énergie, et pendant ce temps, le marché de l’automobile mondial souffre de la pénurie de semi-conducteurs et du manque de stocks.
Dans ce billet, nous examinerons comment les exportateurs canadiens des secteurs de l’énergie, de l’agroalimentaire et de l’automobile gèrent les risques et les occasions engendrés par ces événements.
Énergie
En 2023, les exportateurs canadiens de pétrole et de gaz naturel verront probablement la demande des États-Unis augmenter en raison de la réduction de la production mexicaine et vénézuélienne. Selon Zhenzhen Ye, analyste des risques à Exportation et développement Canada (EDC), « l’Union européenne cherche une solution de remplacement à l’énergie russe, et le Canada pourrait éventuellement avoir sa carte à jouer auprès de clients européens en quête de combustible fossile et d’énergie propre. À court terme, cependant, nous ne pourrons pas fournir beaucoup d’énergie à l’Europe en raison de notre production limitée et de notre infrastructure d’exportation. »
À plus long terme, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ne prévoit aucune augmentation de la demande pour les combustibles fossiles, qu’importe la situation d’approvisionnement en énergie. Cela poussera les exportateurs canadiens de pétrole à couper les coûts et leurs investisseurs les encouragent déjà à réduire leurs dettes et à améliorer leur bilan. Le secteur doit également réduire ses émissions de carbone de 42 % d’ici 2030, ce qui affectera aussi leur rentabilité.
Toutefois, Mme Ye a de bonnes raisons d’être optimiste. « La crise de l’énergie provoquée par la Russie a accéléré la transition mondiale pour délaisser les combustibles fossiles. Au Canada, elle a motivé les secteurs public et privé à investir dans les technologies propres et le secteur de l’énergie propre. De ce fait, les entreprises canadiennes d’exploitation de sables bitumineux planifient investir 24 milliards de dollars d’ici 2030 dans les technologies de réduction des émissions. »
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Agriculture
Partout au monde, l’augmentation du prix des aliments inquiète et l’attaque de la Russie contre l’Ukraine n’a fait qu’empirer la situation.
« Les deux pays sont d’importants fournisseurs de céréales et d’oléagineux », explique Prince Owusu, économiste principal à EDC. « On s’attend à ce que la production de blé de l’Ukraine en 2022-2023 soit 38 % inférieure à celle de 2021, mais la récolte exceptionnelle du Canada l’année dernière nous aidera à répondre à une partie de la demande. Nous pouvons également fournir des quantités importantes d’avoine, d’orge et d’oléagineux. »
Par contre, la pénurie de main-d’œuvre agricole pose problème au secteur de l’agroalimentaire canadien, malgré les programmes d’aide fédéraux permettant aux agriculteurs d’engager des travailleurs temporaires. À l’international, des barrières non tarifaires comme les normes et les réglementations peuvent représenter des obstacles pour nos exportations agricoles, sans parler des risques liés à l’instabilité grandissante des conditions météorologiques, associée aux changements climatiques.
« Les conditions sont toujours en faveur des exportateurs canadiens de céréales et d’oléagineux, continue M. Owusu. Même si la guerre se termine, l’Ukraine devra encore rebâtir sa capacité de production. En attendant, les exportateurs locaux peuvent compenser. »
Le secteur des nutriments culturaux en est une autre riche source d’occasions. Le Canada est le premier exportateur de potasse, un ingrédient essentiel d’engrais. Le Bélarus et la Russie en étaient de grands producteurs, mais les sanctions qui leur ont été imposées avec la guerre ont nui à leurs ventes mondiales. « Les conditions d’exportations, en conséquence, restent favorables à la potasse canadienne, conclut M. Owusu. Les agriculteurs d’ici et d’ailleurs auront besoin de plus d’engrais l’année prochaine et les mines de potasse canadiennes sont en mesure de répondre à la demande. »
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Automobile
Près de 90 % de nos automobiles exportées vont aux États-Unis. Par conséquent, les occasions d’exportations en 2023 dépendront de l’état de l’économie chez nos voisins du Sud, en plus d’autres facteurs comme la pénurie de semi-conducteurs et la persistance de la pandémie.
Daniel Benatuil, analyste principal des risques pays, apporte toutefois un bémol : « Les consommateurs peuvent difficilement acheter un véhicule en raison du manque d’offre, ce qui a produit une demande comprimée. À moyen terme, lorsque l’offre et la demande reviendront à la normale, nous pouvons nous attendre à voir une reprise du marché automobile. »
Cela dit, un important ralentissement économique pourrait causer une destruction de la demande. Selon M. Benatuil, « même s’il y a une récession, la demande comprimée assurera l’augmentation de la production et de la vente de véhicules. Cela suggère fortement que les occasions d’exportation du secteur sont positives à moyen et à long terme. »
La transition vers les véhicules électriques apporte aussi son lot de promesses. « L’industrie prend les véhicules électriques très au sérieux, puisque c’est dans cette direction que la demande des consommateurs se dirige, affirme M. Benatuil. À court terme, l’augmentation de la production de ces véhicules posera un défi, mais à moyen terme, les occasions seront au rendez-vous. »
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