La vaccination se poursuit aux États-Unis, en Chine, au Royaume-Uni; à leur tour, le Canada et l’Europe accélèrent finalement la cadence. Une bonne partie du monde développé se demande maintenant quand se produira le « retour à la normale ». Ce retour ne serait pas lointain si on en juge par les images, au Royaume-Uni, de clients fréquentant à nouveau les pubs et celles, aux États-Unis, de partisans assistant à une partie de base-ball et tentant d’attraper une fausse balle à la volée.

En Inde, au Brésil, en Argentine et dans plusieurs autres marchés émergents, la perspective d’un retour à la « normale » semble difficile à imaginer vu les effets dévastateurs de la pandémie sur la population et les perspectives économiques. Ces événements bouleversants font les grands titres dans les économies industrialisées, mais ils n’entament pas pour autant l’optimisme croissant. Fait paradoxal, l’amélioration des perspectives États-Unis et en Europe risque d’aggraver les problèmes auxquels font face les marchés émergents qui sont aux prises avec des vagues destructrices de la COVID-19.

La cause première de ce problème remonte à la crise financière de 2008. À l’époque, dans plusieurs pays émergents, les gouvernements et les entreprises avaient profité des taux d’intérêt historiquement bas pour émettre des obligations – alimentant du coup la demande auprès d’investisseurs en quête de rendement sur les marchés mondiaux des capitaux. Cette dynamique avait accru l’intégration des marchés émergents à l’économie mondiale, et s’inscrivait dans une nouvelle vague d’émissions d’obligations émises à l’échelle internationale – alors même que la valeur des obligations émises dépassait les 52 000 milliards de dollars américains en 2016 et 2020, d’après les estimations de l’Institut de la finance internationale (IIF).

Au moins 15 000 milliards de dollars de ces émissions ont été comptabilisées en raison de la pandémie en 2020; les 37 000 milliards restants ont dépassé l’augmentation de 6 000 milliards de dollars observée entre 2012 et 2016. Parallèlement, même si les gouvernements des marchés émergents ont offert de payer, pour les titres émis, des taux d’intérêt plus élevés que ceux des gouvernements des économies industrialisées, la part moyenne des recettes publiques accaparées par le charge d’intérêt tournait autour de 7 %, soit environ le même niveau qu’en 2005 et 2006. 

Les investisseurs et les marchés émergents y ont trouvé leur compte. Cependant, pour les gouvernements des marchés émergents, cette vague d’émissions de titres obligataires – souvent libellés en devises –,  a accentué leur exposition à une hausse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale et, plus important encore, aux perspectives économiques américaines. La conséquence de ce lien inattendu avec les perspectives de l’économie américaine est devenue évidente quand la Réserve fédérale a commencé à relever les taux d’intérêt américains à la fin de 2015. Cette décision a eu des retombées partout dans le monde et fait grimper les taux d’intérêt. De ce fait, des pays comme l’Égypte, la Turquie, l’Argentine, l’Afrique du Sud et le Pakistan ont vu leur dette s’alourdir et devenir insoutenable.


L’avènement de la pandémie et ses conséquences désastreuses partout sur le globe ont inversé le mouvement des taux d’intérêt : le taux de la Réserve fédérale est passé de 2,4 % en juin 2019 à sa valeur plancher actuelle de 0,1 % en date d’avril 2020; d’autres taux ont accusé des diminutions semblables.

Ce répit a donné aux gouvernements la marge de manœuvre pour émettre des obligations et combler le manque de revenus résultant de la pandémie et des mesures prises pour contenir le virus. Pourtant, le retour à la normale aux États-Unis et dans d’autres pays industrialisés au second semestre de 2021 pourrait déclencher une remontée des taux d’intérêt, et ce, alors que des pays émergents peinent encore à maîtriser la pandémie et intensifie la vaccination. Selon l’Institut de la finance internationale, près de 7 000 milliards de dollars de dettes contractées par les marchés émergents viendront à échéance à la fin de 2021 – et 15 % d’entre elles sont libellées en dollars américains. Pour ces pays, les tensions subies pourraient être considérables. 

Selon les prévisions d’Exportation et développement Canada visant le ratio de la dette publique en tant que part de l’économie et le ratio de la charge d’intérêt aux revenus, l’Égypte, le Ghana, le Sri Lanka et le Pakistan risquent d’être confrontés à un nouvel épisode de tensions financières dans l’éventualité d’une montée des taux d’intérêt à l’échelle mondiale. Ces pays font partie d’un groupe plus étendu d’économies qui pourraient avoir du mal à refinancer leurs dettes au cours des prochaines années, soit lorsque la planète opère un retour vers la normalité et que leurs dettes viennent à échéance.

Conclusion?

Au début de 2021, bon nombre de pays ont été éprouvés par la pandémie. En comparaison, les économies américaine, britannique et celles du continent européen ont profité d’un regain de la confiance et d’une relance de l’activité. Ce développement positif exercera des tensions sur les économies émergentes, qui s’emploient à atténuer les répercussions de la crise sanitaire. Fait à noter, la hausse des taux d’intérêt à l’échelle internationale accentuera le risque que ces pays rencontrent des difficultés économiques ou financières. Obtenir un portrait de ces risques et de la conjoncture économique permet de mieux comprendre la voie de la reprise pour l’économie mondiale et de rester au fait de leur évolution. À cet égard, l’Analyse trimestrielle des risques pays d’EDC est une ressource incontournable.