Les conteneurs servant au transport maritime se font de plus en plus rares ces jours-ci. Et tous ceux qui en ont besoin pour expédier des biens un peu partout sur le globe paient le prix fort pour les quelques conteneurs à disposition. D’habitude, c'est là un « beau problème » : le signe d’une économie ayant le vent dans les voiles qui doit créer de la capacité pour poursuivre sur sa lancée. Toutefois, la rareté des conteneurs dans une économie plombée par une pandémie est une situation plus difficile à comprendre. Alors, quelles sont les causes de cette pénurie et comment impacte-t-elle les exportateurs canadiens?
Les conditions économiques étaient serrées au moment où a éclaté la crise de la COVID-19. Le chômage se trouvait à des creux cycliques, la croissance du revenu était solide et tout laissait croire à l’avènement de la conjoncture prospère qui est attendue depuis la crise financière et économique mondiale de 2008. Dans le contexte de cette activité économique très dynamique, il n’y avait pas de pénurie de conteneurs. Le prix des conteneurs avait certes augmenté, mais cela n’avait rien à voir avec l’envolée actuelle.
La pandémie a fait plonger les prix des conteneurs près de creux cycliques, mais ce repli a été passager. Les prix sont repartis à la hausse presque du jour au lendemain, et ils n’ont cessé leur ascension depuis. Par rapport au niveau d’avant la pandémie, l’indice HARPEX du coût du fret maritime a plus que doublé, et cela vaut pour tous les types de conteneurs. Dans un monde toujours préoccupé par le véritable état de la demande finale, de telles flambées des prix en amont soulèvent des inquiétudes d’un autre genre puisqu’ils compressent des marges déjà minces.
Le moment où s’opère la relance nous éclaire sur la nature même du problème. La Chine a été le premier pays frappé par la pandémie et, vraisemblablement, celui qui réussit mieux à la maîtriser. Même si les exportations chinoises de marchandises ont été mises à mal en février 2020, elles ont orchestré une reprise complète dans les deux mois qui ont suivi. Tous les autres pays ont vu leurs exportations se tasser en mars et en avril, et ils ont dû attendre juin pour retrouver des niveaux proches d’avant la pandémie. Le regain chinois a permis d’acheminer quantité de biens par conteneurs dans tous les ports du monde. Cependant, l’activité commerciale en berne a fait en sorte qu’ils sont demeurés vides et immobilisés. Au départ, cela ne représentait pas un problème en soi.
Or, la demande mondiale reprend du mieux. Les commandes pour les produits de la prochaine saison affluent. Par exemple, il faudra acheter tout un éventail d’appareils et d’éléments de finition pour mener à bien la construction de maisons neuves aux États-Unis. Les chaînes d'approvisionnement se remettent donc à tourner.
Si on assiste effectivement à un retour en force de l’activité économique, la pénurie de conteneurs risque de jouer les trouble-fêtes. Par chance, le marché pourrait venir à la rescousse de l'économie. À mesure que les coûts du transport maritime grimpent, la valeur des conteneurs vide s'accroît jusqu’au point où il y a une valeur à les envoyer là où il y a une demande. Les plateformes numériques chinoises sont déjà dotées de systèmes capables de localiser et acheminer des conteneurs vides depuis différents ports de la planète. Dans le même temps, face au redémarrage de l'activité commerciale dans plusieurs régions, il y a également une demande accrue à l’égard de conteneurs contenant déjà des marchandises.
Voilà ce qui pourrait se produire dans quelques mois. Pour le moment, la pénurie à court terme soulève une vive inquiétude, et certains redoutent même une inflation généralisée. C'est là un scénario improbable : l'économie possède encore une abondante capacité excédentaire et toute montée soudaine des prix serait sans doute temporaire et le signe révélateur que l'économie se redresse. Si tel est le cas, un peu d'inflation ne serait pas une si mauvaise chose.
Cela ne devrait pas nous surprendre. Mettre à l’arrêt l’économie est une chose; la relancer en est une autre. La capacité est sans doute là, mais le redémarrage prendra du temps après la mise en veilleuse pendant plusieurs mois de la main-d’œuvre, de la machinerie et des installations. Et même si c’était possible, on aurait du mal à persuader les chefs d’entreprise que cet élan ne s’essoufflera pas. Personne n’est prêt à faire tourner son entreprise à plein régime si la demande continue d’évoluer en dents de scie.
L’économie semble être confrontée à l’effet combiné de contraintes matérielles et psychologiques qui freine la croissance. La Chine est l’une des rares économies ayant réussi à gérer ces deux types de contraintes. En ce sens, on peut dire que la croissance est déséquilibrée, que les chaînes approvisionnement sont perturbées et qu’il faudra du temps pour que toutes les économies se synchronisent. La rareté des conteneurs pour le fret maritime est peut-être annonciatrice des contraintes avec lesquelles il faudra composer dans les semaines à venir.
Conclusion?
Les marchés sont généralement le mécanisme le plus efficace pour dénouer la crise entourant la pénurie de conteneurs et pour aplanir les obstacles qui entravent le redémarrage de l’économie mondiale dans un horizon à court terme. Il est possible que cette crise nous livre un double message : l’économie n’est pas si mal en point que certains l’affirment; et les premiers à agir profiteront d’un avantage concurrentiel indéniable.