L’envolée des prix et la hausse des taux d’intérêt menacent de briser l’élan de la très importante consommation aux États-Unis. Plongée dans une guerre, l’Europe doit éteindre des feux sur plusieurs fronts : un secteur industriel éprouvé par la flambée des cours énergétiques; un possible rationnement de l’énergie; et de nouvelles perturbations des chaînes d’approvisionnement, au moment même où la morosité gagne les consommateurs et de multiples crises politiques se profilent à l’horizon. Les marchés en développement continuent d’être confrontés à des pénuries d’aliments et de carburants et la Chine, de son côté, doit gérer l’impact des restrictions de santé publique qui répriment son économie.
Vu la conjoncture, il faudrait peut-être remplacer la populaire chanson estivale d’Ella Fitzgerald par Cruel Summer du groupe Bananarama. Dans ce contexte, les Services économiques d’EDC ont mis à jour leur liste des dix principaux risques mondiaux en 2022 pour l’économie mondiale. Voici donc, sans ordre particulier, les risques qui tiennent nos scientifiques éveillés In the Heat of the Night.
Pour freiner la progression des prix et gérer les attentes inflationnistes, les banques centrales aux États-Unis, au Canada et en Europe ont décidé de relever les taux d’intérêt à plusieurs reprises et d’assainir les bilans. Des conditions financières plus serrées limiteront la capacité de dépenser des consommateurs – selon la cadence et l’ampleur du resserrement –, ce qui pourrait faire plonger en récession les économies avancées.
De plus, l’augmentation des taux d’intérêt bien au-delà des taux neutres poserait le risque majeur d’une révision des risques. Selon les taux fixés par les banques centrales, cette révision pourrait perturber les marchés des capitaux, mais aussi les marchés boursiers, du crédit et même du logement, ce qui diminuerait l’attrait de certains produits de base et nuirait à la stabilité des monnaies.
Cette révision des risques exposerait des entreprises surendettées qui, ces dernières années, ont accumulé une dette non productive en profitant des généreux programmes de relance mis en place par les gouvernements et d’un coût plancher inédit pour les emprunts. Selon les estimations, la dette non financière des entreprises atteindrait 98 % du produit intérieur brut (PIB) mondial à la fin de 2021.
De ce fait, le risque d’une vague de défauts chez les entreprises continue d’être un élément de vulnérabilité dominant pour l’économie mondiale. La dette publique s’est aussi alourdie pendant la pandémie : près de 50 pays se trouvent en situation de surendettement ou risquent sérieusement de l’être.
Même si le risque d’une crise systémique de la dette souveraine demeure faible, des taux d’intérêt plus élevés dans les économies avancées pour inverser le flux des capitaux vers les marchés en développement. À cela s’ajoute un billet vert robuste, ce qui accentue les tensions pour les pays dont une grande partie de la dette est libellée en dollars.
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Bond de l’inflation, pénurie d’énergie et conflit en Ukraine : des défis pour les entreprises, selon les Services économiques d’EDC
Les vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement ont été mises en évidence lors de la crise sanitaire. Toutefois, les risques posés par des réseaux de production intégrés seront toujours présents une fois la pandémie terminée. Une météo extrême, l’incertitude géopolitique et même une nouvelle pandémie mondiale pourraient facilement perturber les chaînes d’approvisionnement. En réponse, les fabricants augmentent leurs stocks et les entreprises cherchent un meilleur équilibre entre résilience et efficience.
Tandis que les entreprises consolident leur production, les gouvernements adoptent aussi des politiques industrielles visant à protéger des secteurs stratégiques et réduire leur dépendance économique. Le risque que la mondialisation marque le pas ajouterait des coûts aux consommateurs et aux contribuables, et mettrait en péril la création de richesse pour des nations commerçantes, comme le Canada.
Les répercussions du conflit entre la Russie et l’Ukraine de même que les sanctions imposées à l’encontre de la Russie à l’initiative de l’Occident ont bouleversé l’offre de produits de base essentiels et soulevé des interrogations au sujet des réseaux de transport traditionnels. Même si notre scénario de référence prévoit une guerre d’usure comme étant le scénario le plus probable, une escalade et une expansion du conflit au-delà des frontières de l’Ukraine et la participation d’autres acteurs continuent de poser un risque de dégradation des perspectives en raison de leurs répercussions sur l’inflation, la croissance et les marchés des capitaux à l’échelle du globe.
La guerre en Ukraine a exacerbé les pénuries d’aliments et d’énergie un peu partout sur la planète. La hausse des prix des carburants et des aliments – et notamment leurs effets inflationnistes – a accru l’incertitude économique et les troubles sociaux dans le monde. Par ailleurs, un marché de l’énergie sous tension a modifié le paysage géopolitique : des pays se mettent désormais à la recherche d’autres sources d’énergie, ce qui pourrait faire basculer le centre de gravité du commerce énergétique mondial des pays riches en pétrole aux pays riches en électricité.
Au fil de l’augmentation du coût des aliments et des engrais, les contrecoups de la crise alimentaire mondiale seront ressentis par les consommateurs et les gouvernements partout sur la planète. Dans plusieurs pays en développement, cette crise pourrait être dévastatrice : elle pourrait effacer certains des gains réalisés en matière de développement au cours de la dernière décennie, et aussi contribuer aux troubles politiques dans la plupart des pays de l’hémisphère Sud.
Face à la reconnaissance internationale de l’urgence d’agir pour relever les défis environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), les gouvernements et les acteurs industriels sont de plus en plus pressés de bonifier leurs engagements dans ces domaines. Pris au départ sur une base volontaire, ces engagements deviennent des exigences réglementaires mettant l’accent sur la convergence des normes et des cibles ESG. Les entreprises qui ne sont pas prêtes pour ces changements ou n’ont pas pris en compte le coût de la transition seraient exclues du marché.
Conclusion?
Le chemin qui nous conduira hors de la pandémie s’annonce difficile et parsemé de risques. Plusieurs de ces risques sont interreliés et interdépendants, sans doute plus qu’à n’importe quel moment de l’histoire récente. Nous espérons que notre souhait – à savoir que ces risques se dissipent doucement – sera plus qu’un Summertime Dream, comme le dit la chanson.
Nos plus sincères remerciements à Ella Fitzgerald, Bananarama, Ray Charles et Gordon Lightfoot et, bien entendu, aux analyses du Centre d’information économique et politique d’EDC pour leur contribution à la présente édition.
Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer (Economics@edc.ca) et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.