Les tsunamis sont des phénomènes prévisibles. Lorsque des séismes sous-marins se produisent, des modèles perfectionnés nous permettent de prédire la formation des vagues en résultant avant qu’elles ne frappent le continent – et par le fait même d’alerter les habitants des régions côtières. Même le monde animal semble doté de ce genre de systèmes d’alerte. Malgré tout, la survenance de ces événements et leurs répercussions causent toujours la surprise. Cette situation offre une analogie presque parfaite avec la vague de croissance engendrée par le nouveau plan de relance américain. Compte tenu de la faible croissance qui perdure depuis dix ans et des dommages économiques de la pandémie, les appels à se préparer à surfer sur une vague imminente de la croissance semblent presque risibles. Est-ce une plaisanterie? Cette vague sera-t-elle vraiment si imposante?
Avant toute chose, parlons du plan de relance américain. Il est massif, cela ne fait aucun doute. Ce plan, qui prévoit l’injection de 1 900 milliards de dollars américains dans l’économie en l’espace de quelques trimestres, se compare à tous les grands plans déployés par le passé à l’échelle du monde. Fait à noter, une tranche de 750 milliards de dollars américains du plan sera injectée ce trimestre et ciblera pour l’essentiel les consommateurs américains. La portée radicale de ce plan est illustrée par les révisions à la hausse effectuées du jour au lendemain aux prévisions de cette année pour l’économie américaine; il y a quelques semaines seulement, la Réserve fédérale a bonifié de plus de deux points de pourcentage ses perspectives de décembre après l’adoption officielle du plan. Voilà un rajustement ponctuel majeur à ce moment-ci de l’année.
La politique Acheter américain prônée par le président des États-Unis Joe Biden en a persuadé plusieurs que les retombées du plan se limiteront à l’économie américaine. Ce ne sera pas le cas. Les dispositions du plan s’appliquent aux marchés publics du gouvernement américain. De plus, les consommateurs auront le choix de dépenser les sommes reçues comme bon leur semble. Selon des analystes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le plan rehaussera de 1 % les résultats commerciaux du Canada. D’autres nations de l’OCDE en bénéficieront aussi, mais pas autant que nous. Puisque cette impulsion s’ajoutera au dynamisme déjà robuste d’une année de reprise, il faudra se préparer à cette vague déferlante.
Des signes avant-coureurs nous donnent-ils une idée de la taille de cette vague? Oui, ils nous renseignent sur son ampleur et la façon dont elle se manifestera. Les données de mars sur le revenu des particuliers ont été publiées aux États-Unis la semaine dernière, et les nouvelles sont bonnes : des plans de relance ont été mis en place par le passé, mais le bond enregistré en mars est le plus impressionnant à ce jour. De fait, le revenu des particuliers a grimpé de 4,2 milliards de dollars pendant le mois, surtout à la faveur d’une injection de 4 milliards de dollars dans d’autres transferts. Autrement dit, cette phase du plan de relance a permis une augmentation représentant plus du double de celle de septembre dernier. À tous les points de vue, c’est là une hausse notable.
« Rien de plus? Pas exactement. Quand on retranche ce nombre du montant total promis au deuxième trimestre, il reste encore au moins deux mois d’augmentation très marquée du revenu personnel. En comparaison, le chiffre de mars ressemble à un acompte sur ce qui est à venir. »
À ce stade-ci, les soubresauts de l’économie et les différents plans de relance font d’ordinaire s’envoler l’épargne. Pas cette fois : le taux d’épargne, qui ces derniers mois s’est maintenu à environ le double du niveau habituel, a encore une fois doublé pour se fixer à 27,6 %, soit en deçà du pic de 33,7 % atteint en mars 2020. Il semblerait que cette fois-ci les consommateurs dépensent plus – c’est une nouvelle positive pour l’économie, qui pourrait cependant tester les limites de la capacité de production de l’économie mondiale.
Ainsi donc, des signaux nous informent de la croissance à venir; s’agira-t-il d’une embellie de courte durée? Pas du tout. Le programme de relance actuel se poursuivra pendant une année entière après la première injection massive de fonds publics. Il est même question d'instaurer un programme de suivi d’une valeur de 2 000 à 3 000 milliards de dollars américains, la part du lion étant alloué aux infrastructures sous diverses formes. Au départ, on croyait que cette partie du plan de relance serait attaquée lors du processus législatif, mais il semble obtenir du soutien; s’il aboutit, il donnera un solide coup de pouce à l’économie dans un contexte sous tension. En pareil cas, la croissance supplémentaire ainsi générée se propagera aussi en 2022 : les entreprises devront alors être prêtes à saisir la balle au bond et à profiter le plus possible de cette vague de la croissance.
Comment les États-Unis paieront-ils tout cela? C’est là une excellente question. Des plans sont sur la table pour financer les mesures de relance visant les infrastructures. Pour l’heure, le coût du plan de relance et le déficit qu’il génère seront incorporés à la dette générale; d’ailleurs, les chiffres sur ce front semblent de plus en plus incommodes. Soit dit en passant, la communauté d’affaires me pose souvent des questions sur la manière dont cette problématique sera abordée après la pandémie. Cette réflexion est remise à plus tard, la priorité du jour étant la croissance. Si nous faisons bien les choses, nous pourrions insuffler assez de croissance pour atténuer sensiblement cette problématique.
Conclusion?
Gérer l’élan solide de la croissance et en tirer parti semblent au nombre des tâches actuelles. Il est difficile de s’imaginer qu’un tsunami de croissance se profile à l’horizon. Les entreprises qui seront prêtes à surfer sur cette imposante vague pourraient vivre des moments qu’elles n’oublieront pas de sitôt!