Les dirigeants de l’Union européenne (UE) se sont récemment entendus pour mettre en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (ou MACF), le premier du genre au monde. Cette politique climatique, destinée à soutenir les efforts de décarbonation à l’échelle du globe, fera émerger de nouveaux risques, mais aussi de nouvelles occasions pour les exportateurs canadiens souhaitant faire affaire sur le marché européen.

En quoi consiste le MACF? Eh bien, c’est un instrument qui permet de frapper de droits d’importation certains produits afin de tenir compte des émissions carbone qu’ils ont générées. Le MACF complète et améliore le processus de tarification du carbone déjà en place sur le marché intérieur en soumettant les produits importés dans l’UE à une tarification du carbone équivalente à celle appliquée aux industriels européens fabriquant les mêmes produits. Par ce mécanisme, l’UE veut récompenser la décarbonation – c’est-à-dire l’utilisation de technologies sobres en carbone – et prévenir le contournement de la réglementation, notamment en délocalisant la production dans des pays où la législation est moins stricte.

La déclaration, la première étape de mise en œuvre de la politique, entrera en vigueur le 1er octobre 2023. À compter de cette date, les importateurs du territoire douanier de l’UE seront tenus de déclarer les émissions carbone issues des procédés de fabrication de certains produits importés comme l’acier, le fer, le béton, les engrais, l’aluminium, l’hydrogène et l’électricité. D’autres produits pourraient s’ajouter plus tard à cette liste.

L'étape de la déclaration se poursuivra jusqu’en 2025 et servira à donner au mécanisme sa forme définitive. En parallèle, l’UE prévoit instaurer un processus d’accréditation à l’intention des vérificateurs du contenu des déclarations carbone; l’UE envisage aussi d’officialiser les processus de calcul, de vérification et de tarification établis dans le cadre de la politique. Jusqu’ici, nous savons peu de choses des exigences de vérification, si ce n’est l’intention de l’UE de faire valider par un vérificateur accrédité toutes les émissions déclarées et consignées dans un rapport. Lorsque le mécanisme sera complètement implanté, en 2026, il deviendra obligatoire de se plier aux exigences de vérification.

Toujours en 2026, dans le cadre du mécanisme, l’UE appliquera progressivement des droits aux importations désignées qui seront ciblées par la nouvelle tarification. Les importateurs devront acheter des certificats MACF à un prix équivalant à la valeur totale des émissions intrinsèques des produits importés. Le prix de ces certificats sera déterminé en fonction du prix carbone payé par les entreprises européennes fabriquant ces mêmes produits. Si le produit importé est déjà soumis à une tarification du carbone dans son pays d’origine, ces coûts seront déduits des droits imposés par l’UE.

 

Cette politique diminuera l’avantage concurrentiel des exportations provenant de pays qui sont dépourvus de système de tarification du carbone et qui investissent moins pour abaisser leurs émissions carbone. À l’inverse, les exportateurs de pays imposant une tarification carbone élevée ou déployant des efforts pour atténuer leurs émissions auront tout à gagner à exporter vers l’UE où les acteurs seront sur un pied d’égalité. Cette nouvelle donne pourrait considérablement modifier les échanges commerciaux vers la région.

La politique du MACF viendra rebattre les cartes en ce qui concerne les avantages pour les exportateurs. De plus, elle s’accompagnera de nouveaux défis et de nouveaux coûts liés aux exigences de déclaration et de vérification. Les producteurs à faible intensité carbone devront effectuer le suivi et la vérification de leurs émissions pour faire reconnaître leurs procédés de production plus écologiques. Ces exigences additionnelles risquent d'être fastidieuses et coûteuses pour les producteurs de plus petite taille.

Quelles seront les répercussions du MACF sur les exportateurs canadiens? Grâce à son système relativement sophistiqué de tarification du carbone, le Canada profitera de réductions substantielles des droits d’importation appliqués par l’UE. Par ailleurs, plusieurs des principaux concurrents du Canada sur le marché européen (la Russie, la Chine et les États-Unis, par exemple) ne disposent pas d’un tel système et devront acquitter des droits supplémentaires aux termes de la nouvelle politique climatique.

Au Canada, le réseau de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables offre de nombreuses possibilités d’intensifier la décarbonation des procédés de production. Voilà qui pourrait aider les exportateurs canadiens à bénéficier d’un avantage concurrentiel encore plus grand. Dans l’ensemble, la mise en place de politique de l’UE ouvre de vastes débouchés pour les exportateurs canadiens actifs dans des industries névralgiques, à condition qu’ils y soient préparés. Fort heureusement, il n’est pas trop tard pour s’atteler à cette tâche.

Dans le contexte de l’application du MACF, les exportateurs canadiens seront exposés à des risques majeurs, notamment :

  • les nouveaux coûts à assumer pour se conformer à la politique;
  • le temps investi pour évaluer les occasions à l’échelle organisationnelle;
  • les investissements requis pour étoffer leurs capacités et répondre à de nouvelles demandes.

Pour faire face à ces risques, les entreprises canadiennes se doteront des ressources nécessaires pour déclarer leurs émissions carbone et, dans le même temps, chercheront sans doute à accroître leurs capacités de production. Malgré ces efforts, nos entreprises pourraient continuer d’avoir du mal à tisser des liens avec les importateurs de l’UE, qui devront réévaluer leurs fournisseurs à la lumière du nouveau mécanisme.

Conclusion?

Une fois en place, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE aura deux effets manifestes : il viendra accroître l’incertitude et multiplier les difficultés pour les fournisseurs à l’échelle mondiale. Toutefois, les exportateurs canadiens sont dans une position unique qui leur permet de tirer de ce changement. À moins de trois ans de l’entrée en vigueur de la nouvelle tarification, ils doivent impérativement planifier et prendre des mesures pour renforcer leurs capacités afin d’être en mesure de répondre aux demandes en constante évolution du marché européen. 

Si vous souhaitez en apprendre davantage sur le MACF, nous vous invitons à parcourir notre rapport en vous rendant sur EDC.ca.

Nous tenons à remercier chaleureusement William Thomas, chercheur adjoint au Service de recherche et d’analyse d’EDC, pour sa contribution à la présente édition. 

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