La clé, dit-on, c’est de voir les choses en perspective. Alors, les cycles économiques du passé peuvent-ils nous renseigner sur la trajectoire future de l’économie mondiale et les stratégies que doivent adopter les exportateurs?
C’est connu : les cycles économiques font partie des fluctuations habituelles observées dans toutes les économies au fil du temps. Avec l’expansion de l’activité débute un cycle vertueux : la hausse des intrants entraîne une augmentation de l’emploi, du revenu et des ventes. À leur tour, ces éléments bonifient la production, l’emploi, le revenu et la consommation. Cette situation idéale génère une croissance économique continue, tant et aussi longtemps que l’expansion se maintient d’elle-même.
Quand ce n’est plus le cas, un cercle vicieux s’installe : il fait chuter les intrants, l’emploi, le revenu et les ventes. Par la suite, la production décline, et ce déclin s’étend rapidement à divers secteurs et gagne, souvent, d’autres régions du monde.
Plusieurs facteurs sont à l’origine du recul de l’activité, notamment le choix de politiques inefficaces. Avant la grande récession, un crédit abondant et une surveillance réglementaire déficiente ont provoqué un emballement excessif autour d’un certain nombre de types d’actif. La récession du début des années 1990 est attribuable à la combinaison d’un choc pétrolier, de la dette accumulée dans les années 1980 et d’un pessimisme grandissant du côté des consommateurs. Des facteurs extérieurs ou des événements qualifiés de « cygnes noirs » peuvent expliquer les épisodes de contraction. La pandémie de COVID-19 et la grippe espagnole de 1918 – qui ont eu de graves conséquences sur l’économie – en sont de parfaits exemples.
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Les éléments pouvant déclencher un repli sont multiples. Ils évoluent, tout comme la durée et l’intensité des replis. En analysant les données, on constate que les cycles économiques aux États-Unis et au Canada tendent à s’allonger au fil du temps. Par exemple, au Canada, ces 50 dernières années, les cycles économiques ont une durée moyenne de 11 ans, contre moins de cinq ans pendant le demi-siècle précédent. Aux États-Unis, ces cycles durent en moyenne huit ans, contre à peine cinq ans pendant le demi-siècle précédent.
Par ailleurs, la durée moyenne d’une récession a diminué. Durant les intervalles 1930 à 1999 et 2000 à 2020, elle est passée en moyenne de 13 mois à neuf mois aux États-Unis, et de 16 mois à six mois au Canada. La récession de 2020 a été encore courte : elle a duré trois mois au Canada et deux mois aux États-Unis grâce à la réponse vigoureuse et coordonnée des autorités financières et monétaires.
Depuis 50 ans, les États-Unis ont traversé sept récessions : cinq d’entre elles ont aussi frappé le Canada, ce qui a permis un niveau élevé de coordination des cycles économiques de nos deux pays.
Les États-Unis et le Canada venaient de terminer l’un des plus longs cycles économiques des 40 dernières années quand la pandémie de COVID a mis fin à plus de dix ans d’expansion. Au moment où les économies se remettaient de la pandémie, un autre cycle s’est amorcé : il a propulsé l’activité dans nos deux pays bien au-dessus du seuil d’avant la crise sanitaire. Toutefois, on note désormais la présence de risques accrus qui menacent la durabilité de l’expansion actuelle.
La conjoncture n’est pas idéale. La congestion des chaînes d’approvisionnement limite l’offre de biens. À cela s’ajoute l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui perturbe le transport de matières premières essentielles. L’inflation ainsi générée a plombé le pouvoir d’achat des consommateurs et leur capacité à dépenser. En réponse, les banques centrales ont resserré leur politique monétaire. Pour ne rien arranger, l’activité qui ralentit en Chine, le tassement de la demande et l’érosion de la confiance – alors que les autorités prennent des mesures énergiques – risquent de faire replonger nos économies dans la récession.
Conclusion?
Il est tentant de mettre de côté ses projets quand les indicateurs signalent un danger imminent sur le marché, comme c’est aujourd’hui le cas. Pourtant, les tendances récentes nous montrent que le cycle des replis économiques est de plus en plus court, grâce aux réponses rapides et coordonnées des gouvernements.
Bien qu’une détente de l’activité semble inévitable – et même nécessaire pour refroidir une économie en surchauffe –, les décideurs sont prêts à gérer les impacts de ce ralentissement, ce qui devrait rassurer les entreprises et les inciter à ne pas renoncer à leurs plans à long terme. Les entreprises ayant la capacité de négocier les difficultés du parcours seront en tête quand les turbulences se dissiperont. Voilà pourquoi il est primordial de se doter de plans dans un horizon à long terme, tout en atténuant les fluctuations immédiates.
Tous nos remerciements à Prince Owusu, économiste principal au Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.
Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer (Economics@edc.ca) et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.