Faire des affaires à l’échelle internationale est de plus en plus hasardeux pour les entreprises canadiennes.
Les difficultés auxquelles elles font face, en particulier dans les domaines des risques politiques, cybernétiques, financiers et liés à la chaîne d’approvisionnement, sans oublier les risques pays, ne cessent d’augmenter depuis quelques années et semblent avoir atteint de nouveaux sommets en 2018.
Selon le plus récent rapport sur les risques mondiaux du cabinet d’experts-conseils BDO Canada, les barrières commerciales, les changements technologiques, les allégeances politiques et les préoccupations environnementales ont créé un climat sans précédent pour la gestion des risques.
« La rapidité du changement, stimulée par les variations de la demande et l’évolution de l’environnement, a surpris plusieurs chefs d’entreprise et mis en péril leurs activités », peut-on lire dans le rapport pour 2018, qui a compilé les réponses de plus de 500 cadres supérieurs du monde entier. « Comme l’ont démontré nos portraits des risques mondiaux des trois dernières années, la concurrence et un environnement commercial de plus en plus impitoyable ont mené à une réduction des marges selon les modèles d’affaires actuels, et ce, à tel point qu’un ajustement s’imposait. »
Les pratiques d’affaires traditionnelles tendent maintenant à adopter une approche novatrice à l’égard de la gestion des risques.
« Cette pression croissante s’accompagne d’une transformation du contexte commercial; les marques de longue date reposant sur des infrastructures physiques cèdent de plus en plus le pas à de nouveaux acteurs qui font preuve d’une plus grande souplesse tant sur le plan physique que commercial », précise le rapport.
Parmi les principaux changements depuis le rapport de l’an dernier figurent la chaîne d’approvisionnement et les risques en matière d’environnement. Le retrait imminent du Royaume-Uni de l’Union européenne, la renégociation de l’ALENA et l’ajout de nouveaux tarifs douaniers par les États-Unis suscitent de nouvelles tensions et de l’incertitude dans les chaînes d’approvisionnement. Il en va de même pour les répercussions des catastrophes climatiques.
Le portrait des risques mondiaux est également exacerbé par la rapidité des changements technologiques et le passage à un monde branché sur la technologie, y compris l’Internet des objets (IdO).
« L’enquête introduit cette année la mesure dans laquelle le changement technologique crée des risques stratégiques pour les entreprises », déclare David Prime, associé national des services-conseils en gestion de risques chez BDO. « Bien des secteurs commencent à prendre conscience du changement opéré. Ils comprennent qu’ils doivent en mesurer les répercussions futures sur leurs activités, car les changements technologiques engendrent des risques stratégiques pour toutes les entreprises. »
Par exemple, les chaînes d’approvisionnement sont plus intégrées et plus connectées sur le plan technologique, ce qui multiplie les possibilités de faiblesses persistantes et de cyberattaques susceptibles d’entraîner des conséquences importantes.
Selon une enquête réalisée en 2018 auprès d’environ 500 fabricants canadiens, le risque croissant de cyberattaques visant des cibles industrielles est source de préoccupations moyennes pour la plupart des cadres (45 %). Moins de la moitié d’entre eux sont très bien préparés pour diverses attaques, 25 % ne sont pas préparés pour des attaques externes ciblées, et seulement 21 % sont préparés pour des atteintes par l’entremise d’un fournisseur tiers.
Alors que l’ère numérique révolutionne les chaînes de fabrication et d’approvisionnement, il est impératif d’atténuer ces risques.
« Dès que vous installez des équipements numériques, vous devez protéger votre entreprise », déclare Sunil Chand, directeur de la cybersécurité, Grant Thornton LLP. « L’utilisation de l’industrie 4.0 ou de tout réseau pour automatiser la production offre aux fabricants d’énormes possibilités. Toutefois, il faut comprendre que la technologie n’est pas infaillible. Dans ce cas, l’entreprise pourrait donner l’occasion à des concurrents ou à des logiciels malveillants d’endommager ses systèmes. Les coûts seraient astronomiques si cela touchait la production. »
Depuis la fin de la grande récession en 2009, le secteur des services stimule l’économie canadienne. Effectivement, il emploie quatre Canadiens sur cinq, et 60 % des exportations canadiennes qui ont connu la croissance la plus rapide au cours des douze dernières années étaient en fait des services.
L’exportation de services peut s’avérer plus difficile et hasardeuse que celle de produits en raison de leur nature intangible, alors que les produits physiques peuvent être touchés, testés et comparés.
Encore une fois, la réussite à l’échelle internationale repose sur la compréhension des risques mondiaux.
« Qu’il s’agisse des barrières commerciales ou des écarts dans les niveaux d’emploi, je pense que beaucoup de PME canadiennes peuvent trouver intimidant d’essayer de comprendre la situation dans différents marchés », déclare Brandon Bignell, gestionnaire principal des risques chez BDO. « C’est un vaste monde dont elles pourraient avoir peur. Le fait qu’il y ait un risque ne signifie pas qu’il ne faut pas le prendre. Il faut simplement comprendre les risques encourus. »
Les entreprises novatrices sont mieux équipées pour gérer les risques, selon le rapport BDO.
« Les entreprises qui font preuve d’agilité sont généralement celles qui sont capables de s’attaquer aux risques découlant de l’environnement plus vaste. Elles ne craignent pas ce que leurs rivaux peuvent faire et se concentrent sur la dynamique hors de la portée de leurs concurrents, mais qui demeure essentiel à leur pérennité », énonce le rapport.
Selon un livre numérique d’EDC, l’innovation peut prendre de nombreuses formes. Toutefois, l’économie concurrentielle d’aujourd’hui exige que les entreprises favorisent la satisfaction des besoins de leurs clients.
« Le prix est un facteur important pour les consommateurs. Mais les entreprises canadiennes ne peuvent pas être concurrentielles dans l’économie mondiale uniquement sur le plan des prix, car les clients sont plus exigeants que jamais et, par conséquent, la concurrence est féroce », affirme le livre électronique sur l’innovation.
En fait, d’après les études de marché d’EDC, 59 % des exportateurs canadiens déclarent que l’avantage financier constitue le principal défi sur les marchés mondiaux. C’est pourquoi la différenciation des produits, la personnalisation de masse et l’inclusion de services à valeur ajoutée — le tout dans le but de combler les besoins de votre client — sont essentielles à la réussite.
Cela concorde avec la solution d’atténuation des risques de BDO.
« L’avenir appartient aux entreprises qui reconnaissent le pouvoir qu’ont acquis les clients dans un marché qui est mondial, transparent et sans intermédiaire », affirme le rapport sur les risques mondiaux. « Mis en contexte, les résultats sont éloquents : les entreprises hautement performantes cherchent à cerner les facteurs du milieu qui auront des répercussions sur leurs activités et les adaptations nécessaires pour gérer ces facteurs. Elles se trouvent alors plus attentives à leurs clients et en meilleure position pour devenir le fournisseur prisé de ces derniers, surpassant leurs concurrents. »
Judi Smith, représentante pour le développement des affaires chez AON, estime que de nos jours, le risque joue un rôle plus important et mène à bien des égards.
« Les parties prenantes doivent protéger leurs actifs personnels ainsi que le bilan de leur entreprise », explique-t-elle. « Pensez à l’atténuation des risques comme à un exercice d’incendie, lorsque vous vous exercez à entrer et à sortir d’un immeuble. C’est ce que les entreprises doivent faire systématiquement : mettre à l’essai leurs systèmes, puis s’assurer qu’elles ont posé les bonnes questions et fait preuve de diligence raisonnable. »
La tolérance au risque et les enjeux clés de chaque entreprise sont différents, mais toutes les entreprises doivent inclure la gestion des risques dans leurs pratiques quotidiennes. Ce processus consiste à anticiper les imprévus dans la mesure du possible et à se montrer proactif plutôt que réactionnaire.
« Des examens internes aux vérifications des fournisseurs externes, vous devez être au courant des divers risques que vous prenez, car chaque action peut donner lieu à une réaction », ajoute Mme Smith. « Les systèmes internes servent à protéger vos actifs et votre propriété intellectuelle, et s’étendent à vos employés et à la communauté dans son ensemble. »
De vos pratiques d’embauche à votre planification de la relève, vous devez prévoir les freins et contrepoids de votre processus. Les meilleures pratiques doivent être la norme.
Qu’il s’agisse d’entretenir vos véhicules, votre équipement et votre machinerie ou de protéger votre recette de sauce secrète, les bonnes procédures donnent le ton et établissent une culture qui prévaudra de haut en bas, ajoute Mme Smith.
Même si une entreprise ne peut pas prédire l’avenir, il peut être utile de s’inspirer des expériences passées pour élaborer un programme de gestion des risques qui l’aidera à éviter les risques inutiles et à assurer sa réussite future.
« Chaque entreprise comporte des risques, dont certains sont impossibles à éviter. Le fait d’être conscient du risque et de le gérer correctement vous permettra d’exploiter votre entreprise de façon plus rentable », déclare Mme Smith. « Nous vivons à l’ère de la mondialisation, ce qui signifie que nous ne sommes pas conscients de tous les risques auxquels nous serons confrontés d’un point de vue géopolitique. Il est toutefois impératif de tenir une conversation sur les risques et les mesures que vous pouvez prendre afin de les atténuer ou de les réduire au mieux de votre habileté. »