La pause au début de 2016 dans la sphère mondiale des politiques commerciales a été l’événement politico-économique le plus marquant depuis 10 ans. Après avoir franchi le seuil d’une nouvelle décennie, on peut se demander si cette pause persistera – et freinera en permanence la croissance – ou bien si 2020 y mettra fin.
Les derniers jours de 2019 ont soulevé un vent d’espoir, tout particulièrement la semaine du 9 décembre pendant laquelle on a fait une avancée majeure pour dénouer l’impasse commerciale entre les États-Unis et la Chine : soit une entente générale sur l’accord de la phase 1 ayant pour effet de reporter l’augmentation des tarifs douaniers et de réduire les tarifs. Pendant le congé des Fêtes, d’autres progrès dans les négociations ont été encore plus remarquables. En effet, lors de cette même semaine de décembre, une percée a été réalisée dans le dossier du Brexit – la première depuis le référendum de 2016. Le Parti conservateur de Boris Johnson a remporté une victoire éclatante et s’est vu confier le mandat de trancher le dilemme confrontant le Royaume-Uni. À cela s’ajoute la signature de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) qui a dissipé l’incertitude entourant l’avenir des échanges commerciaux nord-américains.
Même si l’évolution dans ses dossiers est manifestement positive, la résolution complète des différends ne se fera pas sans difficulté. Le président américain Donald Trump use sans ménagement des tactiques-chocs pour réaliser des gains, et pas seulement en matière de commerce extérieur, comme en témoigne l’instabilité récente au Moyen-Orient. Par ailleurs, le premier ministre britannique Boris Johnson semble revenir sur sa promesse de « refuser jusqu’à la tombe » d’en venir à une résolution avec l’Union européenne (UE) cette année – ce qui accroît l’incertitude quant au moment de la résolution dans le dossier du Brexit. Par chance, il n’y a aucune hésitation de ce genre sur la scène du commerce nord-américain, et espérons que cela durera.
Dans ces dossiers, il est capital que l’activité atteigne un niveau qui accroît la certitude à l’égard des flux commerciaux. Cette certitude apaisera les inquiétudes des entreprises au sujet de leurs projets d’investissements sur les marchés mondiaux. Nous ne sommes pas encore rendus là, et, en vérité, il ne sera pas facile de corriger cette situation. L’investissement commercial s’inscrit dans un horizon à long terme, et quand les entreprises redoutent d’investir dans des projets particuliers, elles ont besoin de beaucoup d’encouragement pour les convaincre d’aller de nouveau de l’avant. Après tout, les actionnaires sont impitoyables et pour nombre d’entre eux, les risques posés par des investissements audacieux sur les marchés mondiaux sont en ce moment trop importants.
Cette certitude calmera aussi les craintes à propos de l’organisation de la production. Ce n’est pas un secret : les chaînes d’approvisionnement ne tolèrent pas bien les turbulences. Ce sont des mécanismes finement ciselés, disséminés un peu partout sur le globe et régis par le « juste-à-temps » : leur fiabilité est par conséquent un élément fondamental de leur fonctionnement. En cas de perturbations, c’est toute la gamme de produits qui écope. Par ailleurs, les catastrophes naturelles ont révélé à quel point ces chaînes sont vulnérables sur le plan régional. Les bouleversements au chapitre de la politique commerciale ont fait les mêmes ravages sur les chaînes d’approvisionnement, qui souhaitent une plus grande constance dans l’ordre ultime régissant l’univers du commerce.
Est-ce là une utopie? La plupart des analystes le pensent. Dans leurs conversations quotidiennes, les novices tout comme les experts déplorent l’incertitude planant sur l’ordre actuel, et les décisions arbitraires et les gazouillis de grands leaders. Au milieu de ce tumulte, il est essentiel de distinguer les moyens utilisés de la fin recherchée. Dans le cas présent, la confusion et la volonté affichée de déstabiliser sont les moyens déployés et la fin un ensemble « bonifié » d’accords commerciaux. Depuis le début de la tourmente, il s’agit de la fin déclarée ou implicite de cette démarche. Compte tenu des progrès accomplis sur les trois principaux fronts, la fin devient de plus en plus évidente.
Pourquoi tous ces éléments appuient-ils une résolution des différends? Tout simplement parce que cela tombe sous le sens. Le coût des impasses dans le domaine du commerce et l’imposition de tarifs qui en résulte, de même que la construction de murs, la présence de mesures fiscales et d’autres obstacles au commerce servent un but précis – jusqu’à ce que les coûts transfrontaliers deviennent prohibitifs. Par exemple, un Brexit désordonné engendrerait pour le Royaume-Uni des coûts commerciaux et d’investissement représentant de 5 à 8 % du PIB, ce qui est dans les deux cas des conséquences plus dévastatrices que celles subies lors de la grande récession. Et puis, il y a l’incidence sur l’UE. Quant au conflit opposant les États-Unis et la Chine, ce qui est en jeu c’est la possibilité d’une récession mondiale – ce que personne ne désire. Les récessions causent de l’instabilité sur le marché intérieur et réduisent à néant les plans de réélection, surtout ceux qui se fondent sur des décisions prises dans la sphère des politiques. D’après nous, cette logique conduira à une résolution imminente des différends commerciaux. Parce que le ralentissement de l’activité est le signe que le temps nous est compté.
Conclusion?
Selon l’Équipe des services économiques d’EDC, la résolution des différends commerciaux majeurs sur la scène mondiale aura lieu avant la mi-2020. Jusque-là, tout va bien. Le moment qui marquerait un tournant durant cette décennie pourrait donc se produire au tout début de cet intervalle. En pareil cas, la trajectoire de l’économie mondiale serait considérablement différente, tout comme le sentiment général à l’égard de la voie suivie à long terme par la production à l’échelle mondiale.