Pour étendre ses activités au-delà des frontières, il faut parfois plus qu’un prêt substantiel et un bon plan d’exportation. En effet, de plus en plus de moyennes entreprises unissent leurs forces à d’autres sociétés pour étendre leur portée mondiale et accéder à de meilleurs débouchés.
Cette stratégie, qu’on appelle une fusion-acquisition (F-A), consiste à combiner deux entreprises pour n’en former qu’une seule : soit l’une achète l’autre à part entière (acquisition), soit les deux s’unissent pour créer une nouvelle entreprise (fusion).
Mais aucune de ces deux transactions ne mène au succès du jour au lendemain. Au contraire, ce processus comporte plusieurs étapes importantes, dont le contrôle préalable, la négociation des modalités et l’intégration des activités de l’entreprise acquise à celles de l’autre.
« Pour l’entreprise qui cherche à élargir sa part de marché, à diversifier ses produits ou ses services, à accéder à une technologie ou à réaliser des économies d’échelle, une F-A peut représenter une décision stratégique », explique Guillermo Freire, premier vice-président, Marché intermédiaire, Exportation et développement Canada (EDC).
« Bien que parfois complexe et exigeant, ce processus offre tout de même des avantages intéressants aux entreprises qui cherchent à percer de nouveaux marchés et à atteindre leurs objectifs stratégiques », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, dans ce premier de deux blogues, Karen Hennessey, associée du groupe de droit des affaires de Gowling WLG, et Mike Reid, gestionnaire principal de comptes, Financement (Prêts et investissements − Marché intermédiaire) à EDC répondent aux grandes questions touchant les F-A et expliquent ce qu’il faut faire pour que le processus soit couronné de succès.
Les mots fusion et acquisition portent à confusion. Ne s’agit-il pas simplement d’une acquisition?
Karen Hennessey : Dans les faits, la distinction entre une fusion et une acquisition est floue et souvent, on emploie ces deux termes indifféremment pour parler d’une transaction qui donne à une entreprise le contrôle sur une autre.
Une fusion est une transaction légale par laquelle au moins deux entreprises se regroupent pour n’en former qu’une seule. Souvent, ces entreprises créent une nouvelle personne morale qui absorbe l’actif, le passif et les activités des entreprises de départ.
On parle d’acquisition lorsqu’une entreprise achète l’actif ou les actions d’une autre. L’acquéreur prend alors le contrôle de l’actif, du passif et des activités de l’entreprise cible ou, s’il s’agit de la vente d’actions, l’entreprise cible devient une filiale de l’acquéreur.
Mike Reid : Dans le cas d’une acquisition, soit le vendeur quitte l’entreprise au moment de la conclusion de l’entente, soit il reste pendant un certain temps pour faciliter la transition. Dans le cas d’une fusion en revanche, il arrive assez souvent que les propriétaires des deux entreprises restent; ils fusionnent leurs activités pour améliorer l’efficience.
Quelle est la différence entre l’acquisition des actions et l’acquisition des actifs?
Karen Hennessey : Lorsqu’on parle de F-A, il y a essentiellement deux façons de structurer la vente de l’entreprise : l’acquisition des actions et l’acquisition des actifs.
Dans le cas de l’acquisition des actions, l’acquéreur achète les actions de l’entreprise cible directement des actionnaires. Il devient alors le nouveau propriétaire de l’entreprise cible et de l’ensemble de son actif et de son passif, ce qui veut dire que c’est à lui que reviennent tous les risques et les profits associés aux activités de l’entreprise existante.
Dans le cas de l’acquisition des actifs, l’acquéreur achète des actifs précis de l’entreprise cible et non l’entreprise au complet. Il choisit les actifs qu’il souhaite acquérir et en négocie le prix. L’acquéreur n’a donc pas à assumer le passif à moins que ce passif ne soit spécifiquement transféré dans le cadre de la transaction.
Mike Reid : Quand on parle d’acquisition des actions, l’acquéreur peut acheter jusqu’à 100 % des actions émises ou en circulation. L’acquisition des actions est habituellement plus avantageuse pour le vendeur, car ce dernier transfère en réalité l’ensemble de l’actif et du passif à l’acquéreur, ce qui signifie que c’est ce dernier qui assume la plus grande part du risque. Dans le cas de l’acquisition des actifs en revanche, l’acquéreur n’achète que l’actif de l’entreprise et, de ce fait, il est protégé contre toute dette imprévue.
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Qui mène l’acquisition – l’acquéreur ou le vendeur – et selon les lois de quel territoire?
Karen Hennessey : L’acquéreur et le vendeur ont tous les deux un rôle important à jouer lors d’une acquisition puisque les deux parties doivent s’entendre. Habituellement, l’acquéreur rédige le contrat préliminaire, qui prévoit les modalités de la proposition d’acquisition. Le vendeur examine ce contrat, négocie et peut revoir certaines clauses pour défendre ses intérêts.
Pour ce qui est de savoir quelles lois doivent s’appliquer, il faut que les deux parties prennent en compte un certain nombre de facteurs, comme l’endroit où réside chacune des deux parties, l’endroit où se situe l’entreprise cible ainsi que les exigences légales et réglementaires des territoires concernés. Pour simplifier les choses et limiter les risques de différends juridiques, les parties s’entendent habituellement pour dire que ce sont les lois du territoire où se trouve l’entreprise cible qui s’appliquent, et que ce sont les tribunaux de ce territoire qui ont compétence.
Est-il plus facile de n’acquérir que la propriété intellectuelle (PI) d’une entreprise internationale que d’acquérir toute l’entreprise?
