Les plastiques écologiques de Genecis Bioindustries : porter l’économie circulaire à un niveau supérieur
Bientôt, de grandes marques pourraient fabriquer des fournitures chirurgicales, des emballages souples et même des jouets pour enfants à partir d’une matière première surprenante : les restes de table destinés à la poubelle.
On pourrait croire que le recours à des bactéries pour fabriquer des bioplastiques compostables à partir d’aliments relève de la science-fiction, mais ça se fait en ce moment même; l’économie circulaire passe ainsi à un tout autre niveau.
Mis au point par Genecis Bioindustries, une entreprise pionnière de Toronto, ce procédé écodurable coûte jusqu’à 40 % moins cher que les technologies comparables. C’est qu’il exploite l’abondante source de déchets alimentaires (ce qui représente chaque année dans le monde plus de 1 000 milliards de livres) au lieu de faire appel à la culture du maïs et de la canne à sucre, deux matières premières coûteuses.
Ce procédé peut également abaisser de 80 % les émissions de gaz à effet de serre et réduire considérablement les 300 millions de tonnes de plastiques à usage unique que nous jetons chaque année et qui sont une source notable de pollution.
Cette solution innovante, qui en 2021 a valu à l’entreprise de remporter le concours de présentations de la Semaine de l’exportation des technologies propres d’EDC, permet de produire une matière plus écologique que le plastique : des polymères naturels appelés polyhydroxyalcanoates ou PHA.
Les PHA sont produits par des bactéries spécialement sélectionnées pour le processus de fermentation en deux étapes de Genecis. D’abord, un premier groupe de bactéries transforment les déchets alimentaires en acides gras, à la manière de l’estomac qui digère la nourriture chez l’humain.
Ensuite, un autre groupe de bactéries transforment ces acides gras en PHA et les stockent dans leurs cellules sous forme de lipides ou d’énergie. Par un procédé d’extraction, on ouvre la paroi cellulaire de ces millions de bactéries pour recueillir les PHA, qu’on transforme en granules de bioplastique pour les vendre à des fabricants qui produisent des emballages, des textiles, des pièces automobiles et d’innombrables autres articles.
« Grâce à leurs propriétés uniques, les PHA pourraient remplacer 60 % des plastiques à base de pétrole produits à l’échelle mondiale », fait valoir Luna Yu, fondatrice et directrice générale de Genecis.
« C’est selon nous la solution la plus foncièrement durable, car non seulement les PHA sont entièrement recyclables et conformes aux principes de l’économie circulaire, mais ils se biodégradent facilement dans la nature », ajoute-t-elle, précisant qu’il ne leur faut qu’un an en milieu terrestre et moins de dix ans en milieu marin. En comparaison, les plastiques synthétiques mettent des centaines d’années à se dégrader.
« De plus, le recyclage n’affecte pas les PHA, qu’on peut facilement mouler et remouler en d’autres produits de grande valeur sans en affecter la qualité. Le processus de fabrication dure en tout moins de sept jours alors que la conversion des déchets alimentaires en biogaz prend en moyenne trois semaines », de préciser la jeune entrepreneure.
« Genecis commence à peine à explorer ce marché en plein essor », explique Mme Yu, qui travaille actuellement avec Novo Nordisk. Ce partenariat pourrait s’avérer très fructueux. En effet, cette multinationale pharmaceutique danoise produit la moitié de l’insuline utilisée dans le monde.
« Nous avons créé une filiale au Danemark pour mieux servir Novo Nordisk et percer l’écosystème des biotechnologies là-bas. Ce partenariat avec une grande société biotechnologique nous permettra d’accélérer considérablement notre croissance et notre apprentissage. »
Comptant 30 employés à temps plein et occupant une usine pilote de 7 000 pieds carrés où sont installés plus de 20 bioréacteurs de bactéries, l’entreprise en a fait du chemin depuis ses modestes débuts en 2017. En 2021, cette étoile montante a fait partie des six finalistes du prestigieux Défi des femmes en tech propres organisé par MaRS Discovery District et Ressources naturelles Canada (RNCan).
« À nos tout débuts, nous avons dû fabriquer nos bioréacteurs à partir de cuiseurs à riz que nous avons modifiés, afin d’économiser. Aujourd’hui, nos revenus s’élèvent à 1,2 million de dollars et les bons de commande d’entreprises du palmarès Fortune 500 représentent 10 millions de dollars, poursuit-elle. Déterminés à créer un produit qui répond à un besoin, il nous a été facile de démontrer des applications commerciales concrètes et de nouer de beaux partenariats. »
« À ce jour, les fonds recueillis auprès d’investisseurs et d’organismes gouvernementaux s’élèvent à 15 millions de dollars. La demande pour les PHA est énorme en ce moment et nous ne sommes pas en mesure de produire suffisamment pour honorer tous nos bons de commande. Notre production des deux prochaines années est déjà vendue. »
Pour répondre à la demande et favoriser sa croissance le plus rapidement possible, Genecis a obtenu un financement de 6 millions de dollars de Next Generation Manufacturing (NGen), l’organisation dirigée par l’industrie derrière la supergrappe de la fabrication de pointe du Canada, pour collaborer avec le centre de récupération des ressources de StormFisher, à Drumbo, en Ontario. Grâce à ce partenariat, Genecis pourra profiter de l’infrastructure de l’une des plus grandes usines de biogaz au Canada.
« Ils ont déjà tous les permis et les services publics, tout le béton est coulé, ce qui nous permet de prendre de l’expansion cinq fois plus vite et à un dixième des coûts que si nous devions tout construire à partir de zéro », explique Mme Yu.
« En retour, une grande partie des déchets que nous produisons et que nous ne pouvons pas utiliser sont recyclés dans le processus de biogaz. Notre technologie leur permet de créer une deuxième source de revenus. »
« Cette relation symbiotique est fantastique : nous pouvons profiter de leurs usines, ils peuvent présenter un bilan carboneutre et notre entreprise peut croître très rapidement. »
Dans le cadre de ce plan de croissance, EDC a mis en place une solution de financement pour que Genecis puisse effectuer le versement initial nécessaire à son projet de développement de polymère.
« EDC a aidé la RBC à souscrire la couverture pour notre projet de recherche scientifique et de développement expérimental en 2020, confie Mme Yu. C’est ce qui nous a permis d’investir dans l’équipement et la capacité dont nous avions besoin pour réaliser des projets soumis à un processus par étapes, et cette couverture nous a permis d’adapter différents projets qui s’étendent sur plusieurs années. »
« L’étape de développement de l’un de ces projets est maintenant terminée. À la fin de l’année, nous lancerons une marque blanche, qui sera vendue aux consommateurs de partout dans le monde par différentes entreprises du palmarès Fortune 500. »
EDC travaille actuellement à une autre solution financière qui permettra à Genecis d’entreprendre encore plus de projets. Au vu de la rapidité à laquelle cette petite entreprise canadienne a évolué en moins de cinq ans, il y a lieu de croire qu’elle est en voie de devenir un joueur important dans la science de la valorisation des déchets.
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