En 2020, le monde a été le théâtre de nombreuses surprises : la troisième vague de la pandémie, les reconfinements, le feuilleton des élections américaines, le Brexit, les tensions commerciales et les problématiques sociales complexes. La dernière surprise en date ne passe pas inaperçue : la signature d’un nouvel accord commercial, le plus important de la planète à ce jour. Quand entrera-t-il en vigueur et quelles seraient ses répercussions sur le commerce mondial?
Le Partenariat économique régional global (PERG) a été signé le 15 novembre en marge du Sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). La signature de cet accord offre un net contraste par rapport à la récente rhétorique professée par le gouvernement américain et à celle utilisée à l'endroit du commerce mondial – dans les deux cas, une rhétorique assez négative sur le front de la libéralisation des échanges.
L'année 2016 a semblé marquer un tournant en raison du référendum sur le Brexit, des élections américaines mettant le commerce sur la sellette et de la montée du populisme à l'échelle internationale. Depuis, les États-Unis se sont retirés de l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) alors que les négociations dans le dossier du Brexit, à leur point culminant cette semaine, montrent à quel point il est difficile de trouver un consensus à l'échelle nationale et continentale. Avant la signature du PERG, l’avenir s’annonçait plutôt morose pour le commerce multilatéral.
Cet accord a de quoi imposer. Non seulement il permet de renverser la tendance, mais il contribue aussi à la création du plus important bloc commercial de la planète. Il réunit des pays comme l'Australie, la Chine, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud ainsi que 10 nations membres de l'ANASE. Il regroupe près de deux tiers de la population du globe et représente environ 30 % du PIB mondial et 28 % de l'activité commerciale de la planète. Ce partenariat aurait été encore plus imposant si l'Inde ne l’avait pas quitté.
Les experts planchent toujours sur le détail de l'accord, son texte n'étant pas disponible avant la signature. Il s'agit du premier accord à réunir la Chine, le Japon et la Corée du Sud – ce qui est un véritable tour de force compte tenu des récentes tensions régionales. Sa signature étant chose faite, l’accord doit être ratifié dans sa totalité par six nations de l'ANASE et trois pays non signataires de l'ANASE. D'après les spécialistes, dans bien des cas, ce ne sera pas là une mince tâche.
L'accord du PERG s'appuie sur les accords de l’ANASE+1 existants et cible un plus grand nombre de biens destinés au commerce. De fait, l'accord couvre 61 % des importations des pays membres de l'ANASE, auxquelles s'ajoutent celles de l'Australie de la Nouvelle-Zélande, de même que 56 % des importations chinoises et 49 % des importations de la Corée du Sud.
L’accord se démarque à plusieurs égards : sa flexibilité sur les règles d’origine, ce qui devrait faciliter la promotion des chaînes d’approvisionnement intrarégionales; des précisions accrues sur les flux de données relatives aux activités transfrontalières; un plus grand nombre d’exceptions consenties à pays que dans le PTGP, notamment dans l’agroalimentaire, le Japon appliquant des droits d’importation dans cinq secteurs où ces mêmes droits avaient été mis de côté.
Cet accord constitue une avancée, mais il est déjà perçu comme moins ambitieux et progressiste en tant qu’accord du PTPGP de nouvelle génération. Moins progressiste au chapitre des droits de la personne – ce qui n’est pas étonnant compte tenu de la perspective de la Chine. Et aussi moins avant-gardiste sur le front de la propriété intellectuelle, les enjeux liés au travail de même que les cibles et la réglementation en matière d’environnement. Et puis, fait notable, l’accord ne consacre aucun chapitre au règlement des différends entre investisseurs et États ainsi qu’à la question des entreprises publiques – deux sujets chauds dans la région.
Que faut-il en conclure? Trois choses : la première, c’est que malgré des progrès apparemment moins substantiels que dans le PTPGP, le PERG est un pas dans la bonne direction dans un monde où le commerce est mis à l’épreuve depuis quatre ans. La deuxième, sans doute encore plus importante, c’est qu’il s’agit d’un accord majeur auquel la Chine est partie sans la conclusion, en parallèle, d’un accord concurrent porté par les États-Unis. Le PERG représente sans doute l’initiative commerciale la plus significative en ce qu’il vient rapprocher des acteurs régionaux d’Asie et capter davantage leur attention dans la sphère commerciale. La question fondamentale sera de savoir si, à terme, l’activité des pays signataires gravitera davantage autour d’une superpuissance et d’un pôle de chaînes d’approvisionnement, et si c’est effectivement le cas, quels en seront les effets sur les politiques mondiales.
L’accord pourrait avoir une troisième conséquence dans un horizon à plus long terme : en effet, les États-Unis risquent d’avoir plus de difficulté à regagner du terrain dans la région. Le leadership américain initial dans le PTPGP a permis de réunir des pays en vue de la signature d’un accord et de les faire progresser dans la résolution d’enjeux déterminants, le tout dans l’optique d’assurer les échanges commerciaux de la prochaine génération. Enfin, comme des pays sont signataires de deux accords assorties de dispositions très différentes, déterminer quelles règles s’appliquent et à quel moment pourrait se révéler une tâche de plus en plus délicate.
Conclusion?
Le PERG, récemment signé, est une excellente nouvelle pour la mondialisation, mais il se trouve à abaisser la barre au chapitre des exigences des accords commerciaux de la prochaine génération. De plus, il est un autre indicateur de l’influence grandissante de la Chine et du début d’une nouvelle ère dans l’économie mondiale. Les exportateurs canadiens doivent rester à l’affût de ce type de développements. Voilà pourquoi nous nous devons d’intensifier notre présence sur le marché asiatique, aujourd’hui et à long terme. Pour ce faire, il faudra probablement nous adapter aux changements s’opérant en permanence sur les flux commerciaux.