Les événements sans précédent sont difficiles à prévoir. Jusqu’à ce qu’ils soient terminés. Si le sujet n’était pas si sérieux, l’attitude des experts aurait, après coup, de quoi faire sourire. C’est un peu comme l’étudiant qui se creuse la tête pour résoudre un problème de math et qui s’aperçoit une fois la solution connue que la réponse sautait aux yeux! Eh bien, c’est un peu ce qui passe en économie ces jours-ci. La confusion règne au sujet de l’orientation de l’économie et les opinions divergent à ce sujet. Afin d’aider à brosser un tableau plus clair, les Services économiques d’EDC ont créé l’Outil de suivi de la relance économique canadienne. En quoi consiste cet outil et comment peut-il nous aider?
Il existe une myriade d'outils de suivi de l'activité économique. Les indicateurs avancés, retardés et concomitants ont fait l'objet d'importantes recherches au fil des ans. Les indicateurs avancés ont sans doute suscité le plus d'intérêt, vu notre curiosité à déterminer ce que nous réserve l'avenir. La pandémie a changé cela. Soyons clairs : autant qu’on puisse en juger, les indicateurs avancés standards fonctionnent toujours bien, mais ils ont été éclipsés.
De fait, un peu partout dans le monde, l’activité économique suit de près la progression de la pandémie, qui se pose alors comme le nouvel indicateur avancé qui est privilégié. La logique est simple : la montée des taux d'infection mine le dynamisme économique à divers degrés, ce qui nécessite la prise de nouvelles mesures de relance. Lorsque les courbes d’infection se stabilisent et diminuent, il y a réouverture de l'économie et retrait des mesures de relance.
Notre nouvel outil intègre donc les plus récentes données sur la COVID-19 pour le Canada. Pour être plus précis, nous utilisons la moyenne mobile générale sur sept jours des nouveaux cas quotidiens déclarés par l’Université John Hopkins en prenant la valeur hebdomadaire comme une part de la valeur maximale de la série, qui a été enregistrée le 22 mai dans le cas du Canada.
Notre Outil de suivi ne se limite pas aux données sur la pandémie, qui tracent un portrait utile, quoique partiel. Pour obtenir un tableau complet, l’Outil fait appel à quatre sous-indices qui couvrent de larges pans de l’économie. Il y a tout d’abord les marchés des capitaux. Les indices boursiers sont des baromètres fiables et connus de l’activité économique à peu près partout; par conséquent, nous avons intégré l’indice composé TSX à notre indicateur. Nous avons aussi ajouté le sous-indice des cours pétroliers du Western Canada Select, ce qui nous aide à suivre l’orientation de cet important secteur au Canada et de l’économie du pays en général. Les deux indicateurs ont une pondération égale et sont exprimés comme l’écart, en pourcentage, par rapport aux valeurs moyennes de janvier 2020.
Le transport et la mobilité représentent aussi des indicateurs essentiels de l’activité économique, sans doute plus encore que par le passé. À ce titre, les indices de Google Mobility donnent une bonne indication de l’activité en temps réel en mesurant les visites effectuées à six lieux d’intérêt; ces données sont exprimées en parts des niveaux observés immédiatement avant la pandémie. Nous utilisons ensuite les quatre ayant la plus forte corrélation avec l’activité économique. À cela, nous ajoutons les déplacements aériens au pays et à l’étranger sur une base hebdomadaire, de même que l’activité de transport en tonnes-milles fret comptabilisée par le Canadian National.
À l’ère de la COVID-19, l’indice psychologique est d’une importance capitale. Voilà pourquoi notre outil tient compte du niveau de confiance des entreprises et des consommateurs. Dans le cas des entreprises, nous nous servons de l’indice des responsables des achats IHS Markit, un indicateur avancé fiable des intentions des acteurs de l’industrie. Pour mesurer la confiance des consommateurs, nous utilisons l’indice Bloomberg Nanos Canadian Confidence Index.
Enfin, nous nous intéressons à l’activité du côté de la dépense et de l’emploi. Ce sous-indice mesure notamment le nombre d’heures travaillées (tel qu’il est indiqué dans l’enquête mensuelle sur la population active réalisée par Statistique Canada); les données relatives aux postes affichés, fournies par Indeed Hiring Lab Canada; et l’information relative aux achats par cartes de crédit transmise par la RBC. Cette dernière information provient de l’Outil de suivi des dépenses de consommation de la RBC. Même si cet outil couvre un sous-ensemble du total des achats (c’est-à-dire qu’il ne prend pas en compte les ventes d’autos et de gros électroménagers), il fournit une information ponctuelle révélatrice de l’ensemble des dépenses de consommation.
Il est temps de mettre fin au suspense. Alors, que nous dit le nouvel Outil de suivi d’EDC? Son message est double : tout d’abord, que l’économie canadienne a atteint son niveau d’activité le plus bas à la fin d’avril, ce que semblent confirmer les données actuelles sur l’emploi et la dépense de consommation; ensuite, que depuis ce creux l’économie ne cesse de remonter la pente. Au plus fort de la crise, l’Indice de la relance économique canadienne avait plongé de 45 %; aujourd’hui, il a regagné plus de la moitié du terrain perdu par rapport aux niveaux d’avant la pandémie pour s’établir à -19 %. Et la tendance est résolument à la hausse. Ce rebond est alimenté par les bons chiffres du côté des marchés des capitaux et de cas de COVID-19, mais ralenti par les indicateurs du transport et de la mobilité.
Conclusion?
L’Outil de suivi de la relance économique canadienne montre que l’économie du Canada prend du mieux et qu’elle a nettement progressé depuis la fin avril. Contrairement à ce que certains affirment, il ne s’agit pas d’une amélioration passagère, mais d’un élan soutenu. Est-ce que cet élan s’essoufflera? Cela dépend en grande partie de la capacité des pays du globe à maîtriser la pandémie. Chose certaine, nous nourrissons tous l'espoir que la deuxième vague d'infections – qui sévit déjà un peu partout sur la planète et tout particulièrement dans certaines régions des États-Unis – soit bientôt contenue, ce qui faciliterait un retour continu à la normalité d'avant la pandémie. Tout autre scénario aurait des conséquences troublantes.