La participation du Canada au commerce international va bien au-delà de la circulation des biens et des services d’un pays à un autre. À vrai dire, la façon dont les entreprises participent au commerce international s’est radicalement transformée sous l’effet de divers facteurs, notamment : l’expansion des réseaux mondiaux de production; l’évolution des technologies de l’information; et, enfin, l’affirmation du statut économique des économies émergentes. Au Canada, une dimension du commerce est souvent négligée : je parle ici du flux de l’investissement transfrontalier et de la montée en puissance des sociétés affiliées canadiennes à l’étranger.

Pour une entreprise, l’investissement direct est un moyen de s’établir sur un marché étranger par l’acquisition d’actifs dans ce pays. Cet investissement contribue à forger des liens stables et durables entre les deux économies concernées, tout en resserrant leur intégration économique. Parallèlement, le commerce international et l’investissement entretiennent une relation de complémentarité : être présent à l’international aide souvent à créer de futurs débouchés commerciaux.

Les exportateurs ont tout intérêt à s’intéresser à l’investissement direct canadien à l’étranger (IDCE). Pourquoi? Parce que ce type d’investissement permet à l’entreprise d’accéder aux marchés mondiaux, de rayonner à l’international et de croître. L’IDCE simplifie de plusieurs façons la vie des entreprises. Par exemple, lorsqu’elles souhaitent s’implanter dans un pays où elles doivent composer avec des droits tarifaires à l’importation ou percer un marché où la conduite des affaires est plus difficile.


Les études empiriques consacrées aux entreprises ont aussi confirmé que les sociétés établies à l’international sont généralement plus productives que celles sur le marché intérieur. De fait, les premières apprennent à maîtriser les coûts et à relever les défis qui accompagnent la conduite d’activités à l’étranger.

Dans le cas des entreprises canadiennes, les données montrent non seulement que les multinationales semblent plus productives, innovatrices et axées sur la recherche et le développement (R-D), mais qu’elles offrent des salaires plus élevés et engagent des travailleurs mieux qualifiés. Ces entreprises à la productivité supérieure ont aussi un effet catalyseur positif à l’ensemble de l’économie intérieure, notamment par la voie des retombées de la R-D et de l’accès à des réseaux de logistique à l’étranger.

Par ailleurs, les recherches semblent aussi indiquer que les investissements sur la scène mondiale servent de tremplin pour s’implanter au-delà des marchés traditionnels. Selon une étude réalisée en 2016 par Exportation et développement Canada (EDC), les entreprises canadiennes dépendent beaucoup de l’investissement pour prospérer sur des marchés à l’extérieur de l’Amérique du Nord.

Plus récemment, une analyse des données a révélé, entre 2011 et 2021, que les ventes des sociétés affiliées canadiennes à l’étranger (SACE) actives en Amérique du Sud et en Amérique centrale, en Afrique et en Asie ont enregistré des taux de croissance annuels composés (TCAC) plus élevés que celles en Amérique du Nord. Pour certains de ces marchés émergents, comme l’Inde, ce taux pouvait s’élever jusqu’à 22 %. Voilà qui illustre à quel point il est vital pour les entreprises canadiennes de se diversifier en utilisant leurs plateformes sur le continent pour répondre aux besoins des marchés nord-américains et en faisant appel à leurs sociétés affiliées à l’étranger pour alimenter les chaînes de valeur en rapide croissance en Asie, en Afrique et ailleurs.

Cela étant dit, on ne peut souligner assez la remarquable contribution de l’IDCE et des ventes des SACE à l’essor du commerce extérieur du Canada. Même si tout juste 0,2 % des entreprises canadiennes exercent des activités à l’étranger ou sont classées comme des multinationales, les ventes des SACE ont dépassé 1 000 milliards de dollars en 2021 – année d’où sont tirées les données les plus récentes. De la même manière, bien qu’à peine 3 % des exportateurs canadiens effectuent des investissements directs à l’étranger, les flux nets d’IDCE se sont chiffrés à 120 milliards de dollars en 2023. À vrai dire, pour la dernière décennie dont les données sont disponibles, l’IDCE et les ventes des SACE ont doublé en valeur et largement éclipsé la cadence de la croissance des exportations canadiennes de marchandises.

Les données laissent aussi à penser que les entreprises canadiennes investissant à l’étranger exportent des services plutôt que des biens, ce qui aide le Canada a grimpé dans la chaîne de valeur. En fait, lors de la dernière décennie (2011-2021), près des deux tiers de la croissance des ventes des SACE était alimentée par les secteurs de services – et notamment de services financiers, d’assurance et de commerce de détail. Fait révélateur, les ventes des SACE du secteur des services ont de loin surpassé celles des exportations de services traditionnelles. Autre information d’intérêt : plus des trois quarts de la valeur comptable totale de l’ensemble de l’IDCE au cours de la dernière décennie (soit de 2013 à 2023) provenait des secteurs spécialisés dans les services.

Nous constatons que les exportateurs canadiens continuent de vouloir étendre leurs activités à l’étranger. Selon les résultats du plus récent sondage de l’indice de confiance commerciale d’EDC, pas moins de 26 % des répondants prévoient réaliser de nouveaux investissements à l’extérieur du Canada au cours des six prochains mois, tandis que 47 % de ceux ayant déjà investi à l’étranger prévoient bonifier leurs investissements, une dynamique qui s’inscrit dans la tendance postpandémie d’une hausse des intentions d’investissement. Toujours sur le même thème : près des deux tiers des entreprises interrogées s’attendent à ce que les ventes de leurs SACE progressent au cours des six prochains mois. Voilà qui met en lumière les débouchés économiques s’ouvrant aux entreprises canadiennes présentes à l’étranger.

Conclusion?

Les entreprises canadiennes misent de plus en plus sur leurs investissements à l’étranger pour accroître leur compétitivité et  leurs activités. Les ventes des SACE sont une importante source de revenus et de bénéfices; elles génèrent des retombées pour les entreprises canadiennes et l’économie du Canada. Au moment où les entreprises se mettent en quête de nouvelles façons d’exploiter les occasions internationales et de s’intégrer aux chaînes d’approvisionnement sur les marchés étrangers, ce secteur négligé du commerce extérieur du Canada est appelé à jouer un rôle de plus en en plus prépondérant.

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Nous tenons à remercier chaleureusement Prerna Sharma, économiste principale au Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

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