Karen Hennessey : Il est peut-être plus facile et moins onéreux de n’acquérir que la PI puisqu’il y a moins d’actifs à transférer et moins d’obstacles juridiques et réglementaires à surmonter. Mais si la PI est liée à des employés en particulier ou à des processus essentiels au succès de l’entreprise, il peut devenir compliqué de séparer la PI du reste de l’entreprise.
Il peut aussi s’avérer ardu d’établir la valeur de la PI, sans compter que des exigences juridiques et réglementaires peuvent complexifier le processus de transfert. La facilité ou la complexité de l’acquisition de la PI plutôt que l’acquisition de toute l’entreprise dépend du contexte de la transaction, notamment la nature de la PI, sa valeur pour l’entreprise, de même que les exigences juridiques et réglementaires liées au transfert de la PI.
Mike Reid : Si la PI représente le bien le plus précieux de l’entreprise, la vente englobera toute l’entreprise. Je n’ai jamais entendu parler d’un propriétaire prêt à vendre sa PI sans vendre toute son entreprise.
Quand on pense aux coûts, aux connaissances et au temps, vaut-il mieux acquérir une entreprise existante ou en démarrer une nouvelle?
Karen Hennessey : Tout dépend de votre stratégie, de vos buts et de vos objectifs :
- Cherchez-vous à vous diversifier, c’est-à-dire à vous tailler une place dans des marchés à forte croissance ou à offrir des produits ayant un potentiel de croissance élevé? Si oui, il pourrait valoir la peine d’ouvrir un nouveau bureau ou une succursale dans le marché cible.
- Cherchez-vous à acquérir les capacités qui vous permettront de vous adapter à l’évolution de l’environnement – technologie, réglementations ou même changements politiques – plus rapidement que si vous les développiez vous-même? Si oui, il est probable que la croissance interne représente un défi et qu’une acquisition soit une meilleure solution.
- Avez-vous l’intention de dégager des synergies organisationnelles à la suite de l’acquisition? Si oui, celle-ci est une solution sensée parce qu’elle vous permettra d’améliorer votre efficacité opérationnelle grâce à des économies d’échelle ou de gamme rendues possibles par l’acquisition d’un client, d’un fournisseur ou d’un concurrent, ou encore d’améliorer vos compétences techniques ou en innovation.
- Votre marché cible est-il hautement concurrentiel ou déjà saturé? Si tel est le cas, il pourrait être difficile de créer de toutes pièces une nouvelle entreprise. Si au contraire le potentiel de croissance est élevé, l’acquisition d’une entreprise existante pourrait représenter une solution plus attrayante.
- Enfin, évaluez vos ressources, y compris votre temps, vos fonds et vos connaissances. À long terme, la création d’une entreprise à partir de zéro nécessite plus de temps et d’argent, car il faut mettre au point un nouveau produit, embaucher du personnel spécialisé et bâtir sa clientèle. En revanche, l’acquisition d’une entreprise exige peut-être moins de temps, mais les dépenses initiales sont plus importantes (notamment le prix d’achat). Dans un cas comme dans l’autre, vous aurez besoin de bonnes connaissances sur le plan financier et de la gestion pour bien administrer votre entreprise et assurer sa croissance.
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Est-ce une bonne idée pour une entreprise en démarrage d’acquérir une entreprise pour ainsi éviter les défis liés à la croissance interne?
Karen Hennessy : Pour une jeune pousse, l’acquisition d’une entreprise existante peut représenter certains avantages. En effet, elle aura accès à une clientèle établie, à un modèle d’affaires éprouvé, à une précieuse propriété intellectuelle et à du personnel expérimenté. Mais il y a aussi des désavantages : le coût d’acquisition, les difficultés liées à l’intégration des deux entreprises, la perte de contrôle, et les risques associés à l’acquisition d’une entreprise existante, comme le passif latent ou une technologie dépassée. Il importe de bien évaluer le pour et le contre et de mener un contrôle préalable rigoureux avant de prendre sa décision.
Quelles sont les trois principales raisons de l’échec d’une F-A?
Karen Hennessey : Parfois complexes et risquées, les fusions et acquisitions peuvent échouer pour bien des raisons :
- Problèmes liés à l’intégration des cultures : il arrive que les deux entreprises n’aient pas la même culture organisationnelle ni les mêmes valeurs. Ces divergences peuvent mener à la rupture des communications, au manque de motivation et à la perte d’employés clés. Avant de s’embarquer dans une F-A, il importe de se demander si les deux cultures sont compatibles et de mettre en place des stratégies pour composer avec ces différences.
- Surévaluation de l’entreprise : cette situation peut créer des attentes irréalistes et l’impossibilité d’atteindre les objectifs souhaités. Un prix d’acquisition trop élevé peut entraîner un manque de synergie et empêcher de réaliser les économies ou la croissance des recettes escomptées. Il faut donc mener un contrôle préalable rigoureux pour bien comprendre le potentiel de l’entreprise cible sur le plan financier et sur le marché.
- Mauvaises planification et exécution de l’intégration : la réussite d’une F-A dépend de l’intégration des deux entreprises une fois l’entente conclue. Une mauvaise planification ou une intégration boiteuse peut entraîner des problèmes d’ordre opérationnel, la perte de clients et le manque de motivation des employés. Il faut donc préparer un plan d’intégration détaillé avant la conclusion de l’entente et mettre sur pied une équipe dont le mandat sera de veiller à la bonne marche du processus d’intégration.
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