Le ralentissement mondial éveille une inquiétude : celle que la baisse de la cadence ait un impact sur des pays en particulier. D’habitude, l’Inde ne figure pas sur ce genre de liste en raison de sa capacité à afficher une croissance exceptionnelle pendant plusieurs années, son vaste potentiel, sa stabilité actuelle sur le plan politique et son exposition plus réduite aux facteurs extérieurs. Pourtant, les récentes statistiques de l’économie indienne suscitent des interrogations quant à la trajectoire à court terme de la croissance du sous-continent. L’Inde est-elle en difficulté?

Le deuxième trimestre de cette année a été décevant pour une foule d’économies, dont un nombre inquiétant a frôlé la récession. Les chiffres du PIB de l’Inde pour le deuxième trimestre ont causé la surprise, le tigre indien inscrivant sa croissance la plus terne – soit d’à peine 5 % – en plus de six ans. Ce fléchissement est aussi présent dans les indicateurs de haute fréquence : en effet, d’une année sur l’autre, les ventes dans le secteur automobile ont chuté de 41 % depuis le mois d’août. Alors, le refroidissement du moteur économique mondial a-t-il donné à l’Inde un bon rhume… ou pire encore?

Le contexte extérieur moins favorable a sans doute joué un rôle, mais uniquement de second plan. La croissance des exportations sera mitigée étant donné le manque de fermeté de la demande mondiale et les inquiétudes persistantes dans la sphère du commerce international. L’exposition relativement faible de l’Inde aux soubresauts de l’activité commerciale en limitera l’incidence sur l’économie en général. Après tout, au pays, la contribution des exportations et des importations au PIB est de seulement 21 % et 24 % respectivement, soit bien en deçà de l’exposition de la Chine et d’autres économies émergentes; d’autre part, en Inde, l’investissement direct étranger pèse pour moins de 2 % du PIB.

L’Inde semble être elle-même responsable de ce début d’essoufflement de l’activité. Ce repli, qui est dans l’air depuis un certain temps, s’explique par l’impact du décret de démonétisation, adopté en novembre 2016, et par la mise en place d’une nouvelle taxe sur les biens et services en juillet 2017. En ajoutant à cela l’annonce d’une série de fusions de banques gérées par l’État et l’incertitude entourant les politiques après la réélection de monsieur Modi, les motifs d’une pause de la croissance deviennent évidents.

La situation risque-t-elle de s’aggraver? On peut en douter. L’économie indienne continue de profiter de fondamentaux robustes. De plus, les améliorations de la productivité de la main-d’œuvre sur le marché intérieur et la croissance démographique, notamment celle des ménages ayant un revenu moyen et élevé, demeurent des piliers de la croissance potentielle à moyen et à long termes, laquelle se situe dans la fourchette de 7,5 % à 7,8 %. Par ailleurs, le gouvernement Modi, réélu avec une majorité, semble déterminé à prendre des mesures et engager des réformes appuyant la croissance.

Une réponse est en train de s’organiser dans un horizon à court terme. Le mois dernier, le gouvernement a exigé que les ministères et les agences de niveau fédéral remplacent leur vieux parc automobile; le gouvernement a également reçu un dividende de 25 milliards de dollars en « capitaux excédentaires » de la banque centrale afin de soutenir les mesures de relance; il a aussi annoncé la réalisation d’un plan d'infrastructure dans le cadre d’un partenariat public-privé totalisant 1 300 milliards de dollars; enfin, il a ordonné la consolidation des banques publiques du pays en vue de relancer la croissance du crédit. Pour sa part, la banque centrale a assoupli sa politique monétaire et réduit ses taux à quatre reprises, et une autre baisse est attendue en octobre.

Il y a plus : la faiblesse des cours pétroliers à l’échelle mondiale a aidé l’Inde à résorber son déficit de son compte courant pour le faire passer à tout juste 0,6 % du PIB, ce qui est bien inférieur au seuil de 3 % jugés insoutenable par le Fonds monétaire international lorsque le baril de pétrole atteignait les 100 dollars. La saison de la mousson est une autre raison poussant à l’optimisme. De fait, plus de 60 % de la population indienne habitent dans des zones rurales qui dépendent de la mousson. À ce jour, on observe une augmentation de 34 % des pluies par rapport aux deux mois précédents, ce qui est une évolution positive pour la production.

Le maintien d’une croissance soutenue dépendra des progrès accomplis en matière de politiques. Le premier ministre Modi est bien connu pour la conduite de réformes favorables aux entreprises qui ont catapulté l’Inde en 2019 au 77e rang sur 190 économies du Classement selon la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale, alors que le pays occupait le 130e rang en 2014. On fonde de grands espoirs sur le fait que le second mandat consécutif de ce gouvernement majoritaire donnera lieu à d’autres réformes ambitieuses, même si en début de mandat les mesures visant davantage les politiques ont brouillé les perspectives.

Dans l’ensemble, les perspectives à court terme de l’économie indienne semblent éclatantes. La croissance très dynamique des dernières années a fait naître des aspirations chez la population indienne en générale, et les avancées dans le domaine des politiques ont créé un intérêt mondial envers le potentiel à long terme de l’économie indienne.

Conclusion?

Devant le vacillement de la croissance, les analystes, les investisseurs et les décideurs s’interrogent sur la stabilité actuelle de l’économie de l’Inde. Il faudra surveiller l’évolution de ce dossier, mais le gouvernement indien dispose de plusieurs outils pour bonifier la performance immédiate et de plans pour actualiser le potentiel à long terme. Les perspectives actuelles et futures restent donc très favorables.