Bien avant l’arrivée des premiers colons, le commerce était déjà un élément clé de la prospérité des Autochtones. Fortes de traités et d’un réseau de routes commerciales partout sur le continent, les nations de l’Île de la Tortue (Amérique du Nord) comptaient sur leurs connaissances et leurs ressources pour prospérer.
Aujourd’hui, les entrepreneurs et les communautés autochtones se tournent vers le commerce international pour élargir leurs activités et atteindre la souveraineté financière.
En 2019, dans le cadre de notre engagement en faveur du commerce inclusif, Exportation et développement Canada (EDC) a lancé un programme pour soutenir les entreprises dirigées par des Autochtones qui souhaitaient exporter. Après avoir travaillé 23 ans comme économiste à EDC, j’étais très heureux de devenir responsable national. Je me voyais visiter les Premières Nations ainsi que les communautés métisses et inuites, collaborer avec des partenaires à l’occasion de conférences et danser dans des pow-wow – un de mes moments préférés de l’été.
Mais la COVID-19 a défait mes plans. Au lieu de prendre la route, j’ai organisé mon bureau à la maison et misé sur les visioconférences pour communiquer avec les entreprises autochtones. J’ai découvert que les barrières systémiques auxquelles se heurtent les Autochtones ont rendu leurs entreprises plus vulnérables aux perturbations de la pandémie. Beaucoup peinaient à survivre et des secteurs autrefois florissants, comme le tourisme autochtone, étaient fortement ébranlés.
Mais j’ai aussi été témoin de la résilience de ces entrepreneurs face à ces difficultés. J’ai rencontré nombre de personnes de talent déterminées à créer des emplois dans leur milieu pour y assurer la prospérité. J’ai aussi vu des sociétés de développement économique des Premières Nations, Métis et inuites conclure d’importantes ententes pour s’approprier et exécuter de vastes projets sur leurs territoires traditionnels.
Je suis en outre fier de la participation d’EDC au Fonds de croissance autochtone (lien en anglais seulement) de 150 millions de dollars, que gère notre partenaire, l’Association nationale des sociétés autochtones de financement (ANSAF). En misant sur la collaboration avec les institutions financières autochtones, ce fonds permettra à plus d’entreprises autochtones d’obtenir les liquidités dont elles ont besoin pour assurer leur croissance.
Je remarque également que les organismes gouvernementaux et les entreprises privées prennent de plus en plus conscience du point de vue et des enjeux autochtones. Il reste encore beaucoup à faire, mais je vois émerger la perspective d’un avenir plus équitable.
Au moment de mettre derrière nous les difficultés liées à la COVID-19, j’espère que de plus en plus d’entreprises autochtones se lanceront à la conquête du monde et qu’elles pourront prospérer grâce à l’exportation. Voici quelques-unes des tendances qui stimulent la croissance, favorisent l’innovation et nourrissent l’inspiration des entreprises autochtones d’aujourd’hui.
La réconciliation économique est bonne pour les affaires
L’an dernier, la découverte de tombes anonymes sur les sites d’anciens pensionnats a été un douloureux rappel de l’incidence néfaste de ces derniers sur des générations d’Autochtones. Les discussions entourant la réconciliation sont devenues encore plus pressantes. De plus en plus de Canadiens étaient prêts à affronter les aspects sombres de l’histoire de notre pays et ont manifesté leur volonté d’établir de nouveaux liens plus respectueux avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits.
La réconciliation économique, à laquelle doivent participer les partenaires du secteur privé et public, est essentielle à cette conversation. L’appel à l’action 92 du rapport définitif de la Commission de vérité et réconciliation présente des moyens que peuvent mettre en œuvre les entreprises canadiennes pour favoriser la réconciliation grâce à la sensibilisation de leurs employés, à des consultations sérieuses et à un accès équitable aux emplois. L’appel à l’action 57 insiste sur le fait que les fonctionnaires doivent se familiariser avec l’histoire des Autochtones et suivre des formations pratiques en matière de compétences interculturelles.
