Les contraintes pesant sur les chaînes d’approvisionnement sont la préoccupation de l’heure des exportateurs canadiens. Et pour cause : certaines matières premières et certains produits finis de première importance se font plus rares, et même si ce n’est pas le cas, ils risquent de se retrouver coincés dans un port à l’autre bout de la planète. Compte tenu de la pénurie criante qui touche le secteur du transport maritime – pénurie de navires, de conteneurs, de camions et de main-d’œuvre à toutes les étapes du transport –, les entreprises sont peu à peu gagnées par un vent de panique. Quelle est la nature du problème et existe-t-il un moyen d’y remédier?
Tout cela a une triste impression de déjà vu. Rappelons-nous : en 2004, les installations portuaires le long de la côte Ouest des États-Unis étaient encombrées par des navires dans l’impossibilité de décharger leur cargaison en raison des capacités limitées de transport par camion et par train, et de la congestion dans les infrastructures urbaines à proximité d’installations portuaires névralgiques. En guise de réponse à cette crise, on avait débloqué des fonds et formé des conseils de surveillance en matière de politiques afin d’éviter que pareil scénario se répète.
Pourtant, les moyens mis en œuvre ne semblent pas avoir fonctionné. Tout d’abord, il y a une pénurie de navires. Les tarifs des navires-citernes et des porte-conteneurs ont bondi au cours des 18 derniers mois. Par exemple, le tarif des conteneurs a été multiplié par cinq et par six en l’espace de quelques mois. Quant aux navires, ils font la file dans les ports en attendant de décharger leur cargaison alors que les tarifs quotidiens de location ne cessent de grimper. Au port de Los Angeles-Long Beach, plus d’une soixantaine de navires attendent ainsi; ils sont d’habitude à peine un ou deux. Et ce n’est pas un cas isolé : les ports aux quatre coins du monde sont « dans le même bateau », y compris Vancouver, où l’on observe une situation similaire.
Vous devriez également consulter
Les Services économiques d’EDC brosse un portrait des défis et des occasions qui se présentent aux entreprises canadiennes, dont les effets de la pandémie, le protectionnisme mondial, les changements climatiques et l’agitation sociale.
Pourquoi ce scénario redouté se répète-t-il? Les turbulences économiques extrêmes – comme la pandémie – perturbent les modes production et les systèmes de logistiques agiles. En vérité, mettre l’activité en mode pause s’est révélé beaucoup plus facile que de la relancer. La croissance a décollé plus vite que prévu et a pris les acteurs économiques au dépourvu. De plus, pendant les 12 années qui ont suivi la crise financière mondiale, la croissance a été timide, ce qui a découragé l’investissement dans les capacités de transport maritime et, du coup, diminué notre habileté à gérer le bond de la croissance actuelle. Il faudra du temps pour rattraper le retard, d’autant qu’on dispose de peu de ressources pour créer de la capacité.
Un récent sondage, que nous avons réalisé de façon informelle auprès d’un petit nombre de nos clients exportateurs, a révélé que les délais d’exécution des commandes vont d’un mois à six mois – soit une véritable éternité à l’heure du juste-à-temps.
Y a-t-il une solution à l’horizon? La congestion actuelle alimente une flambée des prix à des niveaux inimaginables qui menacent les marges bénéficiaires des entreprises partout sur le globe. Par chance, des prix élevés sont la solution à des prix élevés. Les navires disponibles sont en ce moment convertis pour le transport de conteneurs, cette activité étant devenue lucrative. Les conteneurs dans les ports augmentent de valeur et sont donc remis en circulation. Les plateformes en ligne sont conçues pour localiser et déployer les navires disponibles, et le fait d’avoir à disposition des conteneurs vides aide à atténuer le problème. L’histoire nous rappelle que les hausses actuelles des prix devraient durer à peine quelques mois.
Dans le même temps, les entreprises dépositaires de ressources rares gagnent au change et souhaitent que cela continue. Après tout, elles ont traversé plusieurs années difficiles et pensent, d’une certaine manière, que ce n’est là qu’un juste retour des choses. Les exploitants de navires de transport chercheront à maximiser leurs profits et, par conséquent, se concentreront sur les occasions les plus profitables – ils n’iront pas forcément là où les besoins sont les plus pressants. Cette situation est frustrante, mais l’expérience du passé nous dit qu’elle sera temporaire : l’attrait de bénéfices plus élevés s’accompagne toujours d’une augmentation des capacités.
À cet écueil immédiat se superpose un autre élément : la croissance. La poussée actuelle de la croissance n’est pas un feu de paille. La demande comprimée est substantielle et de portée mondiale. L’impulsion est vigoureuse et pourrait durer des années. Elle n’améliorera sans doute pas les conditions immédiates, mais elle justifiera l’ajout de capacités qui devrait certainement suivre à court terme. Une demande dynamique est généralement un beau problème; toutefois, dans la conjoncture que nous connaissons, il faudra probablement un peu plus de temps pour opérer un retour à la normale.
Conclusion?
Les capacités du transport maritime sont extrêmement limitées, mais les mécanismes des prix nous permettront de venir à bout de cette situation. En raison de l’expansion de la demande comprimée durant la pandémie, il est impératif de bonifier les capacités de transport maritime. Quand ce sera fait, le commerce international dans son ensemble se portera mieux et restera promis à un très brillant avenir.