Après avoir bravé les turbulences engendrées par les distorsions postpandémiques – et les mesures prises pour les corriger –, l’économie mondiale poursuit sa descente en douceur et sans trop de difficultés vers la normalisation. La vitesse est réduite, les volets d’aile activés et le train d’atterrissage est sur le point d’être déployé. Voilà autant d’indices que les dernières étapes de l’approche finale sont en cours.

Dans l’édition de l’automne de notre publication Perspectives économiques mondiales, nous prévoyons que l’économie mondiale progressera à la cadence de 3,2 % cette année, contre 3,1 % dans notre édition du printemps. Pour 2025, les Services économiques d’EDC tablent sur un essor soutenu de 3,3 %, alors qu’il était de 3,5 % dans nos dernières prévisions.

Les perspectives du Canada suivent une trajectoire semblable à celle de l'économie mondiale, mais à une altitude légèrement moins élevée. D'après nous, la croissance de l'économie mondiale se fixera à tout juste 1,1 % cette année, puis connaîtra un léger frémissement en 2025, à 1,6 %. Toutefois, cet élan sera freiné par le fort endettement des consommateurs ainsi que par un marché de l'emploi qui faiblit et peine à suivre le rythme des nouveaux entrants sur le marché. Ce contexte a fait grimper le chômage de 1,5 point de pourcentage depuis la mi-2022 pour le porter à 6,6  %, soit son niveau le plus élevé depuis mai 2017 (en faisant abstraction des années de la pandémie). Par ailleurs, les ménages canadiens continuent d’être en mode épargne – leurs économies frôlant les 500 milliards de dollars – et ne semblent pas vouloir bientôt puiser dans ce pactole pour consommer davantage.

Le marché de l’emploi affaibli et le relâchement des tensions sur les prix ont donné à la Banque du Canada le feu vert pour rajuster ses taux avant le reste de la flotte, ce qu’elle a fait en juin dernier en amorçant son cycle de réduction des taux. Comme l’inflation a reculé à 2 % en août, et qu'elle devrait se maintenir en moyenne à 2,2 % en 2025, nous nous attendons à ce que la banque centrale maintienne son vol d'approche et exécute son atterrissage au taux neutre de 2,75 % d’ici la fin de l'an prochain. La Réserve fédérale américaine ayant effectué ses propres rajustements de taux, le huard s’échangerait en moyenne face au billet vert à 73 cents en 2024, puis à 74 cents en 2025.


En première moitié d’année, l’économie américaine a semblé atteindre sa vitesse de croisière sans se laisser perturber par les turbulences secouant les autres économies de la planète. La création d’emploi a maintenu son altitude alors que la consommation avait le vent dans les voiles et l’inflation se dirigeait avec assurance vers la cible.

Cependant, au troisième trimestre, des signes de ralentissement sont apparus, car les effets des taux d’intérêt plus élevés ont commencé à gagner l’économie réelle. Ce faisant, la croissance de l’emploi et du salaire réel a marqué le pas. Malgré cette nouvelle donne, les entreprises hésitent à se départir de travailleurs en raison des difficultés à recruter dans l’ère postpandémie. Dans ce contexte, l’ascension de l’économie s’annonce plus lente.

Pour ce qui est de l’économie américaine, nous escomptons une croissance de 2,5 % en 2024, qui glissera cependant à 1,8 % l’an prochain. Le résultat du scrutin de l’élection présidentielle de novembre pourrait nous amener à revoir nos prévisions pour 2025 alors que l’incidence de tout changement des politiques devient plus manifeste. Le reflux très attendu de l’inflation a incité la Fed de se joindre à la formation des pays ayant réorienté leur politique monétaire, dans le sillage des autres grandes banques centrales en septembre, en procédant à une réduction substantielle de 50 points de base. Selon nous, la banque centrale continuera de faire montre de prudence à l’égard de l’assouplissement de sa politique et atteindra un taux neutre se situant dans la fourchette de 2,5 à 2,75 % d’ici la fin de 2026.

Quant à la zone euro, elle devrait inscrire une croissance économique modérée à la faveur d’une expansion de 0,8 % en 2024 et de 1,4 % en 2025. En Allemagne, l’atonie de la confiance du côté des consommateurs est aggravée par la morosité des perspectives commerciales. La détente économique en Chine se répercutera sur le secteur des exportations allemandes – véritable moteur de l’activité – au moment où le pays doit composer avec des importations bon marché et de constantes préoccupations liées à la sécurité énergétique, qui font vaciller l’investissement des entreprises.

