Si des choses risquent de perturber notre bonne humeur de l’été, elles ont été très présentes depuis le début de l’année. En effet, les joies de la saison estivale pourraient être assombries par les craintes d’une récession, des taux d’intérêt plus élevés, de l’agitation sur la scène politique, des bouleversements de nature commerciale, les changements climatiques et la liste continue… Ces « contrariétés » pourraient facilement nous amener à revoir nos habituels plans de voyage, projets et dépenses discrétionnaires pendant la belle saison alors que nous nous préparons à passer du temps en famille et à refaire le plein d’énergie avant la rentrée de l’automne. Alors, l’été s’annonce-t-il difficile? La morosité s’est-elle vraiment installée du côté des consommateurs?

Quand les consommateurs ont le vague à l’âme, ils entraînent généralement tout le monde dans leur sillage. La raison? Ils forment un grand pan de l’économie. Lorsque leur niveau de confiance baisse et qu’ils sont moins enclins à dépenser, les entreprises, les acteurs du commerce international et les gouvernements tendent aussi à réduire leurs activités. Et la situation est encore pire lorsque la confiance s’effondre après une période d’euphorie chez les consommateurs – soit un dynamisme excessif capable d’alimenter l’activité du consommateur moyen pendant un bon moment. Alors, avec autant de raisons d’être maussades, que nous disent les consommateurs?

En un mot, tout à fait le contraire. Les sondages mesurant la confiance des consommateurs affichent pratiquement tous des résultats positifs. On est redescendu des sommets du présent cycle, mais les chiffres demeurent remarquablement bons. Aux États-Unis, de multiples enquêtes le confirment. Le déclin de l’indice de juin du Conference Board s’apparente à la descente une volée d’escalier depuis le sommet d’un gratte-ciel. Par ailleurs, dans le sondage réalisé par l’Université du Michigan, le repli n’a été que d’une marche ou deux. L’enquête sur les intentions d’emploi de la Fédération nationale des entreprises indépendantes relaie un message identique. 

Alors, le phénomène se limite-t-il au marché américain? Qu’en est-il dans le reste du monde? Malgré l’humeur maussade dans l’Union européenne, la confiance, même si elle n’avoisine pas les pics, reste proche des niveaux élevés d’après la récession. Les Européens sont dans l'ensemble pessimistes à propos du contexte économique général des 12 prochains mois, mais cela ne semble pas avoir changé la perception de leur situation financière ou de la probabilité qu’ils effectuent des achats importants pendant cet intervalle. Les fondamentaux semblent donc être en porte-à-faux avec les craintes exprimées.

Du moins, jusqu’à ce que l’on considère le point de vue des entreprises. Ici, l’optimisme n’est pas le point de vue faisant consensus. Pour preuve, l’indice de confiance commerciale publiée Moody’s Analytics est résolument négatif et poursuit son repli. Parallèlement, aux États-Unis, l’indice des responsables des achats (le PMI) est en constant recul et, bien que toujours en mode croissance, il se rapproche de la ligne de démarcation entre progression et déclin.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’humeur des entreprises est la même. Depuis janvier 2018, l’indice de confiance industrielle a glissé à son niveau le plus bas depuis la quasi-reprise observée après la récession à double creux ayant frappé le continent européen. Pour leur part, les manufacturiers voient leurs activités dans le rouge, vu les perspectives négatives accolées à la zone euro depuis les cinq derniers mois. Pour ce qui est de l’économie allemande, tributaire du commerce, elle a été particulièrement éprouvée.  

Les marchés émergents ne disent pas le contraire. Le PMI global pour le secteur industriel frôle la ligne de démarcation croissance-déclin depuis septembre dernier, et en juin il est passé en territoire négatif pour la deuxième fois depuis la mi-2016. L’indice chinois des manufacturiers a aussi glissé en territoire négatif, tandis que celui de l’Inde, en baisse par rapport aux niveaux précédents, devrait prendre du mieux. Les autres marchés BRICA (le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), notamment la Chine, s’attendent à une contraction au cours des six prochains mois.

Les chiffres révèlent ainsi un net renversement des rôles. Pendant des années, les consommateurs estimaient qu’on ne leur faisait pas de cadeaux et qu’ils contribuaient le plus à l’activité d’une économie qui, année après année, réalisait une performance décevante. Les entreprises, de leur côté, se sont restructurées et ont appris à prospérer contre vents et marées. Aujourd’hui, les consommateurs ont le vent dans les voiles, tandis que les entreprises se montrent plus pessimistes et incertaines au sujet des actions à prendre. Voilà un curieux paradoxe.

Vraiment? Est-il possible que les consommateurs établissent un lien erroné entre, d’une part, les turbulences commerciales et, d’autre part, leur prospérité, le faible chômage et d’autres éléments qui prédominent? Si c’est le cas, le soutien populaire aux politiques risquerait de provoquer un retrait chez les entreprises. L’hésitation actuelle à investir, si elle persiste, finira par peser sur les plans d’embauche – et jouer les trouble-fête de la consommation.

Conclusion?

Le paradoxe actuel de la confiance témoigne de la présence de visions divergentes. Les consommateurs s’attendent à une amélioration immédiate de la conjoncture et, malgré les nouvelles inquiétantes faisant la une, ils sont prêts à mettre leur plan de dépenses à exécution. Les propos et les actions des entreprises se situent aux antipodes. La résolution d’une partie des enjeux commerciaux pourrait nous aider à sortir de ce dilemme!