Les retombées des partenariats avec les entreprises autochtones sont réciproques. Les communautés autochtones cherchent à développer une économie prospère et durable pour leur population et les occasions d’affaires sont énormes. En effet, selon un rapport de la Banque TD, l’économie autochtone au Canada pourrait passer de 32 milliards de dollars à 100 milliards de dollars par année d’ici cinq ans, pour peu que l’on investisse judicieusement.
Pour y arriver, le gouvernement et l’entreprise privée doivent écouter, se défaire de leurs préjugés et agir concrètement pour faire tomber les barrières qui nuisent à la croissance en créant des solutions justes et en donnant un accès équitable au capital pour que les entrepreneurs et les communautés autochtones puissent prospérer. Cette prospérité sera profitable à l’économie canadienne et à toute la société.
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Une approche souple pour concrétiser l’impact de l’exportation
EDC comprend qu’il faut souvent se montrer innovants et faire preuve de souplesse dans nos propres programmes pour que les entreprises autochtones puissent profiter des mêmes occasions de croissance sur la scène mondiale que toutes les autres entreprises canadiennes. L’entente de financement et de partage des risques que nous avons conclue pour soutenir notre client Niqitaq Fisheries ltée, une entreprise détenue par des Inuits et administrée par la Baffin Fisheries Coalition (lien en anglais seulement), au Nunavut, en est un bon exemple.
Niqitaq exporte la crevette nordique et le flétan en Europe et en Asie. L’entreprise avait besoin de financement pour construire un nouveau chalutier innovant qui lui permettrait d’accroître ses activités, de fonctionner plus efficacement et de réduire son empreinte carbone.
Consciente des retombées à l’exportation qu’aurait ce nouveau bateau sur l’entreprise, ses employés et leurs communautés, EDC s’est associée à la Banque Scotia pour structurer le financement qui permettrait à Niqitaq de construire son chalutier. Lorsqu’il sera livré en 2024, ce sera le plus grand bateau de pêche appartenant à des intérêts canadiens dans le monde entier.
Le travail que fait EDC pour offrir aux entreprises autochtones des débouchés à l’exportation durables et rentables comporte un aspect communautaire très important à mes yeux.
Être son propre patron : l’entrepreneuriat à la hausse
La plupart des entreprises détenues par des Autochtones au Canada sont des PME; beaucoup sont des entreprises individuelles. Cette situation témoigne des difficultés auxquelles elles font face au moment de prendre de l’expansion, mais illustre aussi quelque chose de positif : de plus en plus d’Autochtones empruntent la voie de l’entrepreneuriat et beaucoup de petites entreprises sont dans cette catégorie justement parce qu’elles sont encore jeunes.
Paul Macedo est le directeur des communications de Cando, un organisme national qui offre des programmes et des services aux agents de développement économique des Premières Nations. Il observe une tendance marquée : « De plus en plus d’Autochtones, surtout des jeunes, deviennent entrepreneurs. Ils créent leur propre entreprise et leur propre emploi, principalement en milieu rural. »
Rien ne rend mieux compte de l’esprit entrepreneurial des Autochtones que Pow Wow Pitch (lien en anglais seulement), un programme que Sunshine Tenasco a créé pour sensibiliser et soutenir les entrepreneurs autochtones, leur donner les moyens d’agir et une occasion de présenter leur entreprise à l’occasion d’un concours national qui pourrait leur rapporter un financement de démarrage.
En 2021, plus de 1 600 entrepreneurs autochtones, métis et inuits ont participé à Pow Wow Pitch. Cette année, le concours s’étend à l’international. Le programme comporte un volet en personne et un autre en ligne pour les présentations.
Le travail que fait EDC pour offrir aux entreprises autochtones des débouchés à l’exportation durables et rentables comporte un aspect communautaire très important à mes yeux. En tant que juge dans le cadre de la demi-finale de la région des Prairies l’an dernier, j’ai été impressionné de la qualité des argumentaires. J’ai trouvé inspirant de constater que beaucoup de participants souhaitaient, en créant leur entreprise, générer des retombées économiques dans leur milieu.
Selon Mme Tenasco, cet élan vient naturellement : « Nous voyons les difficultés auxquelles font face nos communautés, comme le manque d’accès à des aliments nutritifs et à de l’eau potable, et nous misons sur nos entreprises pour résoudre ces problèmes. »
Sunshine Tenasco avec sa fille, Keggy Tenasco, au Pow Wow du Rassemblement des Nations 2022 à Albuquerque, Nouveau-Mexique.
Elle voit aussi leur travail comme faisant partie d’un mouvement plus vaste visant à « autochtoniser » les affaires : « Les Autochtones ont l’entrepreneuriat dans le sang. Nous créons de la valeur et trouvons de nouveaux usages aux choses. Nous avons une longue tradition commerciale. Aujourd’hui, les Premières Nations se réapproprient et redéfinissent les affaires, l’entrepreneuriat et le commerce à leur manière. Ils témoignent d’un respect envers l’environnement et honorent des cultures et des valeurs qui leur sont propres dans le but d’assurer un avenir meilleur aux futures générations. Nous créons des entreprises “de la bonne façon”. »
Les marques autochtones : un potentiel mondial
Pour beaucoup d’Autochtones, créer une entreprise « de la bonne façon » veut dire placer leurs traditions et leurs valeurs au cœur de l’identité de leur marque. Cette stratégie leur permet de créer un lien entre leur entreprise et leur milieu tout en se démarquant sur les marchés nationaux et internationaux.
Pour Cheekbone Beauty (lien en anglais seulement), une entreprise autochtone de produits de beauté dont le siège social se trouve à St. Catharines, en Ontario, créer une marque solide à l’international a toujours voulu dire concevoir des produits de qualité tout en limitant le plus possible son empreinte environnementale.
« Partout dans le monde, les consommateurs exigent des produits durables; c’est un facteur primordial dans les décisions d’achat. Notre innovation en matière de durabilité ne fera qu’intensifier notre travail à l’échelle mondiale, soutient Jenn Harper, fondatrice et directrice générale de cette marque axée sur la vente directe aux consommateurs. Je suis d’avis que nous détenons un avantage concurrentiel : nous allions la sagesse autochtone à la science occidentale. Les gens et la planète étaient déjà pour nous une priorité avant que ça devienne à la mode. »
Ces deux dernières années, Cheekbone Beauty a atteint d’impressionnants jalons. En effet, Sephora, le plus grand détaillant de produits de beauté au monde, distribue les produits Cheekbone en ligne et dans 15 de ses magasins. Cheekbone a aussi obtenu la certification B Corp (en anglais seulement), ce qui souligne ses pratiques commerciales responsables et durables. Enfin, Mme Harper a récemment gagné le prix 2022 dans la catégorie « Affaires et commerce » d’Indspire, un organisme de bienfaisance national qui investit dans la formation des Autochtones, des Inuits et des Métis.
Malgré tout, Cheekbone s’est toujours montrée aussi résolue à redonner à la communauté. À ce jour, l’entreprise a fait don de plus de 150 000 $ pour venir en aide aux jeunes et aux femmes autochtones grâce à des projets en appui à l’énergie solaire, à la plantation d’arbres et à l’accès à l’eau potable dans les communautés autochtones.
Ce n’est que le début
EDC est inébranlable dans sa volonté de soutenir les entreprises autochtones. Nous voulons vous voir prospérer et tout un écosystème est là pour soutenir votre croissance. Travailler avec nous vous donne la possibilité de tisser des liens non seulement avec notre réseau mondial de partenaires et de conseillers commerciaux, mais aussi avec d’autres entreprises, associations et institutions financières autochtones.
J’invite tous les Canadiens à profiter du Mois national de l’histoire autochtone en juin pour apprendre à mieux connaître la richesse de la tradition et de la culture des Premières Nations, des Métis et des Inuits, soutenir les entreprises autochtones et prendre plaisir à découvrir les livres, la musique et les danses autochtones, ainsi que les œuvres des créateurs autochtones.
Cibles d’EDC pour 2023 – Entreprises autochtones :
- Porter à 400 le nombre de clients servis (77 en 2020)
- Faire passer à 650 millions de dollars le total des activités commerciales soutenues (119,3 millions de dollars en 2020)
En mars 2022, EDC avait facilité les activités commerciales de 210 entreprises autochtones à hauteur de 452 millions de dollars (au moyen de prêts directs, de garanties de prêt et d’assurance crédit commerciale).