À l’approche de l’été, les Canadiens ne pourront s’empêcher d’avoir en tête cette rengaine très familière des voyages en famille : Sommes-nous enfin arrivés? Ces dernières années, cette même question s’est invitée dans diverses situations. La pandémie de COVID-19 : Le confinement est-il enfin terminé? L’inflation : Mes factures d’épicerie cesseront-elles enfin d’augmenter? La croissance : L’économie a-t-elle enfin échappé à la récession? La politique monétaire : Les banques centrales ont-elles enfin décidé de relever (puis d’abaisser) les taux d’intérêt? L’atterrissage : L’économie mondiale est-elle enfin venu à bout des distorsions induites par la pandémie? Les quatre dernières années nous ont semblé un voyage interminable.

Dans l’édition du printemps 2024 de ses Perspectives économiques mondiales, Exportation et développement Canada projette un parcours sans accroc – mais peu inspirant – de l’économie mondiale cette année avec une croissance d’à peine 2,9 %. L’an prochain, la croissance gagnera en puissance pour atteindre 3,3 %, à la faveur de la réduction des taux d’intérêt et de la normalisation de l’activité. Grâce à cette embellie, le monde pourra enfin tourner la page sur l’épisode économique postpandémie.

Au Canada, l’économie va ralentir la cadence cette année en inscrivant une croissance de tout juste 0,9 %, qui grimpera à 1,8 % en 2025. Ce passage à vide s’expliquera par le fort endettement des ménages. Confrontés à de lourdes exigences de remboursement de leurs emprunts, ils feront le choix d’épargner plutôt que de dépenser.

L’investissement commercial sera aussi réprimé par les taux d’intérêt élevés et le resserrement des conditions de financement. Malgré tout, la perspective de possibles réductions des taux d’intérêt aidera à raffermir la confiance des consommateurs et des entreprises. Ce regain d’optimisme devrait progressivement relancer les dépenses et l’investissement, puis revigorer l’économie en 2025.


Même si l’inflation devrait refluer vers la cible, la croissance des prix demeure difficile à maîtriser dans certains pans de l’économie. La diminution des taux d’intérêt pourrait donc être graduelle. Ensemble, ces facteurs permettront au huard de prendre de d’altitude face au billet vert pour se fixer en moyenne à 74 cents en 2024 et à 78 cents en 

À la différence du consommateur canadien, le consommateur américain redouble d’effort depuis 15 ans pour assainir ses finances. Aux États-Unis, la résilience du marché du travail est portée par une croissance stable du côté des salaires et de l’emploi. Les consommateurs au Sud de la frontière dépensent sans compter, ce qui a propulsé la performance de l’économie au-dessus de celle des autres marchés développés. En raison de cette particularité, nous anticipons une croissance de 2,3 % de l’économie américaine en 2024.

À mesure que le marché de l’emploi se tempère aux États-Unis, les prix et les taux d’intérêt élevés devraient brider l’activité. L’impulsion économique devrait par conséquent s’essouffler en 2025 – freinée par la détente des dépenses de consommation –, et faire glisser la croissance à 1,8 %. Cela dit, nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale américaine commence à abaisser ses taux à la mi-2024 en usant de la même prudence que la Banque du Canada, et qu’elle surveille de près les indicateurs volatils de l’inflation.

Le trajet s’annonce plus mouvementé pour l’Europe puisque la zone euro devrait dégager une croissance d’à peine 0,7 % en 2024 et de 1,7 % en 2025. Dans cette région économique où les gouvernements cherchent à stabiliser les dépenses, le resserrement orchestré par la Banque centrale européenne a décimé la demande. Pour ne rien n’arranger, la production industrielle dans la zone continue d’être plombée par les inquiétudes en matière de sécurité énergétique, alors même que son secteur des exportations fait les frais de la faible demande chinoise.

Le manque de tonus de l’économie chinoise devrait persister cette année et dans un horizon à court terme, ce qui devrait limiter la croissance à 4,7 % en 2024 et à 4,4 % en 2025. Malgré des mesures de relance budgétaire et l’assouplissement modéré de sa politique monétaire, la Chine continuera de subir les contrecoups d’un secteur immobilier en crise et d’une confiance en berne. Cependant, l’octroi de nouvelles aides gouvernementales devraient mettre l’économie à l’abri des forces déflationnistes persistantes.

Ces perspectives en demi-teinte pour la demande mondiale voilent la trajectoire à avenir du cours des produits de base. Le repli en Chine se répercutera sur le cours des métaux et des minéraux, et notamment sur les filières où la production s’intensifie en prévision de l’envolée de la demande dans le domaine de l’électrification. Pour ce qui est des cours de l’or, ils devraient s’apprécier cette année – la vague d’élections à l’échelle du globe accentuant l’incertitude dans la sphère des politiques – avant de s’orienter à la baisse en 2025. Enfin, le cours pétrolier du West Texas Intermediate devrait s’établir en moyenne à 77 dollars américains le baril en 2024, puis à 70 dollars américains en 2025, l’offre continuant d’éclipser la croissance de la demande.

Conclusion?

Nous prévoyons une timide croissance de l’économie en 2024, alors que la capacité de dépenser du consommateur atteint ses limites et que les entreprises compriment les dépenses. La politique budgétaire sera surtout dictée par la nécessité de gérer des déficits grandissants, et appuiera uniquement les secteurs prioritaires ou ceux où la croissance bat vraiment de l’aile. Parallèlement, le commerce international pâtira du tassement de la demande, des constantes perturbations du commerce mondial et de l’incertitude sur le front des politiques. L’année 2024 devrait annoncer un retour de l’activité au niveau d’avant la pandémie et offrir des débouchés à tous les acteurs prêts à saisir la balle au bond.

Nous tenons à remercier chaleureusement Ross Prusakowski, directeur du Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition.

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