L’automne dernier, les dirigeants de la planète se sont réunis à Glasgow pour signer la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques dans le but d’atteindre plus rapidement les objectifs de l’Accord de Paris de 2015. Il est difficile de dire si la COP26 a produit les résultats attendus. Chose certaine, elle a changé le discours entourant la transition énergétique mondiale. Cette transition, notamment son ampleur et sa portée, est un sujet sensible qui divise. Pourtant, la décarbonisation du secteur mondial de l’énergie est reconnue presque partout comme une étape importante pour diminuer les émissions mondiales de CO2 et atténuer les effets des changements climatiques. Mais est-ce que l’offre de métaux et de minéraux essentiels pour cette transition pourra suivre la cadence?

Pour réussir la transition décrite dans la feuille de route historique vers la carboneutralité d’ici 2050 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il faudrait porter la contribution du solaire, de l’éolien et de l’hydroélectrique à 60 %  – elle est actuellement de 10 % –, ce qui exigerait de bonifier les capacités en énergie renouvelable au cours de la décennie à venir. Pour le solaire, l’AIE estime qu’il faudrait ajouter chaque jour pendant dix ans l’équivalent du plus grand parc éolien du monde. Pour électrifier l’économie, une modification des applications en aval serait nécessaire. Dans le cas des véhicules électriques, les ventes mondiales devraient passer de 9 % à plus de 30 % durant cet intervalle.

Ce virage ferait augmenter la demande en cuivre, en silicium, en argent, en zinc, en minerai de fer et en aluminium. À cela s’ajouterait la demande en lithium, en nickel, en manganèse et en cobalt pour la fabrication des batteries de véhicules électriques, puis la demande en métaux pour les réseaux de transmission et de distribution, les bornes de chargement et les adaptations à d’autres infrastructures. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la transition énergétique pourrait faire croître la demande en métaux jusqu’à 3 milliards de tonnes durant les prochaines décennies. En se basant sur une hausse inférieure à 1,5°C, Wood Mackenzie – une grande société d’experts-conseils servant les secteurs de l’énergie, des produits chimiques, des métaux et des mines –  prévoit d’ici 2040 un bond de la demande : il serait de plus de 60 % pour le cuivre et l’aluminium; de plus du double pour le nickel; et multiplié par quatre et 12 pour le cobalt et le lithium, respectivement. 

Même dans un scénario moins ambitieux, la progression de la demande serait de nature transformative. Compte tenu des taux de production actuels, l’offre serait beaucoup moins importante que la demande. Il serait compliqué de combler cet écart vu la concentration géographique des ressources naturelles. Les compagnies minières pourraient choisir d’être présentes dans des pays présentant une situation plus complexe en matière de risques politique et réglementaire. C’est le cas du cobalt : plus de 70 % des réserves internationales se trouvent en République démocratique du Congo, qui est le premier producteur  mondial. Devant l’intérêt commercial grandissant envers les métaux essentiels, on redoute une nationalisation de ce secteur dans certains pays. 


La quête des matériaux facilitant la transition vers des énergies propres soulève souvent une opposition de la part de groupes s’inquiétant des impacts sur l’environnement et sur les collectivités locales. La Serbie a récemment révoqué des licences d’exploration de gisements de lithium après le blocage de routes par des milliers de manifestants contestant – en raison de préoccupations environnementales – la décision du gouvernement de soutenir un projet de 2,4 milliards de dollars. Aux États-Unis, les pouvoirs publics ont bloqué des projets pour des motifs liés à l’environnement, même si le pays a besoin d’obtenir des métaux précieux et de réduire sa dépendance envers l’étranger. L’administration américaine actuelle a dernièrement annulé la déclaration d’approbation des impacts environnementaux qui avait été délivrée pour une mine en Arizona, la communauté locale s’étant opposée au projet.

Aujourd’hui, l’accès à des métaux stratégiques est un enjeu de sécurité nationale pour les gouvernements, alors que les prix des matières premières s’envolent. Il est aussi un enjeu stratégique pour les entreprises : les utilisateurs en aval optent pour une intégration verticale, une offre localisée et une réduction de l’empreinte carbone; des nouveaux venus – et ils sont nombreux – souhaitent tirer parti de ce contexte et font leur entrée sur le marché. Pour les cinq principaux métaux de la transition, il est question de milliards, et même de milliers de milliards de dollars, pour les dix prochaines années. Voilà qui favorisera la R-D et l’innovation, et incitera les acteurs à tirer profit des technologies actuelles et à préparer la voie pour de nouvelles.

Conclusion?

À  l’évidence, il faut réduire les émissions de CO2 générées par la consommation d’énergie mondiale. Ce sera un défi dans une économie toujours dépendante des sources d’énergie traditionnelles. La transition énergétique va faire augmenter l’offre de métaux essentiels. Les tensions sur les prix pourraient donc amplifier les tendances actuelles en matière d’inflation.

Malgré tout, les occasions abondent pour les entreprises et les pays qui s’y sont préparés. En effet, cette transition stimule la recherche et l’innovation dans des technologies servant à prolonger ou optimiser la durée de vie des batteries, à recycler des matériaux ou à opérer le virage vers d’autres sources d’énergie. Au fil de l’histoire de l’humanité, les perturbations économiques majeures ont ouvert la voie à de nouvelles catégories de gagnants. Ce sera aussi le cas durant la transition énergétique.

Nous adressons des remerciements tout particuliers à Joanna Zhong, analyste quantitatif des Services économiques d’EDC, qui a collaboré à la rédaction du Propos de cette semaine.