Les indicateurs économiques avancés ont un nouveau rival qui, sans contredit, leur dame le pion. En effet, les données liées à l’infection de la COVID-19 sont ces jours-ci devenues l’indicateur avancé le plus fiable de l’activité économique partout sur le globe. Toute flambée des cas d’infection entraîne des mesures de confinement qui plombent l’économie. Maîtriser ou résorber ces nouveaux foyers permet de lever partiellement ou complètement les mesures de confinement, ce qui à son tour imprime une nouvelle impulsion à l’économie. Ce qui pose problème ici, c’est la poignée de modèles pouvant prédire l’évolution de la pandémie et le vaste éventail des réponses publiques. Alors, que nous dit cet indicateur avancé?
Avant de répondre à cette question, prenons un moment pour parler de cet indicateur. D’habitude, nous devons attendre 30 ou 60 jours – voire plus longtemps – suivant la période de référence pour obtenir les données décrivant la situation observée. Durant une pandémie, cet intervalle semble durer une éternité. Les données sur la COVID-19 sont une exception notable, puisqu’elles sont actualisées toutes les 20 minutes dans les principaux pays du monde et présentées par sous-régions. Ces données en temps réel à l’échelle internationale ont quelque chose d’absolument inédit.
Dans cette conjoncture, les gouvernements prennent des décisions plus rapidement. Les mesures de confinement sont appliquées en fonction des taux d’infection : c’était vrai en Chine aux premiers jours de l’épidémie, et c’est toujours vrai dans les pays encore aux prises avec la première vague. Ces taux se manifestent dans la chute vertigineuse des données économiques – d’une manière à peine imaginable. Pour preuve : le repli de l’activité d’au moins 80 % dans le secteur automobile et de 75 % dans celui des vols internationaux, la mise à l’arrêt du commerce de détail et les incidences sur les chaînes d’approvisionnement sont autant d’éléments justement exprimés par les données relatives à la pandémie. Cette conclusion n’a toutefois en rien atténué le choc de la pandémie.
Par chance, ces données peuvent aussi annoncer de bonnes nouvelles… jusqu’ici, du moins. Le fait d’aplatir la courbe et de redémarrer graduellement l’activité a bonifié les données d’avril en Chine. Même si nous travaillons encore à déterminer l’ampleur des répercussions économiques au mois de mai, une chose est sûre : le retour au travail d’une partie de la main-d’œuvre s’est traduit par des gains importants. Si les données liées au virus sont aussi pertinentes qu’on le pense, les chiffres de juin sont très prometteurs.
Si rien n’avait entravé cet élan, nous aurions assisté à une relance en V traditionnel, soit à un retour au niveau d’activité d’avant la pandémie d’ici la fin de l’année. Et il y a fort à parier que la plus grave menace à cette amélioration est le message livré par les données actuelles sur le pandémie. On constate déjà une deuxième vague d’infections en Chine, au Japon et à Singapour, et les pires cas sont signalés dans des États américains clés. Dans ce contexte, un nouveau ralentissement de la croissance mondiale représente un danger bien réel.
Les incidences sur l’économie dépendent en grande partie des actions prises par les gouvernements. On a eu recours à divers types de confinement. Celui à Wuhan était très strict : on a bouclé la zone touchée en prenant soin de laisser tourner l’économie des autres régions du pays. À Tokyo, le confinement a mis à mal le PIB du Japon. Enfin, aux États-Unis, les rigoureuses mesures de confinement adoptées à l’ensemble de certains États américains ont eu des effets sensibles. Ce tableau laisse présager un fléchissement de la croissance au troisième trimestre.
Voilà qui est déprimant. L’économie serait-elle sur le point de connaître un nouveau revers? À ce jour, impossible de l’affirmer. Éprouvées par le quasi-suspension de l’activité à la suite du confinement, les économies ne souhaitent pas revivre pareille situation et optent pour un confinement localisé. D’ailleurs, la possibilité d’une deuxième série de mesures de confinement à l’ensemble des États américains constitue l’une des plus grandes menaces à la croissance mondiale.
Pour éviter ce scénario, il faudra aplatir la courbe et, à terme, maintenir des taux d’infection plus faibles. À l’heure actuelle, la meilleure solution réside dans le choix de politiques publiques judicieuses. Même si une relance complète peut s’opérer en son absence, le développement d’un vaccin aurait un double avantage : il abaisserait les taux d’infection et donnerait aux consommateurs tout comme aux entreprises la confiance voulue pour se réapproprier les espaces publics et interagir. À ce stade-là, un formidable élan pousserait l’économie vers la normalité.
Conclusion?
Les fluctuations de ce nouveau baromètre de l’économie – le plus efficace qui soit – nous mettent à l’épreuve. Dans ses prévisions, les Services économiques d’EDC tablent sur un nette embellie qui nous amènera progressivement vers un niveau normal d’activité, dans un contexte où la deuxième vague d’infections pèsera sur la demande et la production. Jusqu’ici, face à de nouvelles éclosions, les gouvernements sont parvenus à contenir le virus et à maintenir la reprise sur les rails. En cas d’échec sur ce front, il y aurait de répercussions évidentes sur l’économie et un nombre limité de solutions pour remédier à la situation, d’où l’importance d’agir promptement dans la foulée des éclosions de la deuxième vague. Vu l’ampleur des enjeux, il est impératif de rapidement mettre en place des mesures pour endiguer cette nouvelle vague. À ce chapitre, les conséquences de l’inaction pourraient se révéler coûteuses...