2022 devait être différente, marquée par le retour à un optimisme prudent. On s’attendait à une économie mondiale résolument sur le chemin de la reprise et, d’une manière générale, à une stabilisation des risques. Malgré ces attentes, le premier trimestre a été dominé par le conflit en Ukraine, dont les effets sont ressentis partout.
Le risque pays est souvent associé aux marchés émergents, qui affichent d’ordinaire un bilan moins positif pour ce qui est de la gouvernance des institutions, de la prévisibilité des politiques et de la situation financière. Pourtant, cette fois, c’est l’Europe qui est la plus directement touchée par le conflit en Ukraine.
Dans son rapport d’avril, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour la zone euro une croissance de moins de 3 % cette année et près de 2 % pour l’an prochain : c’est là une révision importante par rapport aux perspectives de janvier. Le conflit entre maintenant dans son troisième mois, sans résolution en vue. Il affecte la croissance, mais aussi l’inflation, les taux de change et le paiement des intérêts par les gouvernements – autant d’éléments pris en compte par la notation à court terme des Services économiques d’EDC. Établir des perspectives devient plus compliqué en raison de l’augmentation des taux d’intérêt – qui fait grimper le coût des emprunts – et de la conjoncture en Chine, ce pays étant aux prises avec l’incidence économique des confinements liés à la COVID-19.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une anomalie : ces dernières décennies, les conflits entre États sont nettement à la baisse. En fait, la plupart des conflits opposent des groupes au sein d’un même pays. Les notations des Services économiques d’EDC englobent aussi le risque de violence politique, qui mesure dans un pays donné la probabilité d’un incident de violence politique, dans un horizon de cinq ans, ayant le potentiel de fortement perturber l’environnement commercial.
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Le conflit en Ukraine a accentué le risque de violence politique pour la Russie, le Bélarus et l’Ukraine, et amplifié le risque pour les États voisins en Europe orientale comme la Pologne, les pays baltes et les pays à proximité de la mer Noire. Selon notre scénario de référence, le conflit ne s’étendra pas à d’autres nations, mais la situation restera volatile et incertaine.
Au-delà de la menace extérieure, la méthodologie que nous utilisons pour évaluer la violence politique se base sur d’autres indicateurs internes de nature prospective, tels que le taux de mortalité infantile et les capacités de l’État. À ce chapitre, l’envolée des prix des aliments et des carburants aura sans doute une incidence négative sur ces deux indicateurs.
En mars, l’indice des prix des produits alimentaires des Nations Unies a atteint un sommet record, et il était de 17 % supérieur au niveau atteint au début du Printemps arabe de 2010. Par ailleurs, les cours du pétrole sont de 50 % plus élevés que la moyenne de l’an dernier. La Banque mondiale estime qu’en raison de l’effet combiné de la pandémie et de ce conflit, 75 à 95 millions de personnes de plus vivront dans une extrême pauvreté en 2022 par rapport à ce qui était prévu.
Pour certains marchés émergents encore ébranlés par les effets économiques et financiers de la pandémie, et qui sont aussi des importateurs nets de matières premières, ce choc géopolitique pourrait créer de l’agitation sociale. C’est notamment le cas au Pérou et à Maurice, où la population a manifesté contre la hausse du coût de la vie.
Le contexte extérieur viendra aussi exercer des tensions sur le risque de probabilité de défaut souverain en exacerbant les faiblesses structurelles déjà présentes. Par exemple, au Sri Lanka, le choc lié aux cours mondiaux et une mauvaise gestion de l’économie ont forcé le pays à suspendre les paiements à ses créanciers extérieurs. Plus de la moitié des quelque 200 entités souveraines évaluées par les Services économiques d’EDC se trouvent maintenant dans les catégories des « risques moyens à élevés » ou des « risques élevés », soit une proportion un peu moins grande que les pays considérés par la Banque mondiale comme étant en situation de « grave surendettement ». Du fait de la montée rapide des taux d’intérêt, du mouvement des capitaux vers les États-Unis et du repli prévu de la croissance mondiale, certains marchés émergents sont déjà dans une situation difficile.
Et beaucoup sont confrontés à des défis cycliques et des problèmes structurels. Les ratios de la dette publique dans les économies à revenu intermédiaire sont à des pics inédits, et l’endettement dans les pays les plus pauvres se situe à des niveaux pas vus depuis les années 1990. La dynamique géopolitique pénalise aussi le commerce mondial, dont dépendent les économies les plus pauvres.
Conclusion?
Le conflit en Ukraine a éclaté à la fin de février, mais ce n’est qu’aujourd’hui que nous en observons les premiers effets sur les notations de risques pays. Compte tenu des conséquences macrofinancières et politiques de ce conflit, les diminutions de notations pourraient être plus nombreuses cette année. Pour rester au fait de ces développements, nous vous invitons à consulter l’Analyse trimestrielle des risques pays d’EDC, un outil interactif qui fournit de l’information sur 50 pays aux quatre coins du globe.
Nous tenons à remercier Daniel Benatuil, économiste principal à EDC, pour sa contribution à l’édition de cette semaine. Le Propos fera relâche la semaine prochaine et sera de retour le 26 mai.
Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer (Economics@edc.ca) et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.