La montée des tensions est planétaire. La frustration gagne du terrain, des gens ordinaires jusqu’aux sphères du pouvoir, et elle enveloppe un vaste éventail de pays et de régions. Voilà qui n’est pas exactement un sujet de conservation pour les vacances estivales, mais vu l’essoufflement de l’élan économique, il est important de bien évaluer les principaux développements observés sur la scène mondiale avant le début de l’automne. Alors, quel est le problème et comment peut-on y remédier?

L’absence de résolution du différend commercial entre les États-Unis et la Chine est à l’origine d’une bonne part des tensions à l’échelle du globe. Il n’est pas simple de faire le point sur ce dossier riche en bouleversements puisque les commentaires d’aujourd’hui risquent de ne plus être d’actualité dans quelques jours. Malgré tout, la récente déclaration de l’administration américaine d’imposer des droits tarifaires de 10 % sur le reste des 300 milliards d’importations chinoises, à compter du 1er septembre, et la riposte chinoise d’interdire tous les produits agricoles américains constitue une escalade importante de cette guerre commerciale. Mais il y a plus. Depuis, le président Donald Trump a menacé, et ce n’est pas la première fois, de faire passer les droits de douane de 10 % à 25 %; par ailleurs, il a laissé entendre qu’il pourrait mettre fin aux récentes exemptions accordées à Huawei, et a accusé la Chine de manipuler sa monnaie, malgré des preuves de l’Organisation mondiale du commerce indiquant le contraire. Et plus tôt cette semaine, la Chine a accentué les tensions en dévaluant le yuan. Les enjeux de ce bras de fer sont énormes, et aucune des parties ne veut céder.

Sur le plan économique, en comparaison, d’autres enjeux pourraient sembler mineurs. Ce n’est toutefois pas le cas. L’Europe est confrontée à ses propres difficultés, notamment le Brexit et la venue d’un nouveau gouvernement britannique intransigeant, ce qui vient assombrir encore une fois les perspectives économiques à court terme. Les autres piliers de la zone ne sont pas en reste. En effet, l’un des principaux problèmes associés à la succession de la chancelière Merkel en Allemagne est la perspective d’une récession de l’économie allemande qui se dessine à l’horizon. La France, elle, subit toujours les bouleversements provoqués par le mouvement populiste. Quant à l’Italie, son gouvernement de coalition est fragile et fragmenté.

Des événements au sein d’économies plus petites provoquent des remous démesurés sur la scène mondiale. Ainsi, l’intensification des manifestations à Hong Kong a entraîné la fermeture de l’aéroport, ce qui menace l’économie de la région. L’impasse persiste, les demandes se faisant plus nombreuses; de plus, le recours grandissant à la force se heurte à des rassemblements plus importants dans les sphères économiques et politiques sensibles. À ce stade-ci, une résolution paraît bien lointaine. 

En Argentine, la victoire surprise du candidat péroniste Fernandez aux primaires la fin de semaine dernière a fortement mis à mal les obligations et les écarts de rendement des swaps de défaut sur ce marché, sans compter qu’elle a fait dégringoler la monnaie lundi à l’ouverture des marchés. Vu le doute qui s’installe sur les réformes du président sortant Macri, l’avenir économique du pays s’annonce incertain, dans le meilleur des cas. 

À cette liste s’ajoute la multiplication des manifestations en Russie, à Moscou, mais également dans plusieurs villes du pays. D’autres situations sont jugées préoccupantes : la montée des tensions entre le Japon et la Corée du Sud ainsi que la décision de l’Inde de resserrer son contrôle sur le Cachemire, ce qui a non seulement des conséquences économiques sur le territoire, mais aussi sur l’impulsion du programme général des politiques du gouvernement Modi récemment élu. 

Malheureusement, la liste continue. Notre monde est marqué par des tensions à la hausse depuis déjà un moment. En fait, le plus inquiétant à propos de cette récente trajectoire négative, c’est qu’elle se développe sur un long intervalle. Selon plusieurs indicateurs, les événements auxquels nous assistons sont la résultante d’un malaise grandissant perdurant depuis dix ans sur la scène politique en général (voir le Propos de la semaine dernière). 

Et ce qui est encore plus regrettable, c’est que le phénomène n’est pas uniquement de nature psychologique, avec des effets périphériques plus ou moins tangibles sur l’économie. En réalité, l’économie mondiale se dirige de plus en plus vers une récession, la croissance marquant nettement le pas aux États-Unis, en Chine, dans l’UE, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Mexique et au Brésil, et d’autres pays se trouvent déjà en récession technique ou sont sur le point de l’être. Depuis avril, les banques d’investissement ont licencié environ 30 000 travailleurs. La cause : elles sont ébranlées par le ralentissement, l’incertitude sur les marchés boursiers, la baisse des taux opérée par les banques centrales et le glissement en territoire négatif de taux d’intérêt pour des obligations dont la valeur atteint les milliers de milliards de dollars.

Conclusion?

La progression unidirectionnelle des tensions est pour le moins troublante. Pourtant, il suffirait d’une avancée majeure – et peut-être même de deux – pour changer la donne. L’économie demeure fondamentalement robuste, mais elle n’est pas assez solide pour contrer la vague actuelle d’incertitude. Voilà pourquoi il est essentiel que cette avancée ait lieu.