C’est une évidence : le terme « minéraux critiques » est beaucoup utilisé ces jours-ci. Ce qui constitue ce regroupement d’éléments disparates n’est toutefois pas aussi clair. Voilà pourquoi les minéraux critiques désignés comme prioritaires varient considérablement d’un gouvernement à l’autre en fonction des impératifs de sécurité nationale et des intérêts économiques.
Le nombre des minéraux critiques inscrits à la liste des différentes économies du globe varie aussi : 50 aux États-Unis; 31 au Canada; 30 dans l’Union européenne (UE); et 26 en Australie. En réalité, seuls 17 minéraux critiques se retrouvent sur ces quatre listes. Le désaccord au sujet de la taxonomie de ces minéraux accroît la complexité de la chaîne d’approvisionnement. Le Canada, en tant que chef de file mondial dans les secteurs des mines et des technologies propres, a un important rôle à jouer à cet égard.
Dans la plupart des cas, les gisements de minéraux critiques se concentrent dans quelques régions à peine : la part des trois premiers producteurs mondiaux va de 46 % pour le cuivre à 95 % pour le lithium. Une poignée de pays contrôle cette étape vitale de la chaîne d’approvisionnement. Résultat : le risque de perturbation se trouve accentué, en particulier quand il côtoie des lignes de fracture géopolitiques et des profils de risque en matière de droits de la personne. En 2021, la part du Canada à la production mondiale s’élevait à 4,8 % pour le nickel, à 2,8 % pour le cuivre et à tout juste 2,5 % pour le cobalt. Pour les entreprises canadiennes qui dépendent de ces minéraux, il sera primordial de bien comprendre les risques associés au secteur, de même que les pratiques de pointe en gestion des risques liés à la chaîne d’approvisionnement.
Nous avons dit que la production se concentre dans quelques pays; c’est aussi le cas des étapes du traitement et du raffinage des minéraux critiques à l’échelle du globe. À titre d’exemple, la Chine contrôle 35 % des activités de traitement du nickel, 50 % à 70 % des activités de raffinage du lithium et du cobalt, et près de 90 % du raffinage des éléments des terres rares. En clair, le marché chinois fournit plus de 50 % des matières premières qui alimentent la production des énergies solaire et éolienne. La Chine a donc un impact démesuré sur la capacité des marchés mondiaux à réussir leur transition vers un avenir sobre en carbone.
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On s’attend à ce que la transition énergétique soit le principal moteur de la demande en minéraux critiques. Dans quelle mesure? Cela dépendra des technologies dominantes ainsi que de la rapidité et de la cohérence des mesures mises en œuvre pour atteindre les cibles climatiques. Parallèlement, les minéraux utilisés diffèrent selon les technologies. De ce fait, l’augmentation de la demande pour chacun des minéraux variera.
Les véhicules électriques et l'entreposage de batteries, notamment, devraient contribuer à environ la moitié de la croissance de la demande mondiale pour les minéraux critiques au cours des deux prochaines décennies. La Banque mondiale estime que la production de graphite, de lithium et de cobalt devra être multipliée par 450 % d'ici 2050, par rapport aux niveaux de 2018. Par ailleurs, l'expansion nécessaire des réseaux électriques exigera de doubler la production de cuivre.
Vu l’ampleur de la demande attendue, et à la lumière des défis que pose la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement, plusieurs pays ont revu leurs stratégies actuelles afin de garantir leur accès à ces minéraux critiques.
Dans sa législation Inflation Reduction Act, le gouvernement américain s’engage à accroître l’approvisionnement national en minéraux critiques au moyen de diverses mesures incitatives et de divers investissements. Dans sa Defense Production Act, il cherche à augmenter l’investissement dans les mines nouvelles et existantes.
L'UE devrait adopter une nouvelle loi cette année qui lui permettra d’adopter une approche plus ciblée pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement. Pour sa part, l’Australie prévoit actualiser sa stratégie des minéraux critiques en mettant l’accent sur le renforcement de ses capacités de traitement en aval.
L’expertise du Canada dans les secteurs des mines et des technologies propres, conjuguée à l’abondance des ressources minérales au pays, offre des débouchés uniques dans cette sphère d’activité. Dans la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques publiée en décembre 2022, le gouvernement énonce son intention d’étoffer les capacités canadiennes tout au long de la chaîne de valeur des minéraux critiques. Comment? En misant sur l’intensification des efforts en recherche et développement, les investissements requis dans l’infrastructure, le développement accéléré de projets, la planification de la main-d’œuvre et la consultation des peuples autochtones.
Cependant, la nouveauté relative du secteur posera un défi. Les méthodes pour extraire, traiter et raffiner les minéraux critiques ne sont pas les mêmes que celles utilisées durant la longue histoire de l’exploitation, au pays, des gisements d’or, de cuivre, d’argent et d’uranium. Développer au Canada un secteur des minéraux critiques faisant figure de chef de file, le réorienter efficacement vers les technologies propres, et l’ancrer sur des chaînes de valeur ayant des attaches sur le marché national : tout cela représentera une entreprise colossale.
Dans le secteur minier, le cycle de vie – de la découverte, à la mise en activité jusqu’à la production – est long et coûteux. Pour les minéraux ayant la désignation de « critiques », il faudra combler les lacunes en infrastructure touchant les activités d’extraction, de transport, de traitement et d’intégration. De plus, il faudra mettre en place de nouveaux mécanismes de financement et de nouvelles normes industrielles afin de tenir compte des risques et des difficultés d’un secteur dont la viabilité, en tant qu’investissement à long terme, reste à prouver.
Conclusion?
La chaîne d’approvisionnement mondiale des minéraux critiques est complexe et exposée à plusieurs risques. En raison de la nouveauté de ce secteur, des interrogations subsistent à propos de la sécurisation et de la stabilité des activités de mise en valeur des minéraux critiques dans un horizon à long terme. Malgré tout, une chose est sûre : la transition vers les énergies propres dynamisera la demande pour ce nouveau filon de l’économie.
Le Canada en a fait une priorité : produire et mettre en valeur les minéraux critiques comme le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt, le cuivre et les éléments des terres rares. En favorisant une plus grande coopération stratégique avec des partenaires partageant des vues similaires, on pourrait aider les chaînes d’approvisionnement des minéraux à devenir fiables et résilientes, et ouvrir de multiples débouchés sur divers marchés pour les entreprises canadiennes.
Nos sincères remerciements à Nadeem Rizwan et Kevin Elliott du Centre d’information économique et politique pour leur contribution à la présente édition.
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