Les choses s’annonçaient bien pour le secteur mondial de l’automobile en 2020. La demande annuelle en véhicules aux États-Unis – le principal marché d’exportation du Canada – était près d’atteindre le sommet cyclique récent et de se stabiliser autour d’un plateau solide. La capacité de production des équipementiers en activité en Amérique du Nord était en expansion grâce à des investissements substantiels dans le segment hautement concurrentiel du développement technologique, et ce, dans le but de surfer sur l’immense vague de remplacements des véhicules. Comment la COVID-19 a-t-elle changé les choses?

Des chaînes d’approvisionnement bien établies et sophistiquées sont une caractéristique de l’efficacité du secteur automobile mais elles sont immédiatement devenues le talon d’Achille de l’industrie lorsque la crise de la COVID-19 a frappé. Le secteur de l’automobile est désormais considéré comme l’un des plus vulnérables aux effets de la pandémie mondiale. Selon S&P Global Ratings, le secteur subit la plus forte tension baissière sur les cotes des débiteurs. Au Canada, le secteur automobile a l’un des plus hauts taux de dépendance aux importations de biens intermédiaires parmi tous les secteurs. Habituellement, les fournisseurs automobiles gardent au moins deux mois de stock de pièces provenant d’Asie. À noter qu’il faut normalement compter entre 30 et 60 jours pour que les nouvelles expéditions en provenance de Chine arrivent en Amérique du Nord. Les bouleversements touchant les chaînes d’approvisionnement en Asie peuvent donc avoir des conséquences notables sur l’activité.

Tandis que l’épicentre du virus se déplaçait – d’abord de la Chine vers l’Europe, puis vers les États-Unis –, les directives nationales de confinement ont entraîné la fermeture temporaire des usines et, dans une large mesure, tenu les acheteurs à l’écart des salles de démonstration des concessionnaires. La baisse de 80% des ventes de véhicules en Chine a secoué le monde. 

Et avant de mettre leurs installations temporairement à l’arrêt, les équipementiers mondialisés et une multitude de fournisseurs ont été confrontés à la sombre perspective d’une pénurie de pièces provenant de Chine. 

En Europe, presque toutes les usines de fabrication automobiles ont fermé en mars, et les données sur la production ont suivi l’exemple de la Chine. Avril devrait donc être encore plus désastreux. L’Association des constructeurs européens d’automobiles estime que la production perdue dans la zone avoisine les 2,2 millions d’unités, soit environ 10 % de la production totale en 2019.

Les mises à l’arrêt ont affecté les usines de montage de véhicules aux États-Unis autour de la mi-mars, la santé des employés étant devenue une préoccupation de premier plan. Les équipementiers du Canada et du Mexique ont suivi. On s’attend à ce que les plans de retour au travail soient graduels et étalés dans le temps dans les différents territoires en raison des vives préoccupations entourant la sécurité des employés, les attentes d’une demande en berne et des possibles perturbations des chaînes d’approvisionnement. La plupart des équipementiers américains et canadiens envisagent de reprendre les activités de montage à la mi-mai, alors que le Mexique pourrait attendre le mois de juin. Dans son analyse du secteur mondial, IHS Markit estime que cet échéancier se traduirait par la perte de 2,8 millions d’unités, soit l’équivalent d’environ 17 % de la production totale de 2019.

Sur le front de la demande, les ventes annuelles de véhicules neufs aux États-Unis sont descendues à 11,3 millions d’unités en mars (-34 % d’un mois à l’autre), et à seulement 8,6 millions d’unités en avril (une chute supplémentaire de 24 %). 

Ce chiffre, le plus bas depuis 1980, rend compte de l’incidence d’un mois de confinement. En comparaison avec la dernière crise mondiale, la diminution des ventes, mesurée entre le pic et le creux, devrait être plus marquée et aussi plus rapide. Les prévisions clés du secteur montrent actuellement qu’entre 12,5 et 12,9 millions d’unités seront vendues en 2020 aux États-Unis, soit un recul d’environ 25 % par rapport à 2019, à condition qu’il y ait un raffermissement de la demande au second semestre de 2020.

L’industrie de l’assemblage du secteur canadien de l’automobile subit une baisse tendancielle. Ces dernières années, le Sud des États-Unis et le Mexique ont reçu la part du lion des nouveaux investissements visant à renforcer la capacité de production pour l’assemblage des véhicules légers. L’arrêt ce type d’activités aux installations de GM à Oshawa illustre la contribution décroissante du Canada à la fabrication de véhicules légers en Amérique du Nord, passant de 17 % en 2010 à 11 % aujourd’hui. Le Canada a également sous-performé au chapitre de la production de véhicules en Amérique du Nord pour le mois de mars. Cette performance en glissement annuel a chuté de 28 % aux États-Unis, de 25 % au Mexique et de 34 % au Canada.

Conclusion?

La COVID-19 a frappé le secteur de l’automobile en pleine saison forte, mais ses effets ont été dévastateurs. Les perspectives de l’industrie vont dépendre essentiellement de la rapidité de la reprise des ventes. Une fois que les choses se seront rétablies, l’avenir de l’industrie se tournera alors vers les considérations d’investissement. Il est déjà question de consolidation régionale comme moyen de sécuriser les chaines d’approvisionnement. Les ventes pourraient souffrir considérablement si un changement permanent vers un commerce plus virtuel en ligne décime les déplacements quotidiens comme les allers-retours au travail et augmente le recours à la livraison à domicile. Ne comptons pas sur une consolidation significative de l’industrie pour changer la donne. D’un autre côté, n’oublions pas non plus la capacité de créativité et d’innovation de cette industrie. La vitesse à laquelle la production du secteur s’est modifiée pour les EPI et les appareils de ventilation témoigne de sa perspicacité, de son adaptabilité et de son ingéniosité. Des qualités qui suggèrent que les joueurs canadiens vont définitivement être de la partie pour encore longtemps.