Préoccupé par la conjoncture mondiale? Vous avez sans doute de bonnes raisons de l’être. Aujourd’hui, la liste des sujets de préoccupation semble interminable et en constante évolution. Au milieu du chaos, il est tentant de jeter l’éponge… Heureusement, le palmarès mondial des dix principaux risques établi par les Services économiques d’EDC fait connaître aux exportateurs les menaces les plus inquiétantes.
De nos jours, le changement semble le maître mot : des technologies perturbatrices, comme l’intelligence artificielle, en passant par les diverses répercussions des changements climatiques. En réaction au rythme du changement, les citoyens de pays comme le Brésil et la Hongrie élisent des gouvernements populistes et leur donnent le mandat de mettre fin au statu quo. Cette tendance est à l’origine de l’émergence et la progression du protectionnisme mondial. L’une des manifestations évidentes de ce risque, qui trône en tête de notre classement, est la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine. Ce différend impacte non seulement ces deux économies, mais il freine aussi la croissance mondiale. Si ce conflit s’enlise, il pourrait avoir des effets durables sur l’investissement, les chaînes d’approvisionnement mondiales et les flux commerciaux.
Les entreprises canadiennes paieraient le prix fort advenant des modifications au système régissant le commerce international. Pour l’heure, la plupart des regards se tournent vers nos voisins du Sud. Le risque de l’Amérique forteresse a cependant glissé au deuxième rang de notre palmarès en raison de la signature, à la fin 2018, d’un nouvel accord commercial entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Cela dit, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines : l’accord renégocié, soit l’accord Canada-États-Unis-Mexique (le CEUM), doit être ratifié par le gouvernement des pays signataires, et les droits de douane pesant sur les exportations canadiennes d’aluminium et d’acier n’ont toujours pas été levés.
Ces deux risques en provenance du marché américain menacent la croissance mondiale. Pourtant, les États-Unis sont un puissant moteur de cette croissance, et parfois l’unique moteur. Cependant, on s’inquiète de plus en plus de la possibilité d’une récession mondiale dont nous serions nous-mêmes la cause. Malgré la solidité des fondamentaux de la croissance, les mésaventures en matière de politique commerciale compliquent les plans d’investissement à l’échelle du globe – des plans d’une importance primordiale pour la pérennité de la croissance.
Le risque du Brexit grimpe dans notre palmarès de cette année en raison de la probabilité d’une absence d’accord d’ici la fin mars relativement au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le temps presse et l’incertitude grandit si bien que la possibilité d’une sortie désordonnée ou d’un retard s’accroît. Pour les exportateurs canadiens, cette situation soulève des enjeux essentiels comme le maintien de l’accès au marché du Royaume-Uni et la durabilité des accords avec l’UE. D’ailleurs, les compagnies canadiennes ont déjà mis en branle des plans d’urgence.
Alors même que le Royaume-Uni se prépare à couper les ponts avec l’Europe – avec ou sans accord –, les États-Unis affirment leur désengagement sur la scène mondiale. Le risque posé par l’isolationnisme américain, créateur d’un vide géopolitique, devient de plus en plus réel à mesure que les États-Unis renoncent à leur rôle de leader sur la scène mondiale. Dans de nombreux dossiers – dans les domaines du commerce (le Partenariat transpacifique), de l’environnement (l’Accord de Paris) et la sécurité (l’OTAN) –, Washington a indiqué qu’elle adopterait une approche différente. Cette position a eu un impact immédiat sur les entreprises canadiennes. Les États-Unis se faisaient auparavant le défenseur de nos valeurs et nos intérêts; à l’avenir, le Canada pourrait devoir faire cavalier seul et trouver d’autres alliés dans des dossiers de première importance pour notre pays.
Sur le plan géopolitique, il ne sera pas simple de préserver la stabilité. Pour sa part, l’économie mondiale s’aventure aussi en territoire inconnu puisque les banques centrales poursuivent le retrait des liquidités excédentaires injectées sur le marché dans le cadre de leur politique d’assouplissement quantitatif. Certains pays en ont profité : ils doivent maintenant réduire leur endettement excessif et sont incapables d’honorer leurs obligations de paiement. En 2018, nous avons vu ce qui peut arriver aux pays vulnérables sur le plan économique, notamment la Turquie et l'Argentine, qui ont utilisé sans modération le crédit bon marché. La question est désormais de savoir si la situation est maîtrisée ou si elle annonce une vague de défauts souverains sur les marchés émergents.
Et puis il y a un autre risque, celui d’une crise du crédit ou financière en Chine. Depuis un certain temps déjà, la dette de la Chine grimpe – et rapidement. Les perspectives de croissance très positives de l’économie chinoise pour 2019 s’expliqueraient par un rééquilibrage de l’économie et le programme de réformes du gouvernement, plutôt que par le recours à l’endettement. En fait, les autorités chinoises de réglementation cherchent à enrayer le problème de la propagation d’un secteur bancaire parallèle afin de remédier aux déséquilibres du système financier. Or, si le resserrement des conditions financières n’est pas effectué correctement, il pourrait nuire aux autres secteurs de l’économie chinoise et peut-être même aux entreprises canadiennes présentes sur ce marché.
Un risque fait partie de notre palmarès depuis quelques années : la menace d’une cyberattaque de grande ampleur. Ce genre d’attaques s’étant déjà produit – aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, entre autres –, le risque d’ingérence étrangère pendant les élections d’octobre au Canada est un risque majeur redouté par les décideurs. Les entreprises canadiennes sont aussi sur le qui-vive : dans une enquête sur la sécurité réalisée en 2018 par l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet, 88 % des répondants ont exprimé des inquiétudes quant à la perspective de cyberattaques; rappelons que l’an dernier, le coût moyen des défaillances touchant les systèmes de sécurité s’est élevé à 3,86 millions de dollars américains.
Les États-Unis réduisant leur rôle dans les affaires internationales, les garde-fous devant assurer la stabilité sont menacés. Dorénavant, le rôle d’arbitre n’est plus joué par un seul pays – les États-Unis –, mais par plusieurs. Le risque d’une guerre entre États fait écho à cette nouvelle donne, qui, selon les Services économiques d’EDC, accroît la probabilité d’un conflit, notamment dans la mer de Chine méridionale ou entre l’Occident et la Russie. Le risque d’un conflit dans la péninsule coréenne ne figure plus à notre palmarès en raison des efforts diplomatiques qui ont été déployés, mais cette région pourrait rapidement revenir instable.
Un nouveau risque occupe la dixième position de notre palmarès : la fragmentation de l’UE. L’inquiétude gagne les capitales européennes. La plus solide dirigeante de l’Europe des dix dernières années, Angela Merkel, passe le flambeau; en France, le président Emmanuel Macron est aux prises avec un mouvement de manifestations; quant au Royaume-Uni, il est paralysé par le dossier du Brexit. Si une nouvelle crise financière éclatait en Grèce, qui prendrait la situation en main afin de calmer les marchés et de mettre en place un plan de sauvetage? Ce ne sont plus uniquement les pays en périphérie qui pâtissent; la confiance est aussi ébranlée dans les pays fondateurs de l’UE.
Conclusion?
Les risques sont nombreux et intimidants, mais il faut y faire face. Mieux vaut se doter de stratégies pour traverser ces turbulences et établir les mesures à prendre au cas où ces scénarios se réaliseraient. L’atténuation des risques financiers internationaux compte parmi ces mesures – et c’est justement la spécialité d’EDC.