La fragmentation dans la sphère politique et les contraintes budgétaires à l’échelle européenne viendront paralyser l’action des gouvernements et empêcher toute avancée décisive sur le front des finances publiques. L’augmentation du revenu des ménages, le marché de l’emploi serré – situation attribuable à un bassin moins abondant de personnes en âge de travailler – et le sursaut de la demande mondiale donneront une impulsion à l’activité durant la seconde moitié de l’horizon prévisionnel.

Nos perspectives pour le Mexique se sont assombries depuis notre dernière édition. Sur ce marché, la croissance décrochera pour s’établir à tout juste 1 % en 2024, mais elle orchestra une modeste remontée à 1,4 % en 2025. La situation du marché de l’emploi s’est détériorée plus que prévu. Parallèlement, les dépenses publiques – engagées à l’approche de l’élection de juin dernier – devraient se heurter à des vents contraires sur le plan budgétaire. Les manœuvres en matière de politiques du nouveau gouvernement de Claudia Sheinbaum, en particulier la réforme proposée du système judiciaire, ont été mal accueillies par les investisseurs et alimentent la volatilité sur les marchés des capitaux, ce qui a fait dérailler l’investissement privé.

Malgré les récentes mesures de relance, la Chine se voit accoler des perspectives qui plombent l’économie mondiale. Là-bas, l’horizon économique est voilé par une consommation timide, une problématique tenace de surcapacité dans le secteur immobilier et la menace imminente d’un épisode de déflation. Compte tenu de ce tableau, nous prévoyons un essor de l’économie chinoise de 4,8 % en 2024, qui sera ramené à 4,5 %, en 2025.

Le tassement de la demande en Chine – où les consommateurs s’affairent à éponger leurs dettes – a incité les autorités du pays à se tourner davantage vers les secteurs de la fabrication et des exportations. Or, cette stratégie a exacerbé les tensions commerciales avec les économies occidentales et donné lieu à la mise en place de diverses mesures de représailles et de restrictions commerciales, qui auront des effets défavorables sur la Chine, mais aussi, à terme, sur la dynamique commerciale mondiale.

Les perspectives plutôt modestes de l’économie mondiale pour 2024 infléchiront à la baisse la tenue des cours des produits de base en raison d’une demande qui se contracte et d’une offre trop abondante. La décélération de l’activité en Chine de même que l’offre provenant des pays n’étant pas membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) continueront de limiter l’ascension des cours de l’or noir. Au vu de cette conjoncture, nous prévoyons que le cours du West Texas Intermediate se fixera en moyenne à un peu moins de 78 dollars américains le baril en 2024, puis glissera pour avoisiner les 71 dollars américains le baril en 2025.

Les cours aurifères continuent de défier cette tendance, leur bonne tenue étant favorisée par les réductions de taux d’intérêt et les turbulences persistantes dans l’arène géopolitique. Nous tablons donc sur des cours moyens de l’or se situant en 2024 et 2025, respectivement, à 2 352 et 2 408 dollars américains l’once troy.

Conclusion?

L’économie mondiale semble se stabiliser et être en bonne voie de maintenir une approche de descente plutôt stable. Les grandes économies du globe ont su éviter l’écrasement redouté par plusieurs, mais la prochaine étape du parcours ne sera pas sans risques. L’issue de l’élection américaine de novembre aura de profondes répercussions profondes alors que nous sommes dans l’attente d’une plus grande clarté concernant les politiques adoptées par d’autres gouvernements nouvellement élus.

L'instabilité géopolitique continuera de perturber les marchés des matières premières et les chaînes d’approvisionnement. Des tensions accrues pourraient jouer encore plus sur la perception des acteurs mondiaux à l’égard du risque, accroître les tensions financières et causer un effritement de la confiance, autant de facteurs pouvant affaiblir la demande mondiale. Compte tenu du chemin parcouru, seule une poignée d’analystes avait imaginé la conjoncture que nous connaissons. Il reste à espérer que l’on réussira l’atterrissage en douceur tant souhaité.

Nous tenons à remercier chaleureusement Ross Prusakowski, directeur des Services économiques d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

N’oubliez pas que votre avis est très important pour les Services économiques d’EDC. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca, et